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samedi 14 décembre 2013

14 décembre 1911. Amundsen devance Scott au pôle Sud après une belle tromperie


Jusqu'au dernier moment, l'explorateur norvégien fait croire qu'il part à l'assaut du pôle Nord pour mieux tromper son rival. 

Roald Amundsen, l'explorateur norvégien qui a conquis le pôle Sud. © DR 


Le 14 décembre 1911, aux alentours de 15 heures, l'explorateur norvégien Roald Amundsen plante le drapeau de son pays à l'emplacement supposé du pôle Sud. Supposé, car il se méfie de la fiabilité exacte de ses instruments. Il garde en tête la querelle entre Peary et Cook sur la localisation exacte du pôle Nord. Il ne faudrait pas que Scott, qu'il sait sur ses talons, lui conteste sa victoire. Durant trois jours, il demande à ses hommes de parcourir les environs à ski de façon à être certain de ne pas rater le pôle. Avant de lever le camp, le Norvégien dresse une tente à l'emplacement du pôle Sud, la Polheim (la maison du pôle), où il abandonne des instruments pouvant être utiles à Scott. Il lui laisse également une enveloppe à remettre au souverain norvégien au cas où lui-même viendrait à périr sur le chemin du retour. Comble du destin, c'est Scott qui, ayant rejoint le pôle avec trente-trois jours de retard sur son rival, mourra prisonnier de l'Antarctique (Voir l'éphéméride du 12 novembre 1912).

Le plus surprenant dans cette incroyable équipée, c'est que Roald Amundsen ne vainc le pôle Sud que faute de mieux. En fait, depuis l'enfance, le Norvégien caresse le rêve de conquérir le pôle Nord. Après plusieurs années d'efforts, il est en pleine préparation de son expédition financée par le roi de Norvège et par une souscription publique, quand il apprend que deux Américains, Robert Peary et Frederick Cook, l'ont devancé. Le voilà effondré. Tant d'efforts réduits à néant. Que faire ? C'est alors que son ami Jean-Louis Étienne lui souffle de troquer le Nord pour le Sud... Mais quelle merveilleuse idée ! Le pôle Sud reste encore à conquérir, cependant, il ne faut pas tarder, car le Britannique Falcon Scott en a fait son objectif. En juin 1910, Roald Amundsen change ses plans dans le plus grand secret. Il ne se confie à personne, craignant que le roi et ses souscripteurs n'apprécient pas ce changement de pôle. Mais, surtout, Scott pourrait accélérer ses préparatifs. Amundsen est d'autant plus vache de se taire que Scott lui avait confié des instruments scientifiques pour effectuer des mesures au pôle Nord. Et quand celui-ci lui passe un coup de fil pour vérifier s'il a bien reçu les instruments, Amundsen ne prend pas la communication pour ne pas avouer son changement de plan.

Tromperie

Ce n'est que le 8 août 1909, à la veille de son appareillage de Kristiansand, qu'Amundsen avertit enfin deux officiers de son navire du changement d'objectif. Bien obligé. Quand le navire file vers le Sud, l'équipage commence à se douter de quelque chose, mais l'explorateur explique qu'il veut simplement contourner l'Amérique pour attaquer son expédition par le détroit de Béring. L'explication ne convainc pas grand monde à bord. À Madère, Amundsen dévoile enfin ses plans. Pour faire avaler la pilule à l'équipage, il explique que son objectif premier reste toujours le pôle Nord, après un crochet dans le Sud. Amundsen ne peut faire autrement que de prévenir également Scott en lui expédiant un télégramme à Melbourne, où l'Anglais doit faire escale. "Prends liberté vous informer Fram fait route vers l'Antarctique" ("Beg to inform you Fram proceeding Antarctica"). Le Fram est le navire d'Amundsen prêté par l'explorateur Nansen. On imagine la tête de Scott en lisant le télégramme. Celle de Fillon, Copé et consorts apprenant que Sarkozy "ne peut pas ne pas revenir". Même en Norvège, l'opinion publique a de la peine à accepter cette tromperie.


