Les résultats de l'étude menée sur le personnel d'une station polaire devraient être très profitables pour les personnes travaillant dans des endroits trop peu éclairés.
Tous ceux qui manquent de lumière pourraient bénéficier d'applications pratiques issues de cette étude
C'est grâce aux expériences menées auprès des membres de la station scientifique polaire internationale Concordia que de nombreuses personnes travaillant avec une luminosité très faible pourront sans doute, dans un avenir proche, courir moins de risques professionnels et être plus productives, tout en gardant la santé. Ces bénéfices potentiels, on les doit à une équipe de chercheurs de l'Inserm, dirigée par Claude Gronfier (Inserm U846 "Institut cellule souche et cerveau"). Leur but n'était pas de mettre "les pendules" à l'heure, mais les horloges biologiques. Leurs résultats viennent d'être publiés dans Plos One.
Cette fameuse horloge biologique - encore appelée "rythme circadien", car il dure en moyenne 24 heures - est le métronome de notre organisme. Située au coeur du cerveau, elle est composée de 20 000 neurones qui contrôlent notamment le cycle éveil/sommeil, la température corporelle, le rythme cardiaque et la délivrance d'hormones. Et c'est essentiellement la lumière qui lui permet de se resynchroniser. Il est donc inutile de préciser que la vie des personnes vivant aux pôles est chamboulée par des jours puis des nuits sans fin.
C'est pourquoi le personnel de la station Concordia a été choisi par les chercheurs désireux d'étudier, dans des conditions réelles, l'influence de divers types de lumière artificielle sur la manière dont l'horloge biologique se comporte quand la lumière naturelle est insuffisante. Pendant neuf semaines bien sombres au coeur de l'hiver polaire, ces individus ont été exposés alternativement à une lumière blanche standard et à une lumière blanche enrichie en longueurs d'onde bleues (lumière fluorescente particulière, mais perçue comme étant blanche par les yeux). Pour les besoins de l'étude, ils ont subi une fois par semaine des prélèvements de salive afin de mesurer leurs taux de mélatonine (une hormone bien connue des jet-laggers, dont la sécrétion est inhibée en présence de lumière et stimulée lorsqu'il fait sombre). Évidemment, il leur avait été demandé de ne rien changer à leurs habitudes de coucher et de lever.
Sommeil, moral, santé et productivité !
C'est ainsi que les chercheurs ont montré les effets bénéfiques de la lumière bleue, tant sur le temps de sommeil que sur la réactivité et la motivation. Par ailleurs, alors que le rythme circadien avait tendance à se décaler dans les semaines "blanches", aucune perturbation de rythme n'a été observée pendant les semaines "bleues". De plus, ces effets perdurent dans le temps. De tels résultats rendent Claude Gronfier aussi optimiste que ses cobayes sous lumière bleue, lui qui a été le premier à réaliser des études reproductibles "sur le terrain".
Toutes les personnes qui manquent de lumière lors de leur activité professionnelle (qu'elles occupent un bureau sans fenêtre, qu'elles travaillent dans des centrales thermiques et nucléaires, des sous-marins ou autres) pourraient bénéficier d'applications pratiques issues de cette étude. Grâce à un choix judicieux de systèmes d'éclairage, elles devraient récupérer un bon sommeil, un meilleur moral, une santé plus florissante et un bon niveau de productivité. Et pour ne pas limiter ces bienfaits au contexte professionnel, Claude Gronfier pense également à la nécessité de proposer cette lumière blanche enrichie en bleu à tous ceux qui vivent "dans des conditions où l'éclairage n'est pas optimal". Une façon peu coûteuse de prévenir (voire de traiter) un certain nombre de problèmes de santé.
Anne Jeanblanc