A la mort de Mazarin ,en 1661, la marine française est très affaiblie : une vingtaine de vaisseaux de 16 à 56 canons d'une douzaine d'années. Louis XIV charge alors Colbert de doter le royaume d'une marine capable de rivaliser avec celles de l'Angleterre et de la République des Provinces-unies des PaysBas, l'Espagne étant en déclin depuis la défaite de la Grande Armada en 1588. En 1671 le nombre de 120 vaisseaux de 6 à 120 canons est atteint. A la fin du règne de Louis XIV, près de 200 navires sont construits essentiellement à Brest, Toulon, Rochefort, Le Havre et Dunkerque.
La puissance de feu de ces navires amène les généraux à changer de tactique : le combat en ligne de file est né. Les deux flottes se rangent sur deux lignes parallèles au plus près du vent. Les autres bâtiments (en particulier les brûlots) se tiennent au large. Les navires s'échangent des bordées terribles à des portées de 200 à 300 mètres. C'est un enfer. Jamais une armée terrestre n'a pu aligner autant de pièces d'un calibre aussi lourd (24 à 36 livres) jusqu'à 4148 pièces pour un effectif de 27000 hommes. Comparativement les armées napoléoniennes mirent rarement en oeuvre plus de 400 bouches à feu d'un calibre de 12 livres maximum.
Les « Soleil Royal »
"Soleil Royal" est le nom donné à trois vaisseaux Français qui furent respectivement lancés en 1669, 1693 et 1749.
Le premier Soleil Royal 1669 – 1692
(lancé le 13 décembre 1669)
Construit à Brest par Laurent Hubac. D’abords nommé Grand Henry en hommage à Henri IV, puis Royal Soleil, puis enfin Soleil Royal, peu avant son lancement en 1669. Radoubé en 1688-1690. Vaisseau amiral de Tourville, il participe notamment aux batailles de Béveziers le (1690) et de Barfleur (1692), à la suite de laquelle il est incendié et détruit à Cherbourg. « Avec ses 2000 tonneaux et ses 110 canons, sa coque noir, blanc, bleu et ventre-de-biche, coupée de listons d’or, c’était un bâtiment superbe » écrit François Bluche, historien français spécialiste du règne de Louis XIV.
Lors de la guerre de la ligue d'Ausbourg (1688 - 1697), qui opposa la France à la quasi-totalité de l'Europe, le "Soleil Royal" est amélioré pour combattre les flottes Anglaise et des Provinces-Unies. Son équipage est porté à 1200 hommes et son armement porté à 112 canons en bronze de 36, 24, 18, 12, 8, 6 et 4 livres (poids du boulet). Ce magnifique bâtiment, qui était le navire Amiral de la Flotte Royale Française, s'illustra notamment sous le commandement de Tourville lors de la bataille de Béveziers, le 10 Juillet 1690 et lors de la bataille de Barfleur le 29 Mai 1692. En cette dernière bataille, Tourville, fort de quarante-trois vaisseaux attaqua la flotte Anglo-Hollandaise de quatre-vingt-dix-sept navires de guerres et coula dix-sept navires ennemis après plus de douze heures de combat acharné.
Caractéristiques du premier vaisseau :
Navire de Premier Rang Français
Construit en 1669 à Brest par Laurent Hubac.
Longueur : 55 m
Bau : 15,6 m
Tirant d'eau : 7,6m
Trois-ponts.
Premier pont : 28 canons de 48 et de 36 livres
Deuxième pont : 30 canons de 18 livres
Troisième pont : 28 canons de 12 livres
Gaillards : 20 canons de 6 livres
Dunette : 14 canons de 4 livres
Déplacement : 2000 tonneaux
Armement : 104 canons
Equipage : 950 hommes
Pour mémoire, en 1692, la Flotte Royale Française est composée de :
22 vaisseaux de 1er rang (80 à 100 canons et plus).
27 vaisseaux de 2è rang (60 à 80 canons).
46 vaisseaux de 3è rang (50 à 60 canons).
16 navires de 4è rang (40 à 50 canons).
21 vaisseaux de 5è rang (20 à 36 canons).
Des frégates, galères, galiotes à mortiers, brûlots etc…
Après la bataille de Barfleur, le "Soleil Royal" est en carêne pour réparations à Cherbourg. Hélas, ce magnifique navire est incendié et totalement détruit dans la rade de la Hougue,lors de l'attaque de Cherbourg les 2 et 3 Juin 1692 (Bataille de la Hougue).
Dans la nuit du 30 mai, le Soleil-Royal est si endommagé que Tourville est contraint de l'abandonner au commandement de son capitaine, Monsieur Desnos, pour passer sur l’Ambitieux et partir vers Saint-Vaast-la-Hougue. Le Soleil-Royal, ne pouvant doubler la pointe de Fermanville, se retrouve isolé avec l’Admirable et le Triomphant devant Cherbourg, et des navires ennemis, qui le serraient de près se préparaient à le couler. Il s'échoue au soir du 30 sur la pointe du Hommet (aujourd'hui à l'emplacement de l'arsenal de Cherbourg).
Le chevalier de Rantot, corsaire et contrebandier originaire de la région de Beaumont, saute dans une chaloupe, se fait hisser à bord du Soleil-Royal et donne l’ordre d'en couper la mâture. Il réussit ainsi à le rapprocher de la terre d’environ ½ quart de lieue, non sans avoir tiré cinq coups de canon de la batterie d’en bas contre les vaisseaux anglais qui le poursuivaient. Le 31 mai, le Soleil-Royal résiste encore aux 17 vaisseaux anglais qui l'attaquent et met à mal celui du contre-amiral Delaval.
Le chevalier de Rantot voulait conduire Soleil-Royal dans la fosse du Galet où il aurait été à l’abri des brûlots. Mais les officiers du vaisseau s’y opposent. Le 1er juin, jeté à la côte, la mâture fracassée, il entre dans la phase finale de son agonie. Le 2 juin 1692, la flotte anglaise l'attaque, ainsi que les deux autres vaisseaux échoués. Un brûlot, le troisième lancé contre lui, l'accroche sur la poupe. Le Soleil-Royal s'embrase et saute alors qu'il tire encore. L'explosion éparpille devant Cherbourg tout ce qui survit de l'équipage, dont la conduite a été jusqu'au bout héroïque. On ne compte qu'un seul survivant. Les deux autres vaisseaux se sabordent, leurs équipages sont évacués avec des chaloupes, et ce qui reste est incendié par les Anglais.
