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jeudi 1 mai 2014

En 1994, la F1 a perdu son plus beau joyau



La Formule 1, ça n'est pas que du sport. La Formule 1 telle qu'on l'entend quand il s'agit des légendes qui ont jonché le circuit dépasse les cimes du sport auto. Juan Manuel Fangio, Jackie Stewart, François Cevert, Niki Lauda, James Hunt, Didier Pironi, Gilles Villeneuve, Alain Prost, Ayrton Senna. Tous ont apporté leur pierre à l'édifice de la plus mythique des compétitions automobiles. Pourtant, depuis vingt ans, la F1 se morfond. Elle pleure la perte de son enfant le plus terrible, de son bijou le plus éclatant, de son artiste le plus torturé.

Le 1er mai 1994, Ayrton Da Silva Senna s'est éteint. C'était un dimanche, jour de Grand Prix - celui de San Marin, là où dix ans plus tôt, le pilote brésilien, pour sa première saison en F1, n'avait pas réussi à se qualifier. Là où, deux jours plus tôt, Rubens Barrichello avait été victime d'un terrible accident, sans gravité. Là où, la veille, Roland Ratzenberger avait perdu le contrôle de sa monoplace - et bien plus au passage - dans le virage Gilles Villeneuve. Un Grand Prix maudit.

Trois jours de deuil national au Brésil

Dimanche, l'accident fit trembler les asphaltes du monde entier peu après 14 heures. Sur la piste d'Imola, au virage de Tamburello, la colonne de direction de la Williams n° 2 se brise et emporte avec elle tout sur son passage : la monoplace, son génial pilote et la Formule 1 dont le lustre d'antan vient d'être recouvert d'une épaisse couche de crasse morbide. La disparition d'Ayrton Senna dépassera aussi bien les limites étroites des paddocks que les vastes frontières du sport. Itamar Franco, alors président du Brésil, décrétera d'ailleurs trois jours de deuil national.

Le monde entier est pris d'arythmie cardiaque. Rien n'a d'égal à l'échelle internationale, le décès du triple champion du monde de Formule 1 (1988, 1990, 1991) s'apparentant plus à celui d'un chef d'État, d'un pape. C'était celui d'une icône. Une personnalité profondément adorée par un peuple brésilien conquis par la manière dont son champion le représente. Pourtant, Ayrton Senna avait cette capacité à cliver. Il dégageait une aura mystique qui suscitait soit l'amour et l'admiration profonde, soit le scepticisme, le malaise et le rejet. Impossible de rester insensible ou neutre. Des pilotes au public, en passant par les dirigeants de la F1 et les constructeurs.

Senna-Prost, les planètes s'alignent

Le sport vit au rythme de ses grands champions et quand, par chance ou hasard du calendrier, deux d'entre eux sont amenés à se croiser, le résultat est souvent explosif. Et, quand toutes les strates de leur personnalité paraissent aussi parfaitement complémentaires que profondément contradictoires, il n'y a plus qu'à attendre tranquillement et laisser le temps faire son travail. Car ce qui a permis au petit gamin de São Paulo de bâtir sa légende, c'est aussi et d'abord sa rivalité avec le champion français Alain Prost, quadruple champion du monde de F1 (1985, 1986, 1989, 1993).

Senna-Prost, Prost-Senna, c'est un classique du sport. Peut-être même le plus grand tant leur bataille féroce prit parfois des virages homériques. Leurs faits d'armes sont infinis, mais comment oublier les prises de risques hallucinantes et dangereuses lors des deux Grands Prix du Japon (1989, 1990) dont le dernier aboutira à une amende (100 000 dollars) suspension de six mois du Brésilien ? Comment oublier 1993 et le dernier GP de la carrière d'Alain Prost, en Australie, quand après sept années de féroce rivalité, Ayrton Senna - qui a remporté la course devant le Français - invite son meilleur ennemi sur la plus haute marche du podium, le serrant dans ses bras tout sourire ? Comment ne pas remuer le couteau dans la plaie au souvenir de la phrase du Brésilien, lors du tour de chauffe de son ultime Grand Prix, à l'attention de son désormais nouveau confident, via la radio de sa monoplace ("Alain, I miss you...") ? Comment ne pas se souvenir que lors des obsèques, Alain Prost faisait partie du cortège portant le cercueil de son meilleur ennemi, aux côtés de ses intimes ?

Deux pilotes diamétralement opposés sur tout : dans leur caractère, dans leur vision de la course, dans leur préparation, dans leur pilotage, dans leur regard sur la vie. Le rapport à la vie du Brésilien - un combat perpétuel contre lui-même pour franchir ses limites - participe justement à sa composante mystique. Véritable virtuose sous la pluie et en séances de qualification, Ayrton Senna prend tous les risques sur une piste au détriment de sa santé. Au contraire, Alain Prost, traumatisé par son accident sous la pluie qui a coûté la carrière de Didier Pironi en 1982, est bien plus mesuré dans ses prises de décision au volant, ne prenant aucun risque superflu. La mesure du "Professeur" face à l'impétuosité de "Magic Senna" ont propulsé la F1 dans une autre dimension.

Spiritualité

La totale, profonde et extrême dévotion du Brésilien à sa discipline a pris parfois des tournants inquiétants pour sa santé : quand il terminait des courses totalement épuisé, au bord de l'évanouissement, dans la quasi-impossibilité de soulever le trophée du vainqueur (Grand Prix du Brésil 1991) ; quand il attaquait sans cesse, même en tête de la course et avec une avance confortable, et finissait par sortir de piste (Grand Prix Monaco 1988) ; quand il expliquait réaliser certains tours en apnée pour mieux sentir la piste ; quand il racontait avoir déjà atteint un tel degré de concentration en qualifications qu'il s'était senti à deux doigts de laisser l'initiative de ses actes à son subconscient, etc.

Ayrton Senna était un fervent croyant et sur les dernières années de sa carrière, il savait que cette caractéristique irritait, inquiétait ou suscitait des moqueries en tout genre. Du coup, il ne s'exprimait que très peu sur la religion. En recherche constante de réponses sur les événements de la vie qui se présentaient à lui, il trouvait dans la spiritualité une façon de répondre à ses questions. Il lui fallait une réponse à tout. Mais l'ange de la Formule 1 a laissé bien des questions en suspens en prenant son brutal envol.


Extrêmement soucieux de la sécurité des autres pilotes - il avait d'ailleurs demandé d'annuler le Grand Prix de San Marin 1994 avant de longuement hésiter avant d'y prendre part -, Ayrton Senna a bouleversé la reine des courses automobiles de son vivant. Mais aussi de manière posthume. La Formule 1 n'a plus perdu le moindre pilote dans un accident mortel depuis... vingt ans tout rond. Mais elle n'a toujours pas retrouvé de légende depuis. Comme si elle avait vécu et disparu avec son magicien.



Alexandre Ferret