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jeudi 16 octobre 2014

Un tiers de la marchandise produite en Suisse chaque année passe à la poubelle




Avec deux millions de tonnes par an, la Suisse jette d’une manière ou d’une autre un tiers de sa production de denrées alimentaires. A l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, le WWF Suisse lance une pétition pour alerter la Berne politique contre ce gaspillage. Avec un objectif: le réduire d’au moins 50% d’ici à 2025.

«Si l’on jette un tiers de ce qu’on produit, alors un tiers des paysans n’ont qu’à rester dormir, ils travaillent pour rien», provoque la conseillère nationale Isabelle Chevalley (Vert’libéral/VD), fer de lance au niveau fédéral dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Chez les cultivateurs de pommes de terre, ce sont même deux tiers des paysans qui pourraient dormir.

Pour frapper les esprits, le WWF a mis en avant le sort du plus populaire des légumes. Quelque 66% de la récolte sont gaspillés: la moitié sur le champ lui-même et l’autre moitié dans la poubelle des ménages. Cela correspond à 300 000 tonnes par an ou à 1,2 milliard d’assiettes de rösti! La principale raison du gaspillage à la production est le tri qualitatif. Les tubercules déclassés finissent en fourrage ou en biogaz. Dans les ménages, l’étude du WWF note surtout une «mauvaise planification des achats et un stockage inapproprié».

Mais, pour combattre ce fléau, il faudrait mieux savoir de quoi l’on parle. La Suisse ne dispose pas de chiffres permettant d’analyser finement sa situation. Le WWF publie ainsi une série d’extrapolations à partir de données recueillies en Grande-Bretagne, sur un marché similaire. Il a analysé trois filières: les céréales, la viande et les légumes.

Quelque 43% des céréales planifiables sont gaspillées. La part la plus importante, la moitié, est jetée par les ménages, soit le pain sec. Dans la filière viande, le gaspillage est moins important, soit 19%. La principale perte intervient au moment de la transformation (9%) mais aussi dans les ménages (8%). Enfin, dans la filière des légumes frais, 34% sont jetés, dont 13% par ces mêmes ménages.

Cette étude du WWF corrobore des chiffres avancés par des chercheurs de l’EPFZ et de l’Université de Bâle. Les ménages sont les premiers responsables du gaspillage (45%), suivent l’industrie de transformation (30%) et la production (13%). La part revenant au commerce de détail étant de 5%.

A Berne, Isabelle Chevalley constate de petits progrès. Son postulat pour l’interdiction de brûler les déchets alimentaires a été accepté, et un groupe de travail, lié à l’Office fédéral de l’agriculture, planche sur diverses stratégies antigaspillage, dont celle de légiférer sur les dates de péremption. Par contre elle avoue: «La principale source de gaspillage, ce sont les gens. Ils achètent trop et ne savent pas cuisiner ce qui reste, comme le pain sec ou de la crème aigre. Ils jettent ce qui est encore bon. Là, clairement on ne peut pas légiférer, mais inciter les gens à se comporter différemment.»

Pour la cause, le 1er décembre prochain, lors de la session d’hiver, le groupe Ecologie libérale a décidé d’offrir aux parlementaires un «apéro déchet»: «Nous montrerons qu’on peut faire d’excellents muffins avec des bananes noires ou une soupe parfaite avec des légumes flétris…»

900 éléphants par jour!

De quoi inciter les Suisses, ou les faire sourire? En Suisse, chaque habitant a environ 800 kilos de nourriture à disposition par année. Il en mange 500 et en jette 300. Dans les comparaisons les plus audacieuses des milieux antigaspi, cela représente au plan national le poids de 369 baleines par semaine ou 900 éléphants par jour. Et probablement plus d’un million de muffins à l’heure.

«Ça coûte 2000 fr. par an par ménage» 

Le WWF lance une pétition pour demander à la Confédération d’agir pour réduire le gaspillage de nourriture de moitié d’ici à 2025,y croyez-vous? 

Oui, bien sûr. En Suisse, un tiers des denrées alimentaires finit à la poubelle. C’est absurde. Tout d’abord sur le principe, parce que la faim touche encore une personne sur quatre dans le monde. Ensuite parce que toute denrée alimentaire produite implique une consommation de sol, d’eau et d’énergie. Cette consommation est inutile si le produit est jeté. Enfin, ce gaspillage a un prix pour les ménages: près de 2000 francs par an. 

Quelles sont les mesures que l’on pourrait prendre, d’un point de vue législatif, qui pourraient être efficaces sans heurter la liberté des consommateurs? 

Près de la moitié des pertes a lieu avant que le produit n’atteigne le consommateur. Notre initiative pour des aliments équitables demande que des mesures soient prises à ce niveau. Des conventions d’objectifs pourraient être conclues avec les producteurs et les grands distributeurs pour qu’ils optimisent leurs processus. Il n’est par exemple pas indispensable que tous les produits soient calibrés à l’excès. Les consommateurs devraient avoir plus de facilité d’acheter la quantité qui leur convient. Enfin, les dates de péremption sont parfois trop strictes, par exemple pour les laitages. 

Adèle Thorens
Coprésidente du Parti écologiste suisse 


La lutte contre le gaspillage ou le mythe de Sisyphe 

Le gaspillage n’est pas une valeur helvétique, loin s’en faut. La Journée mondiale de l’alimentation force ainsi la Suisse à l’autocritique: nous jetons un tiers des denrées alimentaires que nous produisons, céréales, légumes ou viandes. Pour une bonne part, ce comportement est dû au consommateur final, cet égoïste qui a souvent les yeux plus gros que le ventre. 

Peut-on vraiment lutter contre ce gaspillage endémique?N’est-il pas le revers de la médaille d’une économie où l’on veut le meilleur en tout? Les plus belles pommes, les viandes sans graisse et le pain frais du jour? Le gaspillage n’est-il pas le compagnon de la croissance, de la qualité tip top ou du luxe lui-même? Voilà un discours largement entendu dans la maison helvétique. 

Mais on y entend aussi un autre son de cloche: celui de la conscience, de la frugalité, de la décroissance, du respect des ressources naturelles. Produire ce que l’on consomme, ménager l’environnement, acheter juste ce dont on a besoin, finir son assiette, recycler les déchets. Jeter de la nourriture demeure un geste sacrilège. Et pourtant, c’est bientôt Noël, l’abondance partout, le gaspillage tend déjà ses bras de Fêtes. Et le consommateur lambda a de quoi devenir schizophrène. 

La lutte contre le gaspillage dans l’opulente Helvétie est à l’image du mythe de Sisyphe: pousser la pierre au sommet de la montagne de déchets avant qu’elle ne roule de nouveau de l’autre côté. «La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme», disait Camus. Celle contre le gaspillage n’a pas fini de nous tirer vers les hauteurs. 

Eric Felley