Dans la réserve sud-africaine de Finfoot Lake, près de Tantanana, le 22 novembre 2012. | DENIS FARRELL/AP
Les gouvernements sud-africain et vietnamien ont signé un accord de coopération, lundi 10 décembre, pour lutter contre le braconnage de rhinocéros et le commerce illicite de leurs cornes. Une déclaration d'intention dont les défenseurs de la faune se demandent si elle sera vraiment suivie d'effets.
618 animaux ont déjà été abattus cette année en Afrique du Sud, un record, contre 448 en 2011 et seulement 13 en 2007. A ce rythme, le nombre de rhinocéros 25 000 actuellement, les trois quarts de la population mondiale commencera à décroître dans les prochaines années.
Le Vietnam serait le premier marché pour ces cornes qui, réduites en poudre, sont vendues comme drogue récréative ou pour leurs vertus médicales, pourtant démenties par les scientifiques. Lors de la signature du mémorandum, à Hanoï, le ministre vietnamien de l'agriculture, Cao Duc Phat, a assuré que la lutte contre cette criminalité était "une préoccupation de gouvernement" et que l'importation dans le pays des produits dérivés du rhinocéros pourrait bientôt être interdite.
Le Fonds mondial pour la nature (WWF) et l'organisation Traffic ont salué dans un communiqué cette "volonté de frapper fort contre les organisations criminelles qui se cachent derrière cette folie meurtrière contre les rhinocéros", tout en soulignant que cet accord ne comportait pour l'instant que des "termes généraux".
50 000 EUROS LE KILO DE CORNE
Pour mettre fin au "massacre du trésor national sud-africain", la ministre de l'environnement, Edna Molewa, a jugé "cruciale" la coopération entre les deux pays, car "la chasse illégale est largement alimentée par la demande internationale pour la corne de rhinocéros", qui peut se vendre sous le manteau jusqu'à 50 000 euros le kilo.
En 2012, 257 braconniers présumés ont été arrêtés. Début novembre, un trafiquant thaïlandais a été condamné à quarante ans de prison par un tribunal de Johannesburg. Jamais un verdict aussi lourd n'avait été prononcé en Afrique du Sud dans ce type d'affaire. Chumong Lemtongthai obtenait illégalement des permis de chasse. Il recrutait des prostitués asiatiques qu'il faisait passer pour des chasseurs, afin de pouvoir exporter les cornes en tant que trophées.
Les mafias poussent des petites mains locales, de bons connaisseurs de la brousse, à devenir braconniers pour gagner en une seule nuit plusieurs années de salaire. Elles corrompent aussi des gardes, des fonctionnaires ou des policiers pour se protéger.
Dans les réserves privées et les parcs publics sud-africains, tous les moyens sont bons pour tenter de protéger les mammifères. La semaine dernière, dans le célèbre parc Kruger fortement touché, une fondation familiale a remis aux autorités un petit avion d'observation, capable de détecter au sol, grâce à des caméras thermiques, des êtres vivants ou des véhicules en marche grâce aux contrastes de températures.
L'armée a été déployée le long de la frontière avec le Mozambique, tandis que des patrouilles de chiens pisteurs équipés de GPS ont été formées.
De plus en plus de propriétaires, dont une partie plaide pour la légalisation du marché, décident de décorner leurs rhinocéros, dont la protubérance faite de kératine, la même matière que les ongles humains, repousse avec le temps.
Sébastien Hervieu
