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dimanche 8 mars 2015

Le cairn (ou montjoie)



Un cairn (ou montjoie) est un amas artificiel de pierres placé à dessein pour marquer un lieu particulier. On les trouve la plupart du temps sur les reliefs, les tourbières ou au sommet des montagnes. Ce terme est souvent utilisé en référence à l'Écosse, mais peut aussi être utilisé dans d’autres lieux.

Le mot cairn (galgal est tombé en désuétude) est adopté par les archéologues pour désigner un grand monument de pierre sèche du Néolithique, quadrangulaire ou circulaire, qui recouvre entièrement un ou plusieurs dolmens à couloir. Ces dolmens sont en pierre sèche et à voûte en encorbellement (début du Ve millénaire) ou mégalithiques (seconde moitié du Ve millénaire et début du IVe).


Le mot vient de l'écossais càrn qui a un sens beaucoup plus large : il peut désigner plusieurs types de collines ainsi que des amoncellements naturels de pierres. Le breton a le mot karn2, que l'on retrouve dans la toponymie, là où il y a des cairns dolméniques : île Carn, Pors Carn, Carnac…


Ils remplissent plusieurs fonctions :
  • baliser un sentier traversant un sol rocailleux ou aride, ou traversant un glacier ;
  • repérer un point particulier comme le sommet d’une montagne ou un col, la présence d'une grotte ou certains de ses accès ou passages intérieurs ;
  • marquer un site funéraire ou célébrer les morts ;
  • servir de support à des pratiques religieuses telles que des drapeaux de prières en Himalaya et au Tibet.
En outre, les cairns furent utilisés pour commémorer toutes sortes d'événements : un site de batailles, un endroit où un chariot fut renversé, etc.

Ils peuvent varier de simples amas branlants à de savantes prouesses de construction comme au col du Carro en France.



À cause de la simplicité du concept, les cairns sont présents partout dans le monde dans les régions alpines et montagneuses. On peut aussi les trouver dans les déserts et les toundras.

Ces traditions actuelles dérivent de la coutume, remontant au moins au Néolithique moyen, de construire les sépultures à l'intérieur de cairns. Ils étaient situés de manière proéminente, souvent sur les hauteurs du village des défunts. On en trouve encore, et ils sont souvent plus grands que les cairns modernes d'Écosse. On pense que ces pierres étaient placées là pour plusieurs raisons, comme par exemple dissuader les pilleurs de tombes ou les charognards. Une théorie plus sinistre prétend qu'ils empêchaient les morts de renaître. Il est intéressant de remarquer que, encore de nos jours chez les Juifs, la tradition veut qu'on dépose des petits cailloux sur la tombe que l'on visite. Il est possible que cela ait une origine similaire. Les stûpas d'Inde ou du Tibet ont probablement été érigés pour les mêmes raisons, bien que, désormais, ils contiennent généralement les cendres de saints bouddhistes ou de lamas.

En Écosse, il est de coutume de transporter une pierre jusqu'en haut de la colline pour la déposer sur un cairn. Ainsi, les cairns deviendraient de plus en plus grands. Un ancien dicton écossais dit « Cuiridh mi clach air do chàrn », c'est-à-dire « Je déposerai une pierre sur ton cairn ».

En Afrique du Nord, ils sont parfois appelés kerkour.

Ils sont fréquents en Corse.

Dans les îles Féroé, qui sont exposées à de fréquents brouillards et à de fortes précipitations, et qui ont quelques-unes des plus hautes falaises du monde, les cairns sont souvent utilisés comme moyen de repérage au milieu des collines ou sur terrain accidenté. De plus, autrefois, la plupart des déplacements autour des îles se faisant par la mer plutôt que par la terre, les reliefs se retrouvaient souvent abandonnés.



Dans les régions montagneuses d'Amérique du Nord, les cairns sont souvent utilisés pour baliser les sentiers de randonnées ou les pistes de cross-country au-delà de la limite forestière. La plupart sont petits, 30 centimètres ou moins, mais certains sont construits plus haut pour pouvoir dépasser de la neige. La tradition veut que chacun, arrivé au niveau d’un cairn, ajoute une pierre, entretenant ainsi l'ouvrage et combattant les effets destructeurs des intempéries hivernales. Souvent, la coutume est d'en ajouter seulement au-dessus, et d'utiliser une pierre plus petite que la précédente, formant alors un assemblage instable de petits galets.

