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mardi 23 avril 2013

Musculation de rue : street workout


Et si la rue était un terrain de sport géant ?




Tous les jours, des fanas de sport pratiquent le street workout (littéralement, musculation de rue) sur le trottoir, dans les parcs et jardins, ou sur le quai du métro. Ces jeunes amateurs de sport réinventent l’usage des équipements parisiens. Rencontre avec deux équipes.

Le street workout, c'est cette discipline sportive indéfinissable à mi-chemin entre la musculation et l’acrobatie aérienne qui se pratique en plein air et ne nécessite aucun matériel.

Créativité

Un banc, un plot, le revêtement en caoutchouc d’un square, ou encore un garage à vélo, les adeptes du street workout n'ont pas besoin d'autre chose pour s'entraîner. "Avec une simple barre, on peut inventer des figures très ingénieuses", confirme Alexandre, 2 ans de street workout au compteur. Et avec juste une barre justement, voilà Alexandre et ses copains en train de faire un "drapeau", cette pose consistant à tenir à la perpendiculaire d'une barre en hauteur.




 "On revendique aussi un côté artiste" poursuit Alexandre. En effet la discipline se réinvente tous les jours, et c'est par vidéos interposées que les équipes de street workout montrent leurs dernières performances.

La plupart des amateurs de street workout se sont constitués en équipe. Ils sont entre 4 et 6 hommes âgés de 18 à 45 ans. "Et on attend les filles !" préviennent-ils. Chaque équipe porte un nom et les membres arborent aussi le tee-shirt de leur équipe, avec un logo. L’esprit de « team » joue à plein.




Liberté

Quand on leur demande ce qui les a séduit dans ce sport, ils répondent à l'unanimité que c'est la grande liberté dont ils jouissent : "il n'y a pas de contrainte d'horaire, on est à l'air libre, c'est gratuit et on a besoin de rien". Si ce n'est de la ville, et de son mobilier public. C'est le règne de la débrouille, "on fait plus avec moins", commente ainsi Nabil, 21 ans membre des Bar Tigerzz.



Sans inhibition, les sportifs se lancent dans des figures extravagantes, là où on les attend le moins... et dans une rame de métro ils arrivent à dérider les Parisiens !






Virilité 

Pendant les séances, les jeunes se vannent gentiment et se lancent des défis "c'est à celui qui tiendra le plus longtemps en planche". D'ailleurs, le goût du défi est un élément de motivation déterminant pour ces sportifs. Bien souvent, c'est via des vidéos postées sur Internet que les équipent se défient. La plus connue d’entre elle met en scène Hanibal, le roi du street workout. Elle a été vue plus de 8 millions de fois, "c’est cette vidéo qui a donné envie à la plupart des jeunes de s’y mettre", s’accordent à dire les jeunes.



Et quand les équipes débarquent dans un lieu, c'est le spectacle qui commence. Les jeunes hommes se succèdent à la barre, virevoltent, et rivalisent d'inventivité. Dans le parc des Buttes Chaumont, le temps s'arrête quand les Bar Tigerzz font leur démonstration de force. Sous le regard bienveillant des parents, les enfants se joignent au groupe et tentent d'imiter les positions des jeunes. Rapidement, le public s'agrège autour des sportifs qui prennent manifestement beaucoup de plaisir à faire le show.



Et pour s'y mettre ?

Pour l'instant, il n'y a qu'un seul square à Paris qui propose des équipements dédiés au street workout, mais vous pouvez le pratiquer partout.

Vous souhaitez rejoindre une de ces équipes ? Que vous soyez débutant ou sportif confirmé, vous serez bien reçu par ses adeptes qui ont à cœur de faire mieux connaître leur sport.
 leur page Facebook
contact : punishmentteam75 (at) gmail.com
  • Les Bar Tigerzz travaillent entre le Parc de la Vilette, les Buttes Chamount et Romainville
 leur page Facebook
 contact : bartigerzz (at) hotmail.fr
  • L’équipe des Pull and push a pris ses quartiers à Grigny, où était organisé le dernier championnat du monde de Street Workout
 leur page Facebook

  • "Body Art Athlètes de Rue", Quai du Rhône

Plus d'infos

  • Barstarzz official website
  • Kenguru pro official video website
  • DVD : Hannibal For King "The Wait is Over"





>> Pour plus de photos, retrouvez la galerie complète sur Facebook

 


Essaimé dans les cités

Créé il y a une dizaine d'années aux Etats-Unis et en Europe du Nord, le street workout a pris son essor en France à l'intérieur des prisons. A Fleury-Mérogis par exemple, faute d'équipements suffisants, beaucoup de détenus descendent aux promenades avec des serviettes de bain. Pliées en rectangle sur le sol, elles servent à protéger les mains des graviers de la cour ou sont glissées dans les mailles des grillages pour effectuer des tractions sans s'abîmer les paumes. Certains prisonniers tiennent même des "cahiers de sèche", dans lesquels ils inscrivent scrupuleusement les exercices effectués dans la journée. Des prisons, le street workout a essaimé dans les cités. "Il y a eu une influence du monde carcéral, confirme Como, qui pratique dans un autre groupe, celui de Grigny (Essonne). Dans les quartiers, tout le monde connaît des gens revenus plus musclés après quelques mois en prison. Ils s'étaient uniquement entraînés avec le peu de moyens qu'ils avaient." Le faible coût de cette discipline est une autre clé du succès rencontré dans les cités. "Si le street workout se développe autant, c'est aussi une histoire de pouvoir d'achat. Quand tu es dehors à faire de la muscu, ça ne te coûte rien, à l'inverse d'une salle", juge Alexandre Flatard, qui s'entraîne à Paris.

