Incroyable ! L'équipe de France n'est pas performante. Depuis vendredi dernier, et la claque contre l'Ukraine (2-0), l'Hexagone ne s'en remet pas. Les quotidiens font des unes qui flirtent avec la dramaturgie, les chaînes d'info sont fatalistes ou bien nous invitent à croire à une qualification, histoire de garder la flamme et éviter que l'actu des Bleus ne s'apparente à une chronique funéraire. Comme si le pays n'était pas préparé. La sélection nationale de football ne bat aucune équipe qui la devance au classement Fifa (comme l'Ukraine) dans une compétition officielle depuis près de sept ans, mais le pays ne s'y attendait pas ! Depuis 1998, soit une quinzaine d'années, l'incompétence est une règle d'or à la présidence de la Fédération française de football (FFF). Scandales, copinage, autorité de pacotille, dirigeants dépassés et jeux de pouvoir pour un strapontin font partie de l'ADN de cette institution sans vision à long terme devenue panier de crabes pour bureaucrates en préretraite. Mais on fait mine de découvrir aujourd'hui que l'équipe de France ne fonctionne pas bien !
Depuis un coup de tête asséné pour raisons familiales en finale de la Coupe du monde 2006, la France a eu droit, en 2008, après une belle déroute sportive, à un sélectionneur qui confond sitcom et point-presse en demandant en mariage sa compagne chroniqueuse à la télévision qui débattait en direct des compétences de ce dernier. Elle a vu ensuite son meilleur joueur Franck Ribéry débarquer en 2010 sur le plateau de Téléfoot en tongs et les yeux humides en option pour exprimer son amour des Bleus après que l'un de ses coéquipiers eut affublé la maman du coach d'un sobriquet peu gratifiant. Et une grève des joueurs en pleine Coupe du monde avec lettre de doléance écrite par les intéressés et lue par le sélectionneur lui-même et dont la version originale avait un niveau d'orthographe et de syntaxe digne de l'école primaire. Peine disciplinaire infligée contre rebelles zapatistes avec sacoche Louis Vuitton en bandoulière : juste quelques matches de suspension...
Puis il y a eu l'Euro 2012 avec Hatem Ben Arfa qui envoie paître Laurent Blanc, Jérémy Menez qui insulte un arbitre ou Samir Nasri qui règle ses comptes avec les journalistes. Et pour finir la récente interview de Patrice Evra dans l'émission Téléfoot où il claironne son CV de club et son statut en sélection, invective des chroniqueurs (à juste titre ou pas, cela importe peu vu qu'il va au clash avec les couleurs de l'équipe de France sur les épaules et non pas en tenue "civile") tout en omettant la pauvreté de ses prestations en plus de 50 sélections en équipe nationale.
L'histoire récente des Bleus est un bêtisier
Mais comment s'étonner de cette défaite après cette énumération ? La récente histoire des Bleus n'est pas seulement un recueil de déroutes sportives. C'est un bêtisier où les interviews insipides de joueurs et la béatitude des commentateurs en direct remplacent les rires préenregistrés. Et malgré le ridicule qui anime chaque rendez-vous de l'équipe de France avec une phase finale, aucun changement n'est effectué. Toujours les mêmes dirigeants, la même école de pensée où l'on réfléchit d'abord à court terme et au gain immédiat d'une qualification sans voir plus loin, toujours cette même mentalité chez les joueurs qui se réjouissent de leur talent et qui se gaussent de leur quotidien dans un grand club pour ensuite livrer des matches indigestes quand ils ont le maillot de l'équipe nationale sur les épaules.
Sans parler de beaucoup de supporteurs de cette équipe de France qui criaient au lynchage médiatique et défendaient Patrice Evra après sa dernière intervention télévisuelle puis qui fustigent l'état d'esprit des joueurs quelques semaines plus tard, après cette déconvenue en Ukraine. Des chroniqueurs se muent en "idiots utiles" en parlant de rédemption ou de réhabilitation pour les mutins de Knysna comme s'ils étaient des pauvres capitaines Dreyfus ou des jeunes désoeuvrés victimes des démagogues patriotiques, ou bien au contraire les comparent à des caïds de cité alors qu'ils sont juste des millionnaires déconnectés qui n'ont plus vécu dans un quartier sensible depuis l'âge de 15 ans. La cohérence n'est nulle part. Ni chez les joueurs, ni chez les spectateurs, ni chez les journalistes et encore moins dans les institutions.
Le pire, c'est que tout sera oublié en cas de retournement de situation et de qualification mardi soir. La France boira à la victoire comme en 2009 lorsque la main de Thierry Henry éliminant l'Eire occultait la médiocrité du projet sportif de Raymond Domenech. Les joueurs boulets qui tirent le niveau des Bleus vers le bas seront conservés et les illusions, les effets d'annonce réapparaîtront, le syndrome de la girouette se propagera dans tout le pays. Élimination ou miracle, peu importe le scénario, il faudra quoi qu'il arrive s'interroger sur le niveau réel des joueurs français, de la formation à la française, de la vision très étriquée du football de beaucoup de techniciens de l'Hexagone qui a stéréotypé le jeu tricolore de cette dernière décennie. Le football français dégage une vilain parfum et un très improbable ticket pour le Mondial 2014 en cas de victoire de minimum 3-0 ne sera qu'un désodorisant provisoire.
Alexandre Borde