Bien que la pratique ne soit pas répandue en français, les cairns sont souvent désignés par leurs attributs anthropomorphiques. En allemand et en néerlandais, les cairns sont appelés respectivement Steinmann et Steenman, qui signifient littéralement « homme de pierre » ; en piémontais, ils sont appelés omèt « petit homme ». Une forme d'inukshuk inuit évoque aussi une silhouette humaine, et est appelée un inunnguat (« imitation d’une personne »).

Concernant les religions de l'Antiquité, et particulièrement le Panthéon grec, ces pratiques seraient à l'origine du culte d'Hermès, divinité du voyage, du commerce, de l'échange, des bergers. L'habitude d'ériger des monticules de pierre à destination des voyageurs dans un objectif de repérage d'un itinéraire aurait amené à créer des cultes héroïques locaux pouvant être amené à se diffuser. En grec, ces monceaux de pierre sont des Hermios.

La grande architecture de la pierre apparaît au Néolithique, au début du Ve millénaire, dans le complexe Atlantique, avec les dolmens à couloir recouverts d'un cairn. Les plus anciens dolmens sont entièrement de pierre sèche (c'est-à-dire sans mortier), à voûte en encorbellement. Puis, dans la seconde moitié du Ve millénaire et dans la première moitié du IVe, l'architecture dolménique adopte le mégalithisme : de grands et lourds blocs de pierre constituent maintenant tout ou partie des parois et de la couverture du dolmen.

Tous les dolmens qui apparaissent nus aujourd'hui étaient couverts d'un cairn. La disparition de ce dernier est due à la gêne causée à l'agriculture ou au réemploi des pierres comme matériau de construction. Selon Jean L'Helgouach, « il ne semble pas que de vrais dolmens à couloir aient été enfouis sous des tumulus de terre. »



Le cairn ne doit pas être confondu avec le tertre ou le tumulus. On distingue :
  • le tertre, qui est une butte de terre ;
  • le cairn, qui est fait uniquement de pierres ;
  • le tumulus, qui conjugue la pierre et la terre (tertre à parements de pierre ou cairn recouvert de terre).
  • Un cairn dolménique est un amas de pierres de taille moyenne qui recouvre entièrement un ou plusieurs dolmens à couloir. Ces dolmens peuvent :
  • être entièrement de pierre sèche ;
  • être de structure mégalithique ;
  • combiner les deux structures (comme la chambre A de Barnenez, où la voûte en encorbellement est en partie supportée par des piliers qui sont, pour certains, simplement plaqués contre la muraille de pierre sèche).
Le plan ovoïde et le profil arrondi que présentent aujourd'hui des cairns allongés sont dus à une dégradation naturelle. Il en va de même pour la forme en dôme de cairns circulaires. À l'origine, le cairn  qu'il fût quadrangulaire ou circulaire était contenu dans un ou plusieurs murs de parement…

Les dolmens à couloir moyen ou long avaient deux ou trois murs de parement, de plus en plus bas à mesure que l'on progressait vers l'extérieur. Dans le cairn secondaire de Barnenez, les parements intérieurs ont plus de quatre mètres de hauteur, dans leur état actuel. Jean L'Helgouach pense qu'ils atteignaient six à huit mètres.

Dans le cas des dolmens à couloir très court, on ignore s'il y avait plusieurs de ces enceintes.

Ces ceintures de parement concentriques et à degrés donnaient donc au cairn allongé une forme étagée, comme à Barnenez. Quant au cairn circulaire, sa forme générale était celle d'un dôme surbaissé à un ou plusieurs tambours.


Trois structures de chambre à Barnenez : chambre C à muraille et voûte en encorbellement (pierre sèche) ; chambre B mégalithique ; et chambre A combinant les deux (parois en partie mégalithiques, voûte en encorbellement).


Cairn allongé : Barnenez (vers 4600 avant notre ère, pour la partie la plus ancienne), façade sud-est.