En Angleterre et en Hollande, la destruction du grand navire-amiral de la flotte française est perçue comme une immense victoire. La bataille donne lieu à l'édition d'une foule de gravures et de nombreux tableaux rendent compte de l’événement. Une médaille est éditée aux Provinces-Unies, montrant symboliquement les flûtes hollandaises arrêtant le Soleil péniblement poussé par Colbert, une propagande antifrançaise qu'il faut replacer dans le cadre de l'époque : cette défaite est la première des armées de Louis XIV. Elle intervient dans un contexte de guerre européenne générale où les troupes terrestres des coalisés sont incapables de l'emporter et essuient de lourdes défaites dans les Flandres. Cette victoire est donc particulièrement mise en valeur par les Anglo-Néerlandais, d'autant qu'elle intervient sur mer, c'est-à-dire dans un domaine considéré comme essentiel pour la sécurité et la prospérité des deux puissances navales. La destruction du Soleil-Royal, navire-amiral symbole de la volonté de puissance de Louis XIV sur mer, est donc logiquement récupérée pour être transformée peu à peu en « désastre », au point de faire oublier que le navire et les 14 autres unités détruites ont été remplacés dès l'année suivante et que la guerre navale s'est poursuivie sans démériter pour la flotte française.
Le Soleil Royal brûle pendant la bataille de la Hougue, Huile sur toile par Adriaen van Diest
Le deuxième Soleil Royal 1692 – 1713
Construit à Brest par Étienne Hubac (fils de Laurent Hubac). Nommé dans un premier temps le Foudroyant, il est rapidement renommé le Soleil Royal (mars 1693), suite à son lancement en novembre 1692. Sous le commandement du marquis de Langeron, il participe à la bataille de Vélez-Málaga le 24 août 1704. Lors du siège de Toulon en 1707, il est submergé pour le protéger des bombardements anglais. Il est renfloué après le siège. Longtemps inactif à Toulon, il est rayé des listes en 1713.
Ce second vaisseau de premier rang est armé de 104 canons comme suit :
Premier pont : 28 canons de 36 livres
Deuxième pont : 30 canons de 18 livres
Troisième pont : 28 canons de 12 livres
Gaillards : 18 canons de 6 livres
Dunette : 10 canons de 4 livres
Moins performant que son prédécesseur, ce second "Soleil Royal" sera radié en Novembre 1717 à Toulon.
Le troisième Soleil Royal 1749 – 1759
Construit à Brest sur des plans de Jacques Luc Coulomb. Lancé en 1749. Contrairement aux Soleil Royal construits au XVIIe siècle, il s’agit d’un deux-ponts. Le navire est tout de même considéré comme un vaisseau de premier rang. Vaisseau amiral du comte de Conflans, il est sabordé/incendié le 24 novembre 1759, suite à la bataille des Cardinaux.
Dessiné par Jacques-Luc Coulomb, il était long de 183 pieds français, large de 49 et profond de 23, il déplaçait 2 200 tonneaux.
Commandé par le marquis de Langeron, il fait partie de l'arrière-garde de la flotte française à la bataille navale de Vélez-Málaga le 24 août 1704.
Lors du siège de Toulon en 1707, ordre est donné par Louis XIV de saborder toutes les unités de la flotte du Levant : quinze vaisseaux, dont le Soleil-Royal, sont sabordées dans les bassins du port de Toulon.
Renfloué après le siège, le Soleil-Royal est démoli en 1713.
Le 3ème Soleil Royal est lancé à Brest en 1749 et fait partie de la nouvelle série des deux-ponts plus puissants lancés à cette époque par la marine française. Dessiné par Jacques Luc Coulomb, il est long de 183,3 pieds français, large de 48,6 et profond de 23 ; il déplace 2 200 tonneaux.
Vaisseau-amiral du vice amiral le comte de Conflans pendant la bataille des Cardinaux, il est incendié le 24 novembre 1759 dans la baie de Quiberon, pour éviter sa capture par la flotte britannique de Sir Hawke. Le Soleil Royal est l'un des 37 vaisseaux perdus par la France pendant la guerre de Sept Ans.
Caractéristiques du troisième vaisseau :
Navire de Deuxième Rang Français
Longueur de l’étrave à l’étambot : 164 pieds 6 pouces
Largeur au fort : 44 pieds 6 pouces
Fort le plus large à 6 pieds en avant du milieu
Fort : 2 ou 3 pieds au dessus de la flottaison
Epaisseur des fonds : 14 à 16 pouces
Epaisseur des hauts : 4 pouces
Longueur de quille au sol : 142 pieds
Elancement de la proue : 16 pieds
Hauteur de l’étambot : 31 pieds 6 pouces
Quête de l’étambot : 4 pieds et demi
Lisse de Hourdy : 32 pieds
Creux : 24 pieds 7 pouces
Tirant d’eau : 21 pieds
Plate varangue : 26 pieds
Armement : 80 canons.
Premier pont : 30 canons de 36 livres.
Second pont : 32 canons de 24 livres.
Gaillards : 18 canons de 18 livres.
Jauge : 2450 tonneaux
Equipage : 80 officiers, 120 sous-officiers, 480 matelots, 300 soldats
Le règlement du 4 juillet 1670 précise : « Les seuls vaisseaux le Royal-Louis et le Soleil Royal, auront un château sur l’avant de leur troisième pont ; et à l’égard de tous les autres vaisseaux Sa Majesté défend d’y en faire aucun ». Cette règle illustre bien la volonté quasi-officielle de Louis XIV de faire du Royal Louis au Levant (Toulon) et du Soleil Royal au Ponant (Brest) des vaisseaux « hors-catégorie », les fiertés de la Marine royale.
Il y eut en tout trois Soleil Royal, quatre si l’on compte celui construit par Blaise Pangalo. Il est en effet à noter qu’en mars 1693 se produisit une permutation de nom entre deux grands vaisseaux à trois-ponts construits à Brest. Ainsi, le Soleil Royal qui devait être construit par Blaise Pangalo fut renommé le Foudroyant avant même le commencement des travaux, et le Foudroyant dont les travaux avaient déjà débutés depuis neuf mois par Étienne Hubac fut quant à lui renommé le Soleil Royal. Il existe souvent une confusion entre ces deux différents vaisseaux, c’est pourquoi j’évoque ici le « Soleil Royal de Blaise Pangalo », même si en pratique ce vaisseau ne porta jamais véritablement ce nom.
