En raison de la pression fiscale en France, de nombreux Franco-Suisses ont tranché : ils seront suisses et rien d'autre. Un phénomène en nette hausse.
Les droits de succession que la France entend bien récupérer même si le défunt était domicilié en Suisse pousseraient de plus en plus de nos compatriotes à renoncer à leur nationalité. © Fabrice Coffrini / AFP
L'expression est délicieusement désuète. Cela s'appelle une demande de "libération des liens d'allégeance". En clair, un renoncement à sa nationalité. En 2013, 196 demandes de libération des liens d'allégeance ont été accordées par le ministère de l'Intérieur français. Un chiffre en constante augmentation. Il n'y en avait eu que 37 en 2010, 38 en 2011 et 95 en 2012. Cette augmentation provient principalement d'un seul pays, la Suisse. Selon les statistiques du ministère de l'Intérieur, 119 Français domiciliés dans la Confédération ont dit "non" l'année dernière au drapeau bleu blanc rouge. Ils n'étaient que trois en 2011.
C'est Claudine Schmid, députée UMP des Français de Suisse et du Liechtenstein, qui a tiré la sonnette d'alarme en interrogeant le ministère des Affaires étrangères. "C'est le seul pays où une rupture est notée. Il est donc nécessaire de s'interroger sur les raisons qui motivent nos compatriotes à renoncer à leur nationalité", écrit la députée. En se basant sur les chiffres des consulats de Genève et de Zurich, elle obtient des chiffres très légèrement différents de ceux du ministère de l'Intérieur.
En cause, les droits de succession
Le nombre de demandes de libération des liens d'allégeance déposées à Genève est passé de 2 en 2011 à 43 en 2012 et à 84 en 2013. À Zurich, il n'y avait aucune demande en 2011, 22 en 2012 et 28 en 2013. Claudine Schmid arrive ainsi à un chiffre de 65 Français ayant renoncé à leur passeport en 2012, et à 113 en 2014. Interrogée par La Tribune de Genève, qui titre "Une vague de Français rendent leur passeport", la députée des Français de Suisse ne cache pas que ce désamour pour l'Hexagone serait lié à des raisons fiscales.
Plus précisément, il s'agit de la convention franco-suisse sur les successions de 1953, remise en cause par Paris, qui concerne les 180 000 Suisses vivant en France et les 160 000 Français habitant dans la Confédération. Cette convention était fondée sur le principe de l'imposition au lieu de domicile du défunt. Or, les droits de succession sont souvent inexistants en Suisse. La France entend réclamer des droits de succession aux bénéficiaires vivant en France lorsque le défunt était domicilié en Suisse !
Même phénomène à Monaco
Actuellement, lorsqu'un riche Français, bénéficiant d'un forfait fiscal, s'éteint dans le canton de Vaud, ses enfants et petits-enfants ne paient que 0,009 % d'impôts sur les successions, ses frères et soeurs 5,28 %. Avec la nouvelle convention franco-suisse, ses héritiers, s'ils habitent en France, tomberont sous le régime tricolore, nettement moins conciliant. De quoi pousser des Français vivant dans la Confédération, notamment ceux bénéficiant de la double nationalité, à tourner le dos à la République.
Interviewé samedi sur ce phénomène par la presse suisse, Michel Duclos, ambassadeur de France à Berne, actuellement sur le départ, minimise ces chiffres. "Il y a au moins 100 000 binationaux. Donc, statistiquement, ce n'est pas significatif", déclare-t-il. Un autre pays connaît le même phénomène, il s'agit de la principauté de Monaco, où les demandes de libération des liens d'allégeance sont passées de 5 en 2011, à 12 en 2012 et à 21 en 2013. À titre de comparaison, aux États-Unis, 12 Français ont renoncé à leur passeport l'année dernière, au Royaume-Uni 9, en Belgique 6 et en Allemagne aucun.
Ian Hamel