Le départ de Christophe Rasch (ici en août 2009) n’est pas une surprise, à entendre divers actionnaires... © ARC/Jean-Bernard Sieber
Christophe Rasch quitte la chaîne, qui a perdu 1,5 million en 2013. L’avocat Damien Piller aura plus de 40% du capital et Lausanne promet 550'000 francs.
Christophe Rasch démissionne de la direction générale de La Télé avec effet immédiat. Cette décision fait suite aux résultats 2013 alarmants de la chaîne valdo-fribourgeoise, entérinés hier par le conseil d’administration.
Christophe Rasch, directeur de La Télé dès ses débuts en 2009, a quitté les locaux de la chaîne dans la journée d’hier. Deux dirigeants de Radio Fribourg assurent l’intérim: Thierry Savary, directeur de la radio et Markus Baumer, son directeur administratif. «Thierry Savary est membre du conseil d’administration, sa position est excellente car il connaît tout de La Télé», note Philippe Sordet, président du conseil. L’homme de radio fribourgeois y représente l’actionnaire Damien Piller, qui monte en puissance. Il passera de 24% à une part se situant entre 40% et 49%, précise-t-il à l’ATS.
Chute brutale
La Télé a perdu 1,5 million de francs l’an dernier. La chute est brutale, par rapport aux derniers résultats publiés par l’Office fédéral de la communication (OFCOM): en 2012, La Télé présentait un déficit de 110'000 francs, pour des charges de 6,6 millions. La majeure partie de ses revenus viennent de la redevance (3,6 millions), la publicité assurant le reste.
«La situation est très difficile, nous préparons une recapitalisation qui doit permettre de maintenir les emplois», admet Philippe Sordet. Le départ de Christophe Rasch n’est pas une surprise, à entendre divers actionnaires. Cependant, il était pronostiqué après l’assemblée générale du 27 mai prochain. Y aurait-il des reproches à faire au désormais ex-directeur? Philippe Sordet ne répond pas.
Sauvetage
Pour les comptes 2013, la majorité des actionnaires limite les dégâts en abandonnant ses prêts historiques: les chiffres rouges passent ainsi à 70'000 francs. Tamedia - qui avait repris les parts d’Edipresse - abandonne une écriture comptable de 618'000 francs.
La recapitalisation qui se prépare depuis l’an dernier se précise. Elle doit atteindre 1,5 million d’ici à l’assemblée générale des actionnaires. Et un nouvel apport de fonds est planifié pour la fin de l’année. La valeur de l’action de la société doit passer de 80 à 40 francs.
Lausanne reste
Comme en 2010, la ville de Lausanne va participer à la recapitalisation de La Télé pour garder sa position, entre 22 et 23% du capital. Le syndic Daniel Brélaz demandera un crédit de 550'000 francs au parlement de la ville, d’ici à l’automne. La capitale vaudoise a déjà misé environ un million de francs sur la chaîne depuis sa création. Elle soutenait TVRL, l’ancêtre de La Télé.
En revanche, les communes du Nord vaudois et de l’Est vaudois ne participeront pas à ce nouveau sauvetage. St-Paul Holding SA (éditeur de «La Liberté») non plus: «Ce n’est pas dans le cœur de nos activités», indique Thierry Mauron, son directeur. La part du groupe fribourgeois, aujourd’hui de 9%, s’érodera.
Exigences
Selon le magazine économique «Bilan», un grave manque de liquidité a été constaté en novembre 2013. Une banque prête alors un demi-million à la chaîne, à condition qu’elle trouve un codébiteur solidaire: Damien Piller, déjà actionnaire à hauteur de 24%, accepte. Le Fribourgeois (Radio Fribourg, Sept.info) demande un audit financier, qui montre, en janvier, un découvert dépassant 1 million de francs, selon le magazine.
Avec 2% des actions, le Centre patronal fait partie des petits actionnaires institutionnels vaudois (avec Retraites populaires et l’Etablissement cantonal d’assurance) venus secourir La Télé en 2010 déjà. Son directeur, Christophe Reymond, reconnaît que La Télé a connu «quelques soucis de gestion». Le Centre patronal a accepté le principe d’une participation à la recapitalisation, «mais en exigeant des mesures pour pérenniser la société». Le patron des patrons vaudois estime nécessaire un contrepoids au «mammouth du service public».
Stratégie critiquée, studio genevois abandonné
Les graves difficultés financières de La Télé coïncident avec des critiques sur sa stratégie expansionniste. Daniel Brélaz explique que l’avenir de la chaîne passera par «une plus grande proximité avec Vaud et Fribourg, sans extension à Genève…». Christophe Rasch avait en effet installé un studio à Genève, qui sera abandonné. Il souhaitait profiter du décloisonnement des zones de diffusion, que la nouvelle loi fédérale a autorisé dès 2013. La Télé pouvait désormais être vue au-delà de son terreau historique valdo-fribourgeois et ambitionner de devenir la principale chaîne privée romande.
En cinq ans d’existence, La Télé a pu profiter d’un assouplissement de ses conditions d’existence. Elle a pu bénéficier d’un versement anticipé de sa part - plus grosse - du gâteau de la redevance dès 2013. Parallèlement, elle a aussi été marquée par une longue série de départs au sein de son équipe: Fathi Derder, Tristan Cerf, Julie Evard, Julien Schekter ou encore Pascal Wassmer. Sans compter deux directeurs financiers.
Jérôme Cachin