Naturellement, tous ces navires furent des vaisseaux de premier rang, y compris celui construit en 1749, sous le règne de Louis XV, qui toutefois ne fut pas un trois-ponts mais un (grand) deux-ponts, l’un des premiers du genre. On remarquera d’ailleurs que, paradoxalement, ce vaisseau fut sensiblement plus grand que les Soleil Royal de la marine de Louis XIV.
Anne Hilarion de Costentin
Comte de Tourville
Promu lieutenant-général des armées navales en 1682, il est nommé vice-amiral du Levant en 1689, un an après la mort du « Grand Duquesne ». Pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg, il se distingue à nouveau à plusieurs reprises au cap Béveziers en 1690, à la bataille de la Hougue en 1692 et l'année suivante lors de la prise du convoi de Smyrne. Fait maréchal de France, il se retire à la fin de la guerre. Il meurt à Paris en 1701, à l'âge de 59 ans.
Blason des Tourville
Tourville est issu d'une ancienne famille noble d'extraction chevaleresque, originaire de Basse-Normandie. Son aïeul Louis-Guillaume de Cotentin, seigneur de Tourville, accompagna Saint-Louis, lors de sa croisade en Terre sainte, avec un rang distingué dans son armée. La Maison de Costentin de Tourville fournit un grand nombre de militaires au royaume de France.
Son père César de Cotentin, comte de Tourville et de Fismes, est gentilhomme du duc de Saint-Simon, père du célèbre mémorialiste puis capitaine d'une Compagnie d'ordonnance en 1632. Il est ensuite premier gentilhomme et chambellan du Prince de Condé et l'accompagne dans toutes ses expéditions militaires. Louis XIII le fait Conseiller d’État, lui donne le commandement de la Normandie en 1640, et le charge de défendre la Bourgogne conjointement avec les lieutenants-généraux, les comtes de Tavannes et de Montrevel.
Sa mère, Lucie de La Rochefoucauld est la fille d'Isaac de La Rochefoucauld, baron de Montendre (branche La Rochefoucauld-Doudeauville) (1574?-1625) et d'Hélène de Fonsèques de Surgères. Elle est dame d'honneur de la princesse de Condé. De leur union naissent sept enfants, dont trois fils :
Lucie (1632–1707), frondeuse, marié en 1646 à Michel d’Argouges, marquis de Gouville
François-César (1635–1697), comte de Tourville et de Fismes, colonel d'un régiment de cavalerie, commandant la Compagnie des Gens-d'armes du Prince de Condé, et maréchal des camps et armées du roi
Joseph, officier mort en Espagne en 1673
Françoise née vers 1638, mariée en 1658 au comte de Châteaumorand
Hélène, morte en 1715, abbesse de Penthemont à Paris
Marie, religieuse à l'abbaye de Penthemont à Paris
Anne-Hilarion (1642–1701), comte de Tourville, maréchal de France, vice-amiral de France.
Tourville naît à Paris ou au château familial de Tourville, il est baptisé le 24 novembre 1642 en l'église Saint-Sauveur à Paris. Sa famille a participé à la Fronde. Son père sollicite son admission dans l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Malte auprès du grand maître Jean-Paul de Lascaris-Castellar, Anne Hilarion de Costentin est reçu de minorité la 11 avril 1647, grâce à ses huit quartiers de noblesse, à l'âge de quatre ans.
À sa majorité, il fait ses caravanes où il montre rapidement sa bravoure face aux pirates barbaresques. Il se signale en plusieurs occasions, notamment lors d'un combat contre une galère turque en 1661, dont il parvient à se rendre maître. L'année suivante, alors âgé de 20 ans, il s'empare près de Zante de quatre navires turcs et en coule un cinquième. Par la suite, il arme un vaisseau pour la course, en compagnie du Chevalier d'Hocquincourt, avec qui il réalise des prises. En 1665, ils mettent en fuite six navires d'Alger et, après un combat de neuf heures, ils contraignent trente-six galères à la retraite, près de Port-Dauphin, sur l'île de Chio, en mer Méditerranée, après que ces galères ont perdu plus de cinq cents hommes. Mais trop endommagé, le vaisseau d'Hocquincourt coule et ce dernier se noie. Tourville, comme il l'écrira plus tard, ne se sauve que par miracle. Rappelé par sa famille, Tourville rentre en France en septembre 1666, malgré ses caravanes, il ne prononcera jamais ses vœux de frère-chevalier de l'Ordre ce qui lui permettra de se marier en 1690
En chemin, il passe par Venise où la République le gratifie d'une médaille d'or et d'un certificat délivré à « l'invincible protecteur du commerce maritime, à la terreur des turcs » et séjourne trois mois à Lyon.
Surnommé « Adonis », les mauvaises langues vont jusqu'à prétendre qu'il avait auprès des hommes « plus de succès que ses sœurs », un reproche souvent adressé aux marins élevés entre-eux, sans femme.
À Paris, sa mère n'a aucune peine à le faire rentrer Marine royale : Colbert ne cesse alors de se plaindre de la « disette de cadres » ; or Tourville a 24 ans et déjà quatre ans d'expérience en Méditerranée. Le 4 décembre 1666, le duc de Beaufort, Grand-maître de la navigation donne à Tourville une commission de capitaine de vaisseau. Il s'agit là d'un réel privilège, étant donné son jeune âge, un brevet de lieutenant de vaisseau lui aurait certainement été attribué si la comtesse douairière de Tourville, sa mère, née La Rochefoucauld, n'était pas aussi en faveur à la Cour.
En 1668, il reçoit son premier commandement, celui du vaisseau de ligne Le Courtisan. Avec ce vaisseau, il conduit en mars un commissaire du Roi chargé de réclamer à Alger l'exécution d'un traité récemment conclu entre le Roi et le dey. Début 1669, il reçoit un second commandement, celui du vaisseau Le Croissant. Il croise alors en Méditerranée et participe à l'expédition de Candie placée sous les ordres du duc de Beaufort, au sein de la flotte qui quitte Toulon le 5 juin 166917. À son retour, en novembre 1669, il est confirmé par le Roi dans son grade de capitaine de vaisseau. En 1670, il se rend à la Cour de Versailles où il reste un an, il accompagne le Roi dans les Flandres. Enfin, il protège le commerce français et s'oppose aux Turcs à bord de L'Hercule. Envoyé dans le golfe de Venise, à la tête de trois vaisseaux, il incendie devant Barlet un vaisseau ragusois, chargé de ravitailler les troupes ottomanes, il canonne ensuite la ville. Il prend un vaisseau de 50 canons, chargé de blé et d'autres provisions qu'il convoie à Messine. II capture d'autres vaisseaux au large de Brindisi. À son retour à Messine, il bombarde Reggio, où il escorte un brûlot qui met le feu à un vaisseau de guerre et à quatorze bâtiments au mouillage dans ce port. Le duc de Beaufort le compte alors parmi ses meilleurs capitaines.
