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jeudi 28 juillet 2016

Georges Python, deuxième fondateur de Fribourg


CARICATURE 
Georges Python croqué par le journal satirique «Almanach de Chalamala», en 1911.



Politicien (1856-1927). Créateur de l’Université de Fribourg, il voulut faire de sa ville un centre intellectuel rayonnant dans toute l’Europe.

C’est l’un des grands bâtisseurs du XIXe siècle, un ambitieux, un visionnaire doublé d’un conservateur forcené, et c’est dans son canton, Fribourg, qu’il déploya ses nombreux talents et ses dons, redoutables, de manœuvrier. Georges Python fut aussi et surtout un de ces politiques inamovibles, sans cesse réélu néanmoins, qui s’imposa durant près d’un demi-siècle. Ses ennemis radicaux ne s’y trompèrent d’ailleurs pas en le qualifiant, lui, le puissant catholique, de «dictateur». Bel hommage. On dirait bien, en effet, qu’aucune force, sinon le ