Mecatyp à Corbières et TechTonique à Cerniat ont développé le premier compteur de munitions pour pistolet. Dix ans de recherche et un marché potentiel énorme: 875 millions d’armes de poing dans le monde. Présentation de cette invention 100% fribourgeoise.
Pour cette invention, Jacques Demierre, de TechTonique SA (tout à gauche), a collaboré avec Olivier Plancherel, David Egger et Yvan Magnin, de Mecatyp SA. © Vincent Murith/DR
Avec pas moins de 875 millions d’armes de poing en circulation dans le monde, le marché semble prometteur. L’association Fri Up, qui soutient les PME et les start-up du canton de Fribourg, a d’ailleurs appuyé la démarche en réalisant une petite étude de marché lors d’une bourse aux armes à Lausanne. Un sondage positif: une personne sur deux s’est en effet dite intéressée par le produit.
Un besoin évident
«Ça peut paraître fou, mais il n’existe aucun produit sur le marché permettant de savoir combien il reste de balles dans le pistolet. Pourtant, dans des situations de stress comme une fusillade, cette information est capitale!» Ancien policier, Jacques Demierre ne le sait que trop bien. Le fondateur de TechTonique – une entreprise à qui l’on doit par exemple la première lampe frontale à LED – se met donc en tête de combler cette lacune.
«Avec mon épouse Valérie, qui a aussi travaillé dans la police, et mon frère Michel, ingénieur en microtechnique, nous avons d’abord travaillé sur une version électronique», raconte Jacques Demierre. L’essai n’est pas concluant: «Le système n’est pas assez fiable, trop fragile, admet-il. En plus, il fallait une source d’énergie pour le faire fonctionner. Et ce n’était pas tellement en accord avec la philosophie d’une arme où la mécanique prime.»
En 2005, après quelques recherches sur internet, Jacques Demierre tombe sur Mecatyp. Installée dans l’ancienne tuilerie de Corbières, cette société créée il y a treize ans par quatre associés – David Egger, Yvan Magnin, Michaël Paschoud et Olivier Plancherel – réalise des pièces mécaniques de haute technicité pour des domaines d’activité comme l’automobile, le médical, l’électronique et la microtechnique. Elle s’est fait connaître avec un dioptre pour le tir sportif conçu en collaboration avec le champion du monde Daniel Burger et Pierre-Alain Dufaux.
Trois modèles
L’aventure a été longue, le projet patiemment mûri: il a fallu passer par cinq versions différentes et des centaines de prototypes pour arriver au produit final – un système de ressort et de poulie – pour lequel un brevet a été déposé. «Sans doute parce que le mécanisme est simple, il a été d’autant plus difficile à trouver. Depuis 1934, de nombreux inventeurs s’y sont essayés en vain», rappelle Yvan Magnin, responsable développement chez Mecatyp. «Tout est fabriqué à Corbières, ajoute-t-il, à part les roulements à billes qui proviennent d’un fournisseur fribourgeois. Par ailleurs, si de grosses commandes nous arrivent, on a déjà trouvé des sous-traitants régionaux qui sont prêts à nous épauler dans la production.»
Pour l’instant, trois modèles sont proposés pour les armes les plus courantes, deux SIG et un Beretta, au prix de 200francs l’unité. «Outre un compteur de munitions, gage de sécurité, le chargeur Observer offre une meilleure ergonomie, adaptée à chaque type de crosse. Il permet de mieux avoir son arme en main», estime Jacques Demierre.
Un pistolet sur 10'000
Dans le domaine de l’armement, selon lui, l’étiquette Swiss Made de ce nouveau produit est en outre «un vrai plus». Entre les professionnels (lire ci-contre) et les privés qui aiment accessoiriser leur arme, le marché potentiel est gigantesque. Mecatyp etTechTonique visent à équiper de leur compteur un pistolet sur10000. «C’est-à-dire entre 20'000 et 40'000 par an.»
La police cantonale l’a testé
Les 42'000 policiers recensés en Suisse sont l’une des clientèles cibles pour le chargeur Observer. «Instructeur au centre de formation de la Police cantonale fribourgeoise, le sergent Markus Boschung a testé le produit il y a un mois et il a été visiblement séduit», révèle Jacques Demierre, l’un des pères de cette invention 100% fribourgeoise.
Porte-parole de la police cantonale, le lieutenant Gallus Risse confirme que l’essai s’est avéré globalement positif: «Ce compteur est certainement utile. Il comporte des avantages comme des désavantages.» Son acquisition n’est cependant pas à l’ordre du jour: «Ce chargeur n’est disponible que pour des pistolets SIG ou Beretta. Or, nous sommes équipés depuis peu de SPGlock, explique-t-il. De plus, acquérir un millier de chargeurs (ndlr:deux par policier) à 200 francs pièce a un coût non négligeable.» Ce sera au commandant Pierre Schuwey de trancher.
D’autres polices en Suisse mais aussi en France ont été approchées. «Leur intérêt est impressionnant», se réjouit Jacques Demierre.
Francis Granget