En 1671, commandant Le Duc, il effectue un coup de main audacieux contre des navires tunisiens stationnés dans la port de Sousse. Rentré à Rochefort, il apprend alors la mort de sa mère, survenue en mars 1671, et à laquelle il n'a pu assister12. Il passe sur L'Excellent, 56 canons, qui s'échoue en gagnant la haute mer.
Quand la guerre de Hollande éclate en 1672, il rejoint la Flotte du Ponant et l'escadre du comte d'Estrées et reçoit le commandement du Sage. La même année, il permet à son neveu, le marquis de Châteaumorand d'entrer dans la Marine. Il brille à la bataille de Solebay, le 7 juin, avant de prendre part aux trois combats de l'été 1673 contre l'amiral hollandais Michiel de Ruyter Schooneveld, Walcheren et le Texel à bord du Le Sans-Pareil. En 1674, il monte L'Excellent, avec lequel il s'échoue. Il retourne au Levant en 1675 pour y livrer une guerre de course et incendie Reggio le 30 juillet 1675. Il est nommé chef d'escadre de Guyenne le 30 octobre 1675, une promotion qui vient récompenser ses actions mais qui est également due aux protections dont Tourville bénéficiait à la Cour.
Son vaisseau étant à la tête de la flotte française, il pénètre le premier dans le port d'Agosta, où il prend le fort d'Aroley, après quoi les autres forts et la ville se rendent. Commandant le vaisseau Le Duc et alors qu'il se rendait à Malte pour se ravitailler en eau, il apprend la présence de dix-sept bâtiments ennemis dans le port de Suse, il entre dans le port, y capture une polacre et y met le feu après avoir fait jeter les Ottomans à la mer.
Il commande Le Sceptre, 80 canons, sous les ordres du maréchal de Vivonne, lors du combat de Palerme (2 juin 1676), contre la flotte de l'amiral hollandais de Ruyter. Au cours de cette bataille, il démontre ses capacités de chef de guerre. Son plan d'attaque permet la victoire de l'escadre commandée par Abraham Duquesne sur l'escadre hispano-hollandaise qui s'est réfugiée dans le port sicilien. Le bilan est lourd pour les coalisés et les Provinces-Unies et la monarchie catholique espagnole perdent huit vaisseaux et quatre amiraux.
Tourville se distingue pendant toute la campagne de Sicile contre de Ruyter, sous les ordres du duc de Vivonne et sous Abraham Duquesne. Au lendemaine de la bataille de Palerme, le Chevalier de Coëtlogon écrit au ministre, le 3 juin 1676 :
« Monseigneur, je n’entreprendrai pas de vous faire une relation de ce qui s'est passé à Palerme ; il ne s'est jamais rien fait de plus grand ni de plus heureux à la mer, et on ne peut rien ajouter à la gloire que la marine du Roy a acquise dans cette dernière affaire. Tous les capitaines y ont fait des miracles ; mais en vérité on doit la meilleure partie de tout ce bon succès à la bravoure et à la capacité du chevalier de Tourville ; il n'a pas manqué un temps ni une occasion et ayant reconnu avant le combat la situation des ennemis, il prédit tout ce qui est arrivé et donna un plan si juste de la manière dont se devoit faire l'attaque, qu'on s'est trouvé très bien de l'avoir suivi. »
Il commande Le Monarque en 1677, dans l'escadre du Grand Duquesne.
Auréolé de cette victoire, il est nommé chef d'escadre en octobre 1679, à l'âge de 37 ans.
En 1679, le ministre de la Marine Seignelay l'envoie à Toulon pour armer une escadre. Seignelay écrit, le 19 février 1679, au directeur des carrosses de Lyon, de tout faire pour faciliter son passage.
Le 7 mars, Tourville écrit, de Toulon, au ministre, pour lui annoncer qu'il se mettait en mesure d'exécuter les ordres qui lui avaient été donnés, et Seignelay lui répond le 18 :
« Prenez bien garde qu'il n'y ait point de retardement, n'y ayant rien de si important dans les commencements que de faire connoitre à Sa Maj. que vous avez toute l'application, le soin et la diligence nécessaires pour vous acquitter des ordres qui vous ont été donnez, et surtout dans le premier commandement qu'elle a bien voulu vous confier. »
Plus tard, Tourville part de Toulon pour se rendre dans le Ponant, avec quatre vaisseaux : Le Sans-Pareil, Le Content, Le Conquérant et L’Arc-en-Ciel. Arnoul, Intendant de Toulon, annonce ce départ le 2 mai 1679. Il s'agit alors de son onzième commandement en mer. Tourville navigue d'abord fort bien avec cette escadre qui devait tenir la mer la nettoyer des corsaires qui l'infestaient et, à la fin de la bonne saison, rallier le port de Brest pour y désarmer. En octobre, le chef d'escadre pense que le moment était venu de gagner le port ; il prend donc la route qui devait le conduire en Bretagne ; lorsqu'il est assailli, le 21 octobre 1679, au large de Belle-Isle, par une violente tempête.
Peut-être trop sûr de lui, peut-être trop confiant dans les vaisseaux du Roi qui ne cessaient de s'améliorer, Tourville n'inspecte pas assez son vaisseau. Les quatre vaisseaux souffrent horriblement. Le Sans-Pareil, mal radoubé, s'« ouvre ». La coque « se délie ». L'étoupe qui sert de calfatage se gorge d'eau21. Le vaisseau se met à sombrer.
