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dimanche 25 janvier 2015

Le nouveau franc fort fait trembler la pierre suisse


Les risques et les conséquences conjoncturels de l’abandon du taux plancher vont réduire le nombre de candidats à la propriété. Bien plus que ce que la nouvelle baisse des taux ne va en ajouter de nouveaux. Le recul des prix, déjà confirmé en 2014, devrait se poursuivre et se généraliser en 2015, estiment les experts de la branche

Une semaine après l’annonce de l’abandon du taux plancher par la Banque nationale suisse (BNS), Donato Scognamiglio est encore sous le choc. Son analyse, il le concède, est emprise d’émotions dont il a grand-peine à se départir. Pourtant, le directeur général du Centre d’informations et de formations immobilières (CIFI) en a vu d’autres. La crise immobilière des années 1990, il l’a aussi vécue de près. C’est d’ailleurs peut-être ce souvenir amer qui le plonge aujourd’hui dans le doute, pour ne pas dire le désarroi. «La BNS craignait une possible bulle immobilière. Aujourd’hui, la seule bulle qui a éclaté est celle des cours de changes qu’elle a elle-même provoquée, s’exclame le patron du bureau d’analyse zurichois. Sa crédibilité est écornée. Comment interpréter ses futures communications, désormais?»

Si Le Temps l’a contacté, en fin de semaine dernière, c’est parce que le CIFI vient de livrer son analyse de la situation de l’immobilier résidentiel suisse. Une publication, diffusée avant la décision choc de la BNS et le nouvel envol du franc, qui venait confirmer ce que les spécialistes attendaient depuis des mois. A savoir que les prix des logements reculent. Jusqu’ici marginal, le phénomène ne se généralise pas encore. Mais il s’étend. Au quatrième trimestre, un tiers des cantons suisses ont assisté à ce retournement, a observé le CIFI. Qui, concrètement, a constaté des baisses pouvant aller jusqu’à 0,9%. Soit, pour une villa de 1 million de francs, un «rabais» de 9000 francs. Soleure, Zoug, Berne ou encore Zurich sont concernés, mais «il n’y a pas encore lieu de parler d’inversement de tendance», prévient Donato Scognamiglio.

Il n’empêche, la situation actuelle contraste avec le passé récent du marché immobilier. En moyenne, rappellent les économistes d’UBS, les hausses des prix des logements oscillaient entre 3 et 4% par an depuis quinze ans. «Le fléchissement entamé en 2013 s’est poursuivi l’an dernier. Les prix des appartements en propriété (PPE) étaient en hausse d’environ 2,5%, tandis que ceux des maisons individuelles progressaient de 1,5%», ont-ils observé.

Mais c’est une moyenne suisse. Dans la région lémanique, l’une des régions où les exagérations ont été les plus flagrantes, ces dernières années, les prix des transactions reculent déjà. Pour les PPE, la baisse est d’environ 2%, l’an dernier, constate Wüest & Partner. Le phénomène, qui concernait d’abord le haut de gamme, gagne aussi les biens plus classiques, témoigne depuis Genève Hervé Froidevaux, l’associé de la société spécialisée.

Les prochains trimestres devraient permettre à tous ces établissements de référence de l’affirmer avec plus d’assurance: les prix des logements ont bel et bien atteint des sommets, après des hausses cumulées allant jusqu’à 100% en certains endroits, depuis l’an 2000.

L’immigration, facteur décisif 

Le nouveau franc fort? Il ne devrait pas avoir d’impact trop marqué sur les prix, prédit Credit Suisse. Du moins, précise la banque, aussi longtemps que la situation économique ne change pas fondamentalement. Et c’est justement ce que craint Donato Scognamiglio, alors que les prévisions conjoncturelles vont être abaissées les unes après les autres ¬ UBS mise sur un taux de croissance de 0,5% en 2015, contre 1,8%, lorsque le taux plancher prévalait.

Credit Suisse prévoit un taux de chômage de 3,8% en 2016, contre 3,2% actuellement. «Si le chômage augmente, si les salaires baissent et si l’immigration ralentit, parce que les entreprises en Suisse se portent moins bien, cela va avoir un vrai effet sur la demande», s’inquiète le directeur du CIFI. «La baisse de l’immigration est le plus gros risque pour la demande, confirme Hervé Froidevaux, sachant que les nouveaux arrivant ont absorbé la quasi-totalité des 40 000 nouvelles constructions annuelles, depuis presque une décennie.