Autre avantage avancé par Blancos, un camarade de Como : "On peut en faire n'importe quand et n'importe où, il n'y a pas d'horaire à respecter contrairement à un gymnase."Les membres de l'équipe de Grigny veulent également promouvoir le street workout pour lutter contre la culture MacDo-kebab, très présente dans les cités. Les quartiers en difficulté comptent davantage de personnes en surpoids que le reste de la population, selon le rapport 2010 de l'Observatoire des zones urbaines sensibles. "On ne boit pas, on ne fume pas, on ne mange pas n'importe quoi, détaille Blancos. On montre aux jeunes qu'il faut avoir une bonne alimentation et une bonne hygiène de vie s'ils veulent pouvoir s'entraîner longtemps." Como, lui, se souvient de "ce type qui a commencé à venir s'entraîner et qui faisait près de 120 kg. Il n'arrivait même pas à faire une traction, on devait le soutenir pour l'aider. A force d'entraînement, il a perdu plus de 15 kg. Dès que les gars voient les premiers effets de l'entraînement, ils font encore plus attention."



Sur le quai de Valmy, dans le 10e arrondissement de Paris, un autre petit groupe s'est constitué. Max arrive en courant, une bouteille d'eau à la main. Avec Alexandre, Youssef, Sékou et le chanteur MC Jean Gab'1, il s'entraîne une ou deux fois par semaine sur les bords du canal Saint-Martin. Crâne rasé et physique d'athlète, ce pompier professionnel à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) mène la séance. Alors qu'il mouline des bras pour échauffer ses articulations, il détaille aux autres l'entraînement du jour : "On commence par faire cinq muscle-up [une traction qui finit au-dessus de la barre, bras tendus]. Puis des séries de dix pompes en alternance. Ensuite, on fera les séries de tractions, de dips [bras tendus au-dessus de la barre] et encore des muscle-up." Durant deux heures, les cinq garçons enchaînent les exercices. Les bons jours, ils font jusqu'à 1 000 pompes et 800 tractions.

MC Jean Gab'1 traque les coups de mou : "Te fous pas de moi, Sékou, il te manque cinq tractions ! On me la fait pas. Remonte sur la barre !" La petite équipe poursuit avec des drapeaux, des 360 où l'on fait un tour sur soi-même entre deux tractions, et des équilibres à la verticale... Alexandre sort son téléphone pour filmer et prendre quelques clichés de l'entraînement. Il les postera le soir même sur Internet.Car dans le petit univers de la musculation de rue, YouTube et Facebook sont devenus des rouages essentiels. C'est une vidéo, vue plus de 8 millions de fois, qui a fait le succès de la discipline : celle d'Hannibal for King, un New-Yorkais à la musculature de videur de boîte de nuit, qui enchaîne avec une déconcertante facilité muscle-up, drapeaux et autres exercices de force. Sur sa page Facebook, Hit, autre Américain superstar, a profité de son passage à Paris pour se prendre en photo en train d'exécuter un drapeau humain en haut de la tour Eiffel sous le regard médusé des touristes. L'équipe de Romainville, elle, s'est fait une spécialité des planches et des équilibres dans les rames du métro parisien.

Même trajectoire que le Hip-Hop

Car à Romainville comme ailleurs, la plupart des amateurs de street workout se sont constitués en "team". Quatre ou cinq personnes, portant un nom qui les identifie auprès des autres : BarTigerzz pour Romainville, Pull and Push pour Grigny, Punishment Team pour l'équipe du quai de Valmy... Toute l'année, ces équipes de quartier se jaugent par vidéos interposées. Et c'est désormais à Grigny, lors de la compétition The King of Pull and Push, organisée depuis deux ans en septembre, qu'elles s'affrontent. Sans animosité aucune. Lors de la dernière édition, en septembre 2012, MC Jean Gab'1 a remporté, à 45 ans et à la surprise de tous, le titre du plus grand nombre de tractions dans la catégorie des moins de 80 kg. S'il est difficile de savoir avec exactitude le nombre de pratiquants de ce sport de rue, la compétition de Grigny a donné une idée de l'engouement en France : une centaine de participants, 500 spectateurs et la star américaine Hit en membre du jury...

En plein essor, le street workout semble aujourd'hui suivre la même trajectoire que le hip-hop. Et pourrait obtenir la reconnaissance et les moyens financiers nécessaires pour bénéficier de réels espaces d'entraînement. A l'heure actuelle, il n'existe que quatre ou cinq sites spécifiques dans toute la région parisienne, équipés de barres parallèles, échelles de singe et autres barres pour faire des tractions. Mais Alexandre Flatard vient de créer l'Association parisienne de sport d'extérieur pour demander à la Ville de Paris de nouveaux terrains en extérieur. Les Pull and Push de Grigny, eux, cherchent une autre manière de peser. Ils font déjà de l'initiation auprès des lycéens et imaginent des interventions en prison. L'été prochain, pour populariser la discipline, ils envisagent même une tournée des plages.





Sophie Robichon 
Mairie de Paris