Tourville décide d'évacuer le Sans Pareil et de faire passer 70 de ses hommes sur L'Arc en Ciel à l'aide de la grande chaloupe, mais une fois à l'abri, les marins qui montent la chaloupe refusent de retourner sur le vaisseau amiral à l'agonie pour sauver le reste de l'équipage ; c'est finalement le canot de L'Arc en Ciel qui se porte au secours des hommes restés à bord du bâtiment de Tourville, mais l'état de la mer l'empêche d'aborder ; l'amiral ordonne le sauve qui peut. Les marins sautent à l'eau, mais comme peu d'entre eux savent nager, beaucoup se noient et disparaissent avec Le Sans Pareil ; on dénombre seulement 78 survivants sur un total de 400 hommes. Dans ce nauffrage, Tourville perd son fils, âgé de 19 ans.
Tourville et son équipage sont sauvés par Coëtlogon, le chef d'escadre rend compte du naufrage et de l'action de Coëtlogon dans une lettre adressée à Seignelay quelques jours plus tard.
La même année, il reçoit le commandement du vaisseau Le Vigilant, dans la flotte de Duquesne envoyée bombarder Alger (juillet-septembre), et en 1683, il commande Le Ferme, toujours sous les ordres du même lieutenant général. La campagne commence mal, un coup de vent force l'escadre de revenir aux îles d’Hyères. Il participe également aux opérations en mer Méditerranée et y remporte de nombreux succès : la prise de Gênes en 1684, le bombardement de Tripoli à l'été 1685.
Tourville n'est pas seulement un chef de guerre, il s'intéresse et participe de près à la gestion de la marine. Il intervient dans la construction et l'architecture navale, sur la logistique et la formation des marins et des officiers de marine. Il propose notamment d'utiliser des maquettes de vaisseaux pour l'instruction. Il est secrètement consulté par Colbert sur tous les aspects de la marine, y compris sur les promotions des officiers. Il n'a de cesse de conseiller au ministre de promouvoir des gens de mer. Mais, c'est avec la guerre de la Ligue d'Augsbourg qu'il écrit les plus belles pages de sa carrière.
« Tourville possédait en perfection toutes les parties de la marine, depuis celle du charpentier jusqu'à celle d'un excellent amiral »
Saint-Simon
En 1688, dans la Manche, il s'empare de cinq vaisseaux hollandais. Le 2 juin de la même année, Tourville était à la mer, avec une escadre, lorsqu'il rencontre une escadre espagnole, commandée par l'amiral Papachin, il lui demande de saluer du canon le pavillon français, ce que l'Espagnol refuse de faire. Tourville l'attaque, et par un combat vigoureux, le contraint à lui rendre son salut. Cette action fait grand bruit in Versailles et à L’Escurial.
En 1688, Duquesne meurt et la vice-amirauté de Levant, que le Roi Louis XIV s'était toujours refusé de lui donner en l'absence d'une conversion au catholicisme, était désormais vacante. Le Roi, confie cette charge à Tourville, par les lettres du 1er novembre 1689. Il est alors, de fait, amiral et commandant de la marine française, d'Estrées ne prenant plus la mer.
En 1690, il est reçu chevalier de l'Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem.
Le 10 juillet 1690 et les jours suivants, Tourville commande l'armée navale française qui disperse la flotte anglo-hollandaise au cap Béveziers (appelé Beachy Head par les Anglais, au sud-ouest de l'Angleterre). Cette bataille est la victoire la plus éclatante de toute l'histoire de la marine française sur les Anglais, et même la seule dans la Manche. Ayant fait subir de lourdes pertes aux coalisés, Tourville peut alors occuper la mer et protéger les côtes françaises. C'est ce qu'il fera du 25 juin au 14 août 1691 pendant la « Campagne du Large » au cours de laquelle, cinquante jours durant, il parvient à tromper la vigilance et à déjouer les attaques d'une flotte anglaise lancée à sa poursuite en Manche puis dans l'océan Atlantique. Cependant, Louis XIV est déçu car Tourville n'exploite aucunement son succès (il était censé soutenir un débarquement du prétendant Jacques II en Irlande, qui est battu) et, selon certains historiens, cette victoire sans suite détourne Louis XIV de continuer à investir beaucoup dans sa marine.
Dans le but de couvrir le débarquement des troupes de Jacques II d'Angleterre, Louis XIV le charge à nouveau, en 1691, du commandement de la marine. La « campagne du Large » ne fut l'occasion d'aucun grand combat naval, mais Tourville parvint à s'emparer de onze bâtiments marchands et de leur escorte. À cette nouvelle, l'amiral Russel, commandant une flotte de 84 vaisseaux, lui donne la chasse. Jouant au chat et à la souris, profitant du vent, Tourville lui échappe et se réfugie près des côtes alors que Russel perd quatre vaisseaux et 1 500 hommes d'équipage dans une violente tempête.
Le 29 mai 1692 à bataille de Barfleur, à un contre deux, l'escadre du Levant commandée par d'Estrées n'ayant pu rejoindre à temps l'escadre du Ponant, il fait jeu égal avec la flotte coalisée et parvient au prix de combats acharnés et de manœuvres habiles à ne perdre aucun bâtiment. Cependant, dans leur retraite, les vaisseaux avariés sont ralentis, victimes d'une inversion du courant et doivent se réfugier à Cherbourg et à Saint-Vaast-la-Hougue. Au cours de la bataille de la Hougue, Tourville ne peut empêcher la destruction de 15 vaisseaux, échoués, dont le vaisseau amiral le Soleil Royal, le plus beau et le plus célèbre de tous les vaisseaux de la flotte de Louis XIV.
À la suite de cet événement, la Cour vient au secours de Tourville. Saint-Simon, entre autres, sauve pendant longtemps, la réputation de Tourville dont le père avait été au service du sien. Il écrit :
« Le Roi avait en mer une armée navale commandée par le célèbre Tourville, vice-amiral. Et les Anglais une autre, jointe aux Hollandais, presque du double supérieure. Elles étaient dans la Manche […] Tourville, si renommé par sa valeur et sa capacité […] fit des prodiges. Tourville fut accablé du nombre et quoiqu'il sauvât plus de navires qu'on ne pouvait espérer, tous presque furent perdus ou brûlés après le combat de La Hogue. »
Loué par le plus grand mémorialiste de l'époque, félicité par le Roi qui l'accueille à Versailles avec ces mots : « Monsieur, nous avons été battus, mais vous avez acquis de la gloire, pour vous et pour la nation28. » Il est élevé à la dignité de maréchal de France le vendredi 27 mars 1693, le même jour que Catinat, Choiseul, Villeroy, Joyeuse, Noailles et Boufflers.