Le 14 janvier 1911, le Fram pénètre dans la baie des Baleines sur le continent Antarctique. Aussitôt à terre, Amundsen dresse son camp de base. Il n'a qu'une obsession en tête : battre de vitesse Scott, qui a déjà débarqué une dizaine de jours auparavant à Ross Island. À peine installés, les Norvégiens voient une voile apparaître à l'horizon, c'est celle du Terra Nova qui part se mettre à l'abri après avoir déposé Scott. Les marins anglais sont surpris de découvrir les Norvégiens installés à cet endroit, ils les croyaient de l'autre côté du continent. La surprise est d'autant plus mauvaise que le camp d'Amundsen est plus proche du pôle de cent kilomètres que celui de Scott. Le Terra Nova s'empresse de faire demi-tour pour prévenir Scott.

Obsession

Les deux expéditions diffèrent sur de nombreux points. Par exemple, Amundsen parie uniquement sur des chiens pour tirer les traîneaux. Scott préfère utiliser des traîneaux à moteur et des poneys de Mandchourie. Amundsen fait également un meilleur choix concernant les vêtements et les équipements. En revanche, l'Anglais bénéficie d'une meilleure connaissance du terrain puisqu'il emprunte la voie tracée par Shackleton en 1909, lequel avait dû faire demi-tour à 180 kilomètres du but. Au cours des premières semaines, menant une course contre l'hiver polaire, le Norvégien multiplie les raids pour installer trois dépôts de ravitaillement sur la route menant au pôle. À partir d'avril, la nuit tombe et la température chute trop pour se déplacer. Jusqu'en août, les Norvégiens restent calfeutrés dans leur camp de base, coupés du reste du monde. Pas de mail, pas de texto, pas de Ice Show, c'est l'enfer ! Le 8 septembre 1911, sur des charbons ardents, Amundsen s'élance vers le pôle avec huit hommes, n'écoutant pas les conseils de prudence de son équipage lui disant qu'il fait encore trop froid. Quatre jours plus tard, il doit faire demi-tour car les nuits sont encore bien trop glacées.

Finalement, Amundsen doit attendre le 19 octobre pour repartir. Sans le savoir, il précède de douze jours le départ de Scott. Il emmène avec lui quatre hommes, quatre traîneaux et cinquante-deux chiens. Ils progressent vite, jusqu'à 27 kilomètres par jour. Malgré d'énormes difficultés à vaincre, notamment l'escalade d'un glacier culminant à 3 200 mètres d'altitude, l'expédition progresse à bonne allure. À la mi-novembre, vingt-sept chiens sont sacrifiés pour fournir de la viande aux autres chiens et aux hommes. Ils reprennent la route le 25 novembre, peinant dans un terrain parsemé de crevasses. Amundsen reste taraudé par l'angoisse de se faire coiffer au poteau par Scott. Le 12 décembre, grande frayeur, les Norvégiens aperçoivent des masses sombres au loin. Est-ce l'expédition anglaise ? Non, ce ne sont que les chiens endormis à l'écart. La victoire est à portée de skis.

Goût amer

Le 14 décembre, vers 15 heures, l'expédition norvégienne est la première à atteindre le pôle Sud. Amundsen est soulagé. Enfin, il a conquis son pôle. Trois jours plus tard, les cinq Norvégiens entament leur périple de retour. Ils regagnent leur camp de base le 25 janvier 1912, après 99 jours de marche. Sans laisser le temps de souffler à ses hommes, Amundsen quitte la baie des Baleines à bord du Fram le 30 janvier. Il est tellement pressé de répandre la nouvelle de sa victoire ! Enfin, le 7 mars, le navire atteint Hobart, d'où Amundsen envoie de nombreux télégrammes annonçant son triomphe. Dès le lendemain, il envoie le rapport complet de l'expédition au Daily Chronicle de Londres, qui lui a acheté les droits exclusifs. Son exploit soulève l'enthousiasme partout dans le monde, même si son mensonge laisse un goût amer à certains. En Grande-Bretagne bien sûr, patrie de Scott, mais également en Norvège.