Mais les travailleurs étrangers ne seraient pas les seuls à se faire plus rares. Un certain nombre de résidents suisses pourraient aussi voir leur capacité financière se réduire, donc disparaître de la liste des acheteurs potentiels. Dans un contexte où l’offre continue d’augmenter, le cocktail est idéal pour précipiter les prix à la baisse.

Les dernières données de l’OFS, pour l’année 2013, faisaient état d’une hausse des nouveaux logements de 8,7%, à presque 47 000 unités. Et les taux de vacance sont en augmentation partout. Ils atteignent 1,08%, en moyenne suisse. «Il n’y a plus lieu de parler de pénurie», poursuit Hervé Froidevaux, pour qui l’évolution de l’offre est aujourd’hui le facteur le plus décisif.

Ce risque, à la baisse donc, il paraît bien plus important que l’hypothèse inverse. La nouvelle baisse des taux hypothécaires ¬ qui reste à prouver ¬ provoquée par les taux négatifs décidés par la BNS ne sera pas un soutien suffisant pour compenser le recul de la demande. «Les banques ne peuvent pas réduire indéfiniment les taux de leurs crédits», reprend Donato Scognamiglio, du CIFI, alors qu’il est déjà possible d’obtenir des taux fixes d’une durée de dix ans pour 1,7%, voire 1,5%, en négociant habilement.

Des remboursements anticipés? 

Cette potentielle déflation immobilière, si elle s’accélère et atteint 10, 15 ou 20%, elle pourrait avoir de graves conséquences pour certains ménages, extrapole encore Donato Scognamiglio. Exemple: le propriétaire d’une maison à 1 million de francs a emprunté 80% de cette somme, soit 800 000 francs. Si son bien est réévalué à 900 000 francs, l’emprunt bancaire ne représente plus 80% de la valeur, mais 88%. Sa banque pourrait ainsi exiger le remboursement anticipé de 80 000 francs, afin que le prêt n’atteigne plus que 720 000 francs – 80% de 900 000 francs. Un scénario plausible, selon Donato Scognamiglio, car aujourd’hui, les «exceptions to policy», soit les affaires qui sortent des normes fixées par la banque, sont suivies de près par les régulateurs. Elles imposent d’immobiliser davantage de fonds propres. Elles coûtent plus cher à la banque, en somme, qui veulent donc les éviter au possible.

Par contre, Donato Scognamiglio reconnaît que le récent durcissement de la réglementation, afin de rendre l’accès aux financements hypothécaires plus difficiles, «auront préservé une clientèle potentiellement fragile» d’une exposition à un tel risque.

A court terme, néanmoins, toutes ces inquiétantes prévisions économiques devraient avoir un effet de frein sur le marché. «Les instituts de crédits, qui étaient déjà plus prudents dans l’octroi de financements, vont être confortés dans cette ligne par les perspectives sur le marché de l’emploi», estime Hervé Froidevaux. Depuis le 15 janvier, date de l’annonce de la BNS, l’indice des prix de l’offre de villas, géré par Immoscout et le CIFI, a en tout cas déjà perdu 0,5%. Au 2e semestre 2014, élargit Hervé Froidevaux, les prix des offres de PPE avait déjà baissé de 2%, dans la région lémanique.

Stagnation, au mieux 

La suite? Pour 2015, UBS s’attend à une quasi «stagnation» (0,5% de hausse pour les villas et 1,5% pour les PPE). Mais ça, c’était avant le coup de tonnerre monétaire. Wüest & Partner prévoit de son côté une continuation de la baisse entamée l’an dernier. Sans la chiffrer, Hervé Froidevaux signale qu’elle «pourrait être plus importante à Genève, ou dans les régions frontalières, étant donné que l’achat d’un logement en France voisine est redevenu intéressant», avec l’envol du franc.

Lorsqu’on lui parle de pronostics, Donato Scognamiglio préfère imager. «Nous avons longtemps roulé à 160 km/heure sur l’autoroute. Nous étions en train de freiner et d’atteindre 130 km/h, mais l’on s’est fait flashé. Nous sommes donc entrain de calculer combien cela va nous coûter». Avec une seule certitude: «La facture finira par arriver».

Servan Peca