Tourville, lui-même, est étonné par cette promotion, d'autant plus que Seignelay son protecteur était mort depuis 1690. « Tourville fut d autant plus transporté que sa véritable modestie lui cachait sa propre réputation et qu'il n'imaginait pas même d'être maréchal de France si on en faisait quoiqu'il le méritât autant qu'aucun d'eux. »
En 1693, il peut venger la défaite de la Hougue en s'emparant du « convoi de Smyrne », au large de Lagos. Il rafle ou détruit 80 navires marchands et inflige aux coalisés une perte de 30 millions de livres. Tourville se retrouve à la tête d'une armée navale de 93 vaisseaux. Il participe en 1694 à sa dernière campagne maritime, en Méditerranée, avec les sièges de Palamós et Livourne. Il partage ses dernières années entre Provence, Saintonge et Aunis dont il a été nommé commandant militaire et où il organise la défense des côtes françaises.
À Brest, en 1695, il s'active encore en des heures difficiles, à la suite du grand hiver et des bombardements anglais de l'année précédente (Saint-Malo, Dieppe, Le Havre). Le 2 novembre 1695, il reçoit son neveu Châteaumorand dans l'Ordre de Saint-Louis. Cependant, le cœur n'y est plus, il s'ennuie, se sent mal à l'aise en l'hôtel où réside sa femme et préfère résider seul dans un petit appartement du faubourg Montmartre. Il reçoit quelquefois des amis marins avec lesquels il évoques les grandes heures de la marine française au tournant du xviie siècle.
Il n'a que cinquante-neuf ans, mais la tuberculose le mine. Il meurt à Paris le 23 mai 1701. Il est enterré en l'église Saint-Eustache à Paris, à proximité du tombeau de Colbert, réalisé par Antoine Coysevox. En 1787, ses ossements furent transférés aux catacombes de Paris.
En 1690, Anne Hilarion de Costentin de Tourville épouse Louise-Françoise d'Hymbercourt, fille d'un riche fermier général et veuve d'un cousin germain de Colbert, mariage qui sera cependant malheureux.
Ils ont une fille Luce-Françoise, dame du palais de la duchesse de Berry, qui épouse en 1714 Guillaume-Alexandre de Galard de Béarn, comte de Brassac, colonel du régiment de Bretagne (mort en 1768). De cette union naît Anne-Hilarion de Galard de Brassac dit comte de Béarn, qui s'unira avec Olympe de Caumont La Force et auront quatre enfants dont Alexandre de Galard, marquis de Cugnac, qui épouse en 1768 Anne-Gabrielle Potier de Novion.
La bataille de Barfleur
Le 29 mai 1692, à quatre heures du matin, la flotte ennemie comptait quatre-vingt-huit vaisseaux. Les ordres précis qu'avait reçus Tourville ne lui permettaient pas de tenter une retraite qui devenait dangereuse en présence d'une armée aussi supérieure en forces; il prit donc le parti de combattre.
Il réunit à son bord les principaux officiers de son armée, il leur donna connaissance des ordres positifs qu'il avait reçus de combattre, et lés renvoyant ensuite chacun à son poste, il mit le cap vent arrière sur l'armée ennemie.
Tourville se plaça au centre, sur le Soleil Royal, de cent six canons; le marquis d'Amfreville ,sur le Merveilleux ,commandait l'avant garde,et M. de Gabarret,sur l' Orgueilleux, l'arrière-garde.
Du côté des ennemis, l'amiral Russel ,sur le Britannia,commandait le corps de bataille; l'avant-garde, composée des vaisseaux hollandais, avait à sa tête le vice-amiral Allemonde,sur le Prince et l'arrière-garde était sous les ordres du chevalier Ashby, sur le Royal James rebaptisé Victory en 1691.
La flotte ennemie mit en panne pour attendre les Français .
A dix heures du matin, un coup de canon, parti d'un des vaisseaux hollandais, devint le signal du combat.
Le feu devint général des deux côtés; mais les efforts de l'armée ennemie se dirigèrent principalement sur le centre des Français. Tourville cependant ne se laissa point intimider par le nombre; chacun de ses vaisseaux eut à soutenir le choc de deux et quelquefois même de trois adversaires. Tourville répondit si vigoureusement au feu de l'amiral Russel ,sur le Britannia et de ses deux matelots ,le London et le Saint Andrew trois vaisseaux de cent canons,il les fit plier deux fois.
Le marquis de Nesmond ,sur le Monarque eut le même avantage sur les Hollandais, qui ne purent soutenir son feu ; les deux autres divisions de l'armée combattaient aussi vaillamment, mais leur soin principal était de conserver le vent, manœuvre essentielle qui les sauva.
L'arrière-garde était fort éloignée du centre lorsque Tourville fit le signal de former la ligne de bataille. Les deux premières divisions se trouvèrent en ligne quand le feu commença; mais la troisième ne put jamais parvenir à prendre son poste, en sorte qu'il se trouva un grand intervalle entre le corps de bataille et l'arrière-garde. Que vingt-cinq vaisseaux anglais employèrent pour mettre le centre de l'armée française entre deux feux.
Le vent devint tout à coup défavorable Tourville alors, pour résister au vent et au courant, ordonna de mouiller.
Cependant le combat continuait toujours avec la même vigueur.
Mais bientôt les Anglais l'enveloppèrent et s'acharnèrent sur son vaisseau et sur celui que montait le marquis de Villette , l'Ambitieux, qu'ils désemparèrent entièrement.
Plusieurs vaisseaux arrivèrent à leur secours et s'efforcèrent de diminuer le péril en le partageant.Le combat fut à son comble, et les Français se défendirent héroïquement. Le combat s’arrêta à cause de la brume ; mais il recommença avec plus de rage lorsque le brouillard fut dissipé par la lumière de la lune.
Dans le nombre des vaisseaux anglais qui avaient doublé le corps de bataille, trois se trouvaient au vent, ayant derrière eux cinq brûlots. Ils les dirigèrent successivement sur le vaisseau amiral et sur celui du marquis de Villette, mais ils purent s'en garantir. Enfin les Anglais lassés de la résistance opiniâtre de la flotte française et Russel désespéré de ne pouvoir venir à bout du Soleil Royal, décide de renoncer à la lutte, lève l'ancre et se laisse dériver vers l'Est. La flotte hollandaise menée par Van Almonde décide d'en faire autant; en passant à travers les intervalles des vaisseaux français; mais cette témérité leur coûta cher, ils furent criblés de coups, ils parvinrent à exécuter leur manœuvre avec de nombreux dégâts.