On trouve au Danemark et en Suède des dolmens à couloirs (dolmens en T) groupés dans de grands tumulus rectangulaires. Mais, pour ce qui concerne les pays de l'Atlantique nord, il semble bien que les cairns allongés soient particuliers à l'Armorique. On n'en trouve ni en Irlande ni en Grande-Bretagne ni dans la péninsule Ibérique. Même en Armorique, ils sont rares. Le plus connu est Barnenez (72 × 20-25 m, 11 dolmens), qui est un des plus anciens cairns dolméniques encore debout (vers 4600 avant notre ère). Il y a aussi :
Dans les cairns allongés avec dolmens à couloir, les entrées se trouvent toutes sur une des deux plus longues façades.

Cairn circulaire : Kercado, à Carnac (le menhir placé au-dessus est le fruit d'une restauration abusive).


Le cairn circulaire est la forme la plus courante en Armorique, mais il y en a aussi en Irlande, en Grande-Bretagne, dans le nord de l'Europe, dans le centre-ouest et dans le midi de la France, et dans la péninsule Ibérique. Partout, il y a des murs de parement.

On trouve parfois, sous un même cairn circulaire, deux dolmens à couloir côte à côte. Cette disposition est assez fréquente dans le Morbihan, à proximité du littoral (par exemple, à Dissignac). Il existe même à Rondossec, en Plouharnel, un ensemble de trois dolmens à couloir qui paraît avoir eu un cairn circulaire.

Le cairn de l'île Carn (vers 4200 avant notre ère) est un cas exceptionnel. Le cairn primaire, trapézoïdal, du Néolithique moyen, contient trois dolmens à couloir côte à côte. Au Néolithique final, il est noyé dans un « massif d'interdiction », un grand cairn circulaire qui dissimule les trois entrées. C'est le plus spectaculaire exemple de structure d'interdiction, et c'est l'unique site à cairn dolménique allongé où une structure quadrangulaire devient structure circulaire.

Plan du cairn de l'île Carn (vers 4200 avant notre ère). La partie sud-est du cairn secondaire a été aplanie au XXe siècle pour offrir à la vue le parement frontal du cairn primaire.



Pierre-Roland Giot a notamment dirigé les fouilles des cairns de Barnenez, de l'île Guennoc et de l'île Carn. Selon lui, des entreprises si ambitieuses montrent que des sociétés d'humains ont alors conscience de ce qu'elles sont, qu'elles prennent suffisamment confiance en elles pour dépasser les préoccupations du quotidien. Giot estime que la construction de monuments « démesurés et prestigieux » est sûrement liée à une « signification symbolique » envers le monde des morts et celui des vivants, à la signification du site choisi, à celle des objets qu'on y dépose, à celle des êtres invisibles censés le peupler… Il précise cependant qu'il serait bien vain, à partir des maigres indices matériels dont nous disposons, de tenter d'imaginer « la complication infinie » des « systèmes idéologiques entiers » dont faisaient partie l'édification et l'utilisation de ces monuments.

Giot n'est pas loin de penser que cette signification symbolique passe avant l'aspect fonctionnel de « sépultures » auquel nous sommes tentés de les réduire. Et il tient pour certain qu'imiter une habitation (avec une entrée et une salle), imiter le corps féminin (avec la porte de la naissance), imiter une caverne (féminisée, dans bien des cultures) étaient des expressions d'ordre « rituel » ou « religieux » auxquelles étaient liées des cérémonies publiques ou secrètes. Cette signification symbolique serait aussi « celle de la puissance, du pouvoir social (divinisé), de la cohésion sociale ou de la hiérarchie » : le cairn pourrait être la maison des ancêtres mythiques, le « lieu de passage ou de séjour obligé » d'individus ayant une position focale dans le corps social. Giot se plaît donc à voir, dans les cairns du Néolithique moyen, tout à la fois des églises, des antres de pythies, des cimetières, des reliquaires, des monuments aux morts, des mairies, des palais, des tribunaux, des lieux de supplice, des écoles, des marchés, des terrains de jeu et des théâtres…

Egger Ph.