L’ex-Brasserie se mue en parc technologique, nommé Blue Factory. Une première halle sera transformée, pour accueillir notamment une antenne de l’EPFL.
L'ancienne brasserie Cardinal se situe au cœur de Fribourg. La grande halle bleue (au premier plan) sera bientôt transformée. Juste à côté se trouve la halle d'embouteillage, dont l'enveloppe sera conservée .
24 heures /Jean-Paul Guinnard
Il paraît loin, le temps où Fribourg exhortait les amateurs de houblon à boire de la Cardinal pour sauver sa brasserie emblématique, avalée par Feldschlösschen. C’était en 1996. Deux siècles d’histoire prenaient fin. Les derniers employés ont mis la clé sous la porte il y a trois ans.
Aujourd’hui, cette friche industrielle de 6 hectares, propriété de la Ville et du Canton, vit une métamorphose remarquable. Cap sur l’innovation! Pas moins de vingt-cinq start-up, actives dans des domaines de pointe, y ont déjà élu domicile. L’une d’elles, Bcomp, a reçu fin novembre un prix cantonal pour avoir développé un noyau de ski révolutionnaire.
Le site de l'ancienne brasserie Cardinal à Fribourg
24 heures /Jean-Paul Guinnard
Au total, nonante personnes travaillent sur ce site stratégique, rebaptisé Blue Factory. Mais le plus spectaculaire reste à venir. Vétustes, les bâtiments seront bientôt rasés pour faire place à un ambitieux parc technologique, où l’EPFL installera son antenne fribourgeoise. Seuls trois édifices subsisteront, car protégés au titre de monuments historiques: l’imposant silo et la cheminée de briques rouges qui dominent la ville, ainsi que l’ancienne halle d’embouteillage, à l’architecture caractéristique des années 60. «Sans un souci technique en passe d’être réglé, la première phase de démolition aurait déjà démarré», précise Laure Schönenberger, responsable communication et marketing de Blue Factory SA, la société chargée de développer «l’usine bleue».
Conteneurs modulables
Un concours d’urbanisme, remporté l’an dernier par un bureau zurichois, a posé les jalons de cette aventure de longue haleine. Mais pour répondre au besoin pressant de locaux, une première transformation urgente a été décidée. Il s’agit de rénover la «halle bleue», érigée en 1983 dans le prolongement de la halle d’embouteillage, quand celle-ci devenait trop exiguë. Luc Trottier, l’architecte en charge du projet, nous guide à l’intérieur de cet immense bâtiment vide. «Il y a 9 mètres de hauteur disponible. Nous allons installer ici 150 conteneurs en bois, modulables et empilables, sur trois niveaux, explique-t-il. Cela donnera 3000 m2 de bureaux et de laboratoires au cœur de la ville. Une opportunité unique.»
Ce chantier, soumis à l’enquête publique fin octobre, coûtera entre 9 et 10 millions de francs. Blue Factory SA le financera via des emprunts bancaires. Pour une durée de vie de dix à quinze ans, soit le temps nécessaire à la construction des bâtiments définitifs. «Les conteneurs (ndlr: qui coûteront à eux seuls plus de 6 millions) pourront être réutilisés ou revendus», souligne Luc Trottier. La future halle, bien que provisoire, se veut un modèle énergétique: 3000 m2 de panneaux photovoltaïques sur la toiture, des puits de lumière et des panneaux de polycarbonate translucide pour remplacer entièrement les façades de tôle actuelles.
Intérêt grandissant
Les lieux doivent être utilisables dès l’été 2015. Luc Trottier désigne la portion orientée au sud: un espace de 1000 m2 y sera aménagé pour accueillir des spécialistes de l’EPFL et de l’Ecole d’ingénieurs de Fribourg, qui plancheront ensemble sur l’habitat de demain.
Dans un second temps, l’ancienne halle d’embouteillage sera rafraîchie et dotée elle aussi d’une centaine de boxes modulables. Ce géant de béton cache des locaux au charme désuet, avec sols vintage et carrelage d’époque sur les murs. Il suscite déjà beaucoup d’intérêt, dont celui des gérants de Fri-Son, la mythique salle de concert de Fribourg…
«Nous espérons pouvoir garder l’esprit informel et créatif qui règne ici, confie Laure Schönenberger. L’avenir du canton passe en partie par ici.» Et de citer le cas d’une start-up qui a pu attirer trois ingénieurs expérimentés grâce à l’émulation ambiante. «On ne sent plus la colère qui régnait lors de la fermeture de Cardinal, poursuit la cheville ouvrière de Blue Factory. L’autre jour, j’ai reçu d’anciens ouvriers de la brasserie. Malgré leur amertume, ils ont été séduits par la transformation en cours.»
De même, c’est à la quasi-unanimité que le parlement cantonal a débloqué en mai dernier les 30 millions nécessaires à l’installation des premières plates-formes technologiques. Aux scientifiques et aux entrepreneurs, désormais, de faire mousser Fribourg.