Ce fut le dernier acte du combat; il était alors dix heures du soir.
Il ne restait plus au comte de Tourville qu'à battre en retraite. Au soir de cette glorieuse défense, la flotte française n'a perdu aucun navire malgré l'inégalité des forces (à 99 contre 44)
Il ne restait plus au comte de Tourville qu'à battre en retraite. Au soir de cette glorieuse défense, la flotte française n'a perdu aucun navire malgré l'inégalité des forces (à 99 contre 44) ,mais ils ont subi des dégâts et le Soleil Royal, l'Henry et le Fort sont très endommagés et doivent être réparés d'urgence
A une heure du matin, l'amiral fit signal d'appareiller, et lui-même mit à la voile; mais le brouillard, qui s'était élevé de nouveau, empêcha de distinguer ses signaux, et huit vaisseaux seulement imitèrent sa manœuvre. À sept heures, cependant, trente-cinq vaisseaux l'avaient rallié. Des neuf autres, six avaient gagné la Hougue, et trois s'étaient dirigés sur Brest, l'Orgueilleux, le Souverain et l' Illustre.
Vers huit heures, Tourville se trouvait à cinq kilomètres de l'armée ennemie, et cet avantage lui aurait suffi pour échapper à sa pousuite, si Soleil Royal, totalement désemparé, n'eût retardé la marche de son armée. Obligé de mouiller à la hauteur de Cherbourg. Tourville quitte le Soleil Royal percé de toute part, monte sur l'Ambitieux.
A onze heures du soir, il fit lever l'ancre, amène 10 navires ,l'Ambitieux, le Merveilleux, le Foudroyant, le Magnifique, le Tonnant, le St Philippe, le Terrible, le Fort, le Fier, le Gaillard (Bruleront à La Hougue) et se dirigea sur le raz Blanchard pour profiter des vents et des courants, et devancer l'armée ennemie.
Vingt-deux vaisseaux le passèrent heureusement grâce à un simple matelot du Croisic Hervé Riel; le Soleil Royal n'en était plus qu'à une portée de canon, lorsque la marée mal jugée par le pilote Laisné, qui descendait, le força de mouiller. Mais les ancres chassèrent, les vaisseaux dérivèrent, et se trouvèrent bientôt sous le feu de l'armée ennemie.
Tourville alors prit le parti de faire entrer à Cherbourg trois de ses vaisseaux qui étaient les plus avariés,le Soleil Royal, l'Admirable et le Triomphant (Brûlés à Cherbourg) , et avec ceux qui lui restaient il se dirigea sur La Hougue.
La flotte ennemie s'était partagée en trois corps; le premier, de quarante vaisseaux, s'attacha à la poursuite du comte de Tourville; le second, de dix-sept, se tint en observation devant Cherbourg, et le troisième donna la chasse aux vaisseaux qui faisaient route pour Saint-Malo. Toutefois, ceux-ci, parvinrent à se soustraire à leur poursuite. La division qui bloquait Cherbourg tenta en vain de s'emparer des vaisseaux français qui voulaient y entrer, mais ils les forcèrent à s'échouer et à s' incendier.
Cependant les vaisseaux anglais qui formaient le corps de bataille arrivèrent à la hauteur de La Hougue presque en même temps que le comte de Tourville, et ils l'y bloquèrent. Comme à cette époque il n'y avait ni forts ni batteries pour protéger ces douze vaisseaux, et que la position dans laquelle ils se trouvaient ne pouvait être longtemps tenable, l'amiral se décida à les incendier. Aussitôt il leur donna l'ordre de s'échouer. Les équipages commençèrent immédiatement à en retirer les canons et les agrès, mais comme ils manquaient d'embarcations pour cette opération, elle fut lente et difficile. , lorsque deux cents embarcations armées de la flotte ennemie, forcèrent les équipages à se retirer,et incendièrent eux-mêmes les vaisseaux échoués,son vaisseau-amiral le magnifique Soleil Royal, sautera quant à lui à la pointe du Hommet, devant Cherbourg. L'ennemi s'attaque au Terrible abandonné, le pille et le brûle. Forts de ce succès ils reviennent vers Tatihou et embrasent tour à tour l'Ambitieux, le Foudroyant, le Magnifique, le Merveilleux et le SaintPhilippe. Et le lendemain 3 juin, ilsreviennent à l'attaque et incendient les derniers vaisseaux,le Bourbon, le Fort, le Fier, le Gaillard, le Saint Louis , le Tonnant .
Effectifs:
La Royale: 44navires,20900 hommes,3240 canons
La Royal Navy et Dutch Navy: 99 navires,
Royal Navy:53463 hommes,6825 canons
Dutch Navy(Hollandais): 9182 hommes, 2160 canons
Pertes:
1700 tués et blessés français,2000 tués dont 1 amiral et 1 colonel (Carter et Hastings) et 3000 blessés anglais
Près de trois siècles ont passé
Bien que la plus part des épaves de la baie de St Vaast aient été connues des locaux, pêcheurs ou plongeurs, ce n'est dans les années 1980 que 5 épaves de la bataille de la Hougue sont officiellement inventées au SE de Tatihou puis déclarées au DRASSM en 1985.
Quant au SOLEIL ROYAL, il serait aujourd'hui sous le parking Caïman à l'arsenal de Cherbourg.
Dans les années 1982/1983, une barge hollandaise lors d'un dévasement remonte des boulets et quelques objets. Au vu des informations concernant l'épave et son éventuelle position il semblerait qu'il s'agisse bien du vaisseau royal de Louis XIV. Le 1er Groupe de Plongeurs Démineurs (GPD) y plonge donc et en creusant, retrouve des morceaux important de l'épave et notamment une pièce de bois d'environ 7m et de plusieurs tonnes.
Cette pièce est aujourd'hui entreposée dans le Bassin Charles X, à proximité du poste d'Accostage du VULCAIN (bateau militaire actuel).
D'après les dernières informations, la totalité de l'épave ne serait pas enfouie comme on l'a longtemps pensé mais serait envasée en bordure du Parking.
