Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mercredi 30 mars 2016

Jean-Pierre Coffe, ce n'était pas de la merde !


Adieu L'ami !


Jean-Pierre Coffe est mort à l'âge de 78 ans dans sa maison de campagne d'Eure-et-Loir. Il a ouvert une génération de Français à la gastronomie.



La semaine dernière, il participait encore aux Grosses Têtes sur RTL. Célèbre pour son franc-parler et ses coups de gueule contre la malbouffe, Jean-Pierre Coffe est mort dans la nuit de lundi à mardi à l'âge de 78 ans dans sa maison de Lanneray, en Eure-et-Loir, à une dizaine de kilomètres de Châteaudun, où il vivait depuis plus de quarante ans. Derrière le ludion médiatique se cachait un homme triste, marqué par la vie... L'année dernière, nous l'avions rencontré à l'occasion de la publication du livre Une vie de Coffe (éditions Stock). Portrait de cet "épicurien à l'humour tranchant", comme le décrit la comique Anne Roumanoff.

Il est des blessures dont on ne se remet jamais complètement. À 78 ans, Jean-Pierre Coffe fait toujours le même cauchemar : il vient d'être embauché comme garçon coiffeur à Lunéville. C'est ce qu'aurait voulu sa mère, femme avare de mots et de sentiments. La jeune veuve, trop occupée à vivre sa nouvelle histoire de coeur, n'a jamais eu d'ambition pour son fils unique. "Elle a passé sa vie près du téléphone, à attendre que ce con appelle !" éructe son enfant aujourd'hui presque octogénaire. Attablé en terrasse de la Cagouille dans le 14e arrondissement de Paris, l'homme entreprend de se venger sur une délicate poêlée de coques apparue sur la table. Le con en question était marié, il n'a jamais voulu épouser la veuve et adopter l'orphelin. "J'étais jaloux de lui. Il avait tout et moi je n'avais rien." Coffe a pris sa revanche sur la vie, mais se persuade encore que tout pourrait lui échapper. Trois faillites, une vie d'excès, un mariage raté et toujours cette peur du salon de coiffure de Lunéville qui revient. Caché derrière ses lunettes de saltimbanque, l'amuseur public se laisse embrumer par les souvenirs. L'inoubliable Puligny-Montrachet de Jean-François Coche Dury lui réchauffera le coeur.

"Il a rejoint les gens qu'il avait combattus"

Voilà plus de trente ans que ce flambeur écorché vif se bat pour politiser la gastronomie. Faire de la bonne chère un acte militant, une affirmation identitaire des terroirs, un acte de soutien aux petits producteurs qui vivent - eux aussi - avec la peur d'être oubliés. Avec Coffe, ils ont trouvé leur tribun. "Si la malbouffe recule en France, c'est grâce à lui!" explique son ancien disciple et critique gastronomique Périco Légasse. Les deux hommes se sont violemment fâchés lorsque Coffe a signé un contrat avec Leader Price en 2009. "Il a rejoint les gens qu'il avait combattus pendant toute sa vie !" se désole son ancien fidèle. Le lien filial est rompu. "Il m'a déçu, mais je n'oublie pas que je lui suis redevable. C'est un visionnaire. Il est le premier à avoir compris que si on arrête d'acheter de la merde, on fout le système en l'air." La merde. Ce mot a fait de Coffe une star très cathodique. Tout le monde se souvient de ce jour où il balança des saucisses industrielles à travers un plateau télé en vociférant : "Mais c'est de la merde !" Il ne l'a dit qu'une seule fois et la phrase est devenue le gimmick de sa marionnette aux Guignols. "Cette phrase était pour moi l'expression de la liberté la plus absolue. Personne dans la presse ou la télé n'ose dire les choses ainsi." Paniquée, la marque malmenée lui avait à l'époque proposé une très forte somme d'argent en échange de la promesse de ne plus jamais parler d'elle. Il n'a pas signé et a continué ses outrances adorées du public. L'ancien animateur jure qu'il s'est adouci avec le temps. Enfin presque. Lorsqu'arrive son assiette de merlu décorée de poivre, il éructe à l'attention du serveur : "Le poivre et le vinaigre balsamique, c'est l'éjaculation du chef. Il en colle partout quand il n'a plus la santé pour aller foutre son sperme ailleurs !" Puis il feint de regretter son emportement : "Vous allez encore écrire que je m'insurge facilement." Mais non.

Son premier rêve : le théâtre !

Coffe reçoit les baffes comme il en donne. Certaines laissent plus de marques que d'autres. L'échec de son restaurant baptisé Le Modeste, rue Rambuteau, lui reste en travers de la gorge. "Mon pari, c'était tout ce que font les restaurants actuellement." Un hôtel particulier du XVIIIe siècle embrassant d'un seul regard la modernité du Centre Beaubourg. Seulement, l'homme d'affaires libanais qui avait soutenu le projet a disparu. Coffe, qui s'était porté garant auprès des banques, s'est retrouvé à la tête d'une dette proportionnelle à sa mégalomanie. Il a dû vendre son chef-d'oeuvre occupé aujourd'hui par un fast-food. "Si je recroisais cet homme d'affaires, je crois que je ferais une connerie." La rancune est tenace et trente ans plus tard, la banqueroute n'est toujours pas digérée. Le business, Coffe est tombé dedans par hasard, mais son premier rêve, c'était le théâtre. "Comme tous les personnages truculents, il est complexe, pudique et un peu triste", décrypte la chroniqueuse et journaliste Natacha Polony. Elle se souvient d'une visite en sa compagnie dans un jardin merveilleux où poussait une magnifique pivoine arbustive. "Il s'est approché des fleurs, a plongé son nez dans l'une d'entre elles, a fermé les yeux pour en sentir le parfum. Il a rompu le silence en expirant : La salope !"

Un avortement dont il ne se remet pas

Ses histoires avec les femmes ne se sont jamais très bien terminées. À l'entendre, il aurait découvert sa bisexualité par accident : "Deux types bourrés qui se retrouvent dans un lit, c'est du hasard. Mais c'était agréable, alors j'ai eu envie de recommencer." Il réfléchit. "J'ai été marié à une femme. Nous allions avoir un enfant. J'étais heureux. Puis j'ai découvert mon enfant mort dans le bidet. Ma femme m'a expliqué qu'elle avait fait une fausse couche, mais je reste convaincu que c'était un avortement. Quoi qu'il en soit, je ne serais pas le même homme si cette histoire n'était pas arrivée." Il n'a pas oublié, il a simplement appris à vivre avec ce souvenir qui le hante encore, entre le salon de coiffure de Lunéville, un terrible accident de voiture et ses trois faillites. Aujourd'hui, il partage son quotidien avec un homme, dans sa maison près de Châteaudun. Indécrottable séducteur, il pratique l'érotisme gastronomique : "Partager une tartine et boire dans le même verre, c'est pas mal." Avant d'enchaîner : "On partagerait bien un dessert pour deux, non ?" C'est donc autour d'un Paris-Brest disproportionné, servi avec deux cuillères, que l'homme de goût, généralement irascible, se livre à un ultime examen de conscience : "Finalement, j'ai adoré la vie que j'ai eue." Puis il s'engouffre, repu et satisfait, dans un taxi.

