Chacun se souvient du dessin animé de Walt Disney Blanche-Neige et les sept nains. Rien de plus adapté à l’imagination et à l’innocence des enfants. Même les adultes peuvent y trouver du charme et éprouver quelque nostalgie devant le temps qui passe. Eh bien, vous êtes dans l’erreur ! Le conte de Grimm est immoral, c’est le Qatar qui le dit.
Un père de famille a porté plainte contre une école internationale de Doha, estimant qu’un livre sur Blanche-Neige, imprudemment laissé à disposition des enfants, contenait des illustrations « indécentes ». Pire : des « insinuations sexuelles » ! Des responsables du Conseil suprême de l’éducation ont aussitôt demandé son retrait de la bibliothèque de l’école. La direction espagnole de l’établissement, se confondant en excuses, a aussitôt obtempéré et assuré qu’une telle méprise ne se produirait plus. Ouf ! Les élèves ne courront pas le risque de lire cet ouvrage licencieux, qui allait « clairement à l’encontre de la morale publique ».
On a peine à croire cette anecdote. Un canular ? Non : la presse arabe la rapporte. Par inadvertance, la direction aurait-elle acquis une version pornographique du conte ? Non plus. Allons ! Il doit bien y avoir une explication ! Relisons le texte intégral de Grimm : peut-être y trouvera-t-on quelques formules ambiguës, à connotation sexuelle, issues de son subconscient ? Ah ! Nous avons repéré cette phrase : « Extérieurement, elle était très belle, bien blanche avec des joues rouges, et si appétissante que nul ne pouvait la voir sans en avoir envie. » Mais ce n’est pas Blanche-Neige dont il s’agit, c’est la pomme préparée pour l’empoisonner. Oui, mais quand, après sa mort apparente, « [les nains] lui défirent son corset ; ils peignèrent ses cheveux ; ils la lavèrent avec de l’eau, puis avec du vin », n’est-ce pas une incitation à la débauche ? À moins qu’on ne dénonce la situation choquante d’une femme servie par sept hommes, fussent-ils nains, peu coutumière en ce pays…
Il faut se rendre à l’évidence : au Qatar, Blanche-Neige est une petite cochonne, ou l’héroïne de quelque conte érotique, comme on en écrivait au dix-huitième siècle. La couverture du livre incriminé montre le prince charmant portant Blanche-Neige dans ses bras après l’avoir ressuscitée par un baiser.
Voilà effectivement de quoi éveiller les bas instincts des jeunes lecteurs ! Ce fait divers ne mériterait d’être mentionné que pour son ridicule s’il n’était pas révélateur d’une forme de culture qui utilise la censure au nom d’une morale qu’elle prétend imposer à tous. Mais le pire est sans doute la façon obséquieuse avec laquelle la direction de l’école a obéi à l’injonction qui lui était faite, en s’aplatissant devant le maître, sans chercher à se défendre, en présentant même ses excuses pour une telle erreur de jugement.
En France aussi, sous la majorité actuelle, la pensée unique est reine, toute contradiction est crime de lèse-majesté et suffit à justifier la censure ou l’autocensure. Mille exemples en témoignent. Raison de plus pour résister !
Jean-Michel Léost