Les « Royal Louis »
Une tradition de la marine de l’Ancien Régime voulait que le plus beau, le plus grand et le plus puissant vaisseau de la flotte française soit toujours le Royal Louis. Du règne de Louis XIV jusqu’à celui de Charles X, il y eut en tout six vaisseaux, tous des trois-ponts, portant ce nom. Afin d’éviter toute confusion entre ces différents bâtiments, il m’a semblé important de faire une rapide description de chacun d’entre eux.
Le premier Royal Louis 1667 – 1690
Construit à Toulon par Rodolphe Gédéon, secondé par Laurent Coulomb. Lancé en 1668. Les caractéristiques de ce vaisseau sont à l’époque précisées par le commissaire au port de Toulon, Hayet dans sa Description du vaisseau Le Royal Louis, dédiée à messire Pierre Arnoul.
– Dimensions : longueur 163 pieds (53 m) ; largeur 43 pieds 6 pouces (14,13 m) ; creux 20 pieds 8 pouces (6,74 m).
– Armement : Hayet se contredit quelque peu concernant l’artillerie du Royal Louis. Il indique (page 21) que le vaisseau porte 12 pièces de 36, 18 pièces de 24, 30 pièces de 18, 30 pièces de 12 et 20 pièces de 8 (en tout 110 canons). Il indique également (page 3) qu’il compte 32 sabords à la première batterie, 28 à deuxième, 26 à troisième, 20 sur les gaillards et 4 sur la dunette. Face à ces contradictions, le spécialiste Jean Boudriot estime que la première batterie comportait 12 canons de 36 et 18 canons de 24, ces derniers étant, suivant l’habitude de l’époque, placées aux extrémités de batterie ; l’armement de deuxième batterie devait être constitué de 30 canons de 18 livres ; la troisième batterie 26 canons de 12 livres ; et pour les gaillards 20 canons de 8 livres plus 4 sur la dunette. Suivant les indications de Hayet quant au nombre de canons de 12 et de 8 portés par le Royal Louis, doit-on en déduire que 4 canons de 12 armaient en partie les gaillards ? Difficile à dire…
En résumé : Première batterie : 30 canons (12 de 36 livres – 18 de 24 livres). Deuxième batterie : 30 canons de 18 livres. Troisième batterie : 26 canons de 12 livres. Gaillards : 20 canons de 8 livres. Dunettes : 4 canons de 8 livres. En tout, 110 canons.
Le deuxième Royal Louis 1692 – 1727
Construit à Toulon par François Coulomb, dit Coulomb fils (son père était Laurent Coulomb). Mis en chantier le 9 avril 1692 et lancé le 22 septembre de la même année (le vaisseau est alors loin d’être terminé).
Dimensions : longueur 176 pieds (57,20 m) ; largeur 48 pieds (15,60 m) ; creux 23 pieds (7,47 m). Il est le vaisseau le plus important construit sous le règne de Louis XIV.
Armement : A l’origine, ce Royal Louis devait être armé de canons de 48 livres à sa première batterie. Rapidement, pour des raisons de stabilité du navire, on les remplaça par des pièces de 36. La deuxième batterie portait 32 canons de 18 livres, la troisième 30 canons de 12 livres ; sur les gaillard d’avant 6 canons et sur le gaillard d’arrière 10 canons, soit 16 canons de 8 livres ; sur la dunette 4 canons de 6 livres. En tout, 112 canons, tous en bronze.
Le troisième Royal Louis 1740 – 1742
Mis en chantier à Brest, sur des plans de Blaise Ollivier, le 14 mars 1740. Le vaisseau brûle le 25 décembre 1742, alors qu’il était achevé jusqu’au 3e pont et que les baux des gaillards étaient en place. L’incendie dura six heures et tout fut détruit.
Dimensions : longueur 190 pieds (61,75 m) ; largeur 51 pieds 1 pouce (16,60 m) ; creux 24 pieds 4 pouces (7,90 m).
Armement : Batterie basse 32 canons de 36, deuxième batterie 34 canons de 18, troisième batterie 34 de 12, gaillards 18 canons de 8 et dunettes 6 canons de 4. Tous ces canons étaient prévus en bronze. En tout 124 canons.
Ce vaisseau aurait été le plus grand vaisseau de l’époque et le premier a être percé à 16 sabords à la batterie basse.
Le quatrième Royal Louis 1758 – 1772
Construit à Brest, par Jacques Luc Coulomb, en principe sur les mêmes plans que le précédent Royal Louis.
Dimensions : elles sont donc identiques au Royal Louis de Blaise Ollivier : longueur 190 pieds (61,75 m) ; largeur 51 pieds 1 pouce (16,60 m) ; creux 24 pieds 4 pouces (7,90 m).
Armement : Son artillerie est toutefois sensiblement différente. Première batterie 32 canons de 36, deuxième batterie 34 canons de 24, troisième batterie 34 canons de 12, gaillard d’avant 6 canons de 8, gaillard d’arrière 10 canons de 8. Au total 116 canons.
Le cinquième Royal Louis 1779 – 1794
Au début de la guerre d’Indépendance, la France met en construction quatre vaisseaux trois-ponts de 110 canons parmi lesquels un Royal Louis. Renommé le Républicain en 1792. Construit à Brest d’après les plans de Léon Michel Guignace.
Dimensions : longueur 182 pieds (59,15 m), largeur 50 pieds (16,25 m), creux 24 pieds 6 pouces (7,96 m).
Armement : Sa première batterie comportait à l’origine 30 canons de 48 livres. Ces canons seront remplacés par des canons de 36 en 1782. Deuxième batterie 32 canons de 24. Troisième batterie 32 canons de 12 livres. A l’origine, le gaillard d’avant portait 6 canons de 8 et le gaillard d’arrière 10. En 1783, cette artillerie fut réduite à 12 canons, toujours de 8 livres.
Le sixième Royal Louis 1811 – 1825
Trois-ponts du type 118 canons de Sané. Construit à Toulon durant l’Empire sous le nom l’Impérial. Il est renommé le Royal Louis sous la Restauration. Possède les mêmes caractéristiques que les autres 118 canons de Sané, à savoir :
Dimensions : longueur 196 pieds 6 pouces (63,54 m) ; largeur 60 pieds (16,25 m) ; creux 25 pieds (8,12 m).
Armement : selon le règlement de 1806 : première batterie 32 canons de 36, deuxième batterie 34 canons de 24, troisième batterie 34 canons de 12, sur les gaillards 14 canons de 8 livres et 12 caronades de 36 livres ; soit au total 126 canons.
Egger Ph.