Derniers hommages

Cyril Lignac, chef étoilé

Pour le cuisinier, qui se confie dans Gala, Jean-Pierre Coffe était un peu comme son « grand-père ». « Quand j'ai commencé la télé, ça n'a pas été évident, il n'a pas eu des mots très doux avec moi, et puis on s'est rencon­trés et on s'est plu », raconte-t-il. Cyril Lignac affirme avoir souvent déjeuné avec le célèbre chroniqueur, une fois par mois environ, et avoir été toujours très impressionné par sa culture. Un « amoureux de la terre », dit-il, un « orateur passionnant » et « comédien dans l'âme ». Cyril Lignac ajoute : C'était « un grand seigneur, libre et rebelle, il disait tout ce qu'il pensait, il faisait ce qu'il avait décidé, j'ai toujours trouvé ça beau. »

Philippe Geluck, artiste belge

L'auteur de la bande dessinée Le Chat était un des plus proches amis de Jean-Pierre Coffe. « On dit souvent dans des cas pareils qu'on ne se rend pas compte, mais je m'attends à le voir demain, après-demain, de l'appeler… C'est la vie, Jean-Pierre Coffe, c'est la vie incarnée, c'est la fidélité, c'est la générosité, et c'est un puits de science, a dit l'artiste belge sur RTL. C'était un homme d'une culture infinie, et qui avait tellement envie de partager. Il avait cette qualité rare quand vous l'appeliez de tomber toujours bien, de ne jamais le déranger… Il vous faisait croire que vous étiez le type le plus important du monde… À chacun de nous, à chacun de ses amis, et c'est une de ses grandes forces. » Et l'artiste d'ajouter : « On dit que le Français est râleur. Lui, c'était la quintessence du « râlisme » ou de la « râlerie ». Il en avait fait un signe de reconnaissance comme ses lunettes ! Au-delà de ça, pourquoi les gens l'aiment tellement ? C'est parce qu'il aimait les gens. »

Perico Legasse, critique

« Chaque fois qu'on mettra de beaux produits dans nos assiettes, il sera vivant ! »


Laurent Baffie, humoriste



Stéphane Bern, journaliste et animateur radio



Anne Roumanoff : « Épicurien à l'humour tranchant »



François Hollande : « Un bon vivant »

« Jean-Pierre Coffe était un bon vivant et avait le goût de partager avec ses amis et les Français le plaisir des rencontres et des saveurs », écrit le président de la République dans un communiqué. « Jean-Pierre Coffe a contribué à redonner à notre gastronomie tout son prestige, mais aussi toute sa simplicité. Il voulait la mettre à la portée de tous. J'adresse à sa famille et à ses proches mes sincères condoléances et leur exprime toute ma solidarité », ajoute François Hollande


Philippe Vigier, président du groupe UDI à l'Assemblée nationale


Michel Denisot, animateur et producteur

C'est Michel Denisot qui l'avait découvert en 1984, lui ouvrant les portes de Canal +. « C'est quelqu'un qui incarnait une joie de vivre et un plaisir de la vie assez incomparable, a dit Michel Denisot sur Europe 1. C'était un acteur. Il avait quelque chose en plus : le goût et la passion des bonnes choses, et il le jouait magnifiquement. C'était un vrai spectacle à chaque fois. (...) Avec lui on s'amusait beaucoup et on poussait le bouchon un peu loin de temps en temps. »

Nagui, animateur




Laurent Ruquier, animateur et producteur

Jean-Pierre Coffe « souhaitait partir en toute discrétion, c'étaient ses dernières volontés, a dit Laurent Ruquier sur RTL. Évidemment, l'information a fuité comme toujours. C'est raté, j'ai envie de dire, parce que de toute façon, la discrétion et Jean-Pierre Coffe, c'est deux choses qui n'allaient pas vraiment ensemble ». « Vingt ans que je connais Jean-Pierre Coffe ! J'ai voyagé avec Jean-Pierre, il n'avait jamais vu Venise et m'avait demandé de l'emmener à Venise, a ajouté Laurent Ruquier. C'est ce que j'ai fait avec Philippe Geluck, qui fait partie de ses proches, de ses intimes, plus que moi encore. Jean Teulé aussi, à qui je pense aussi, et Miou-Miou qui se sont rencontrés l'un et l'autre chez Jean-Pierre Coffe grâce à Jean-Pierre. Voilà les gens qui font partie de ses proches et de sa vie intime. »


Anne Hidalgo, maire PS de Paris




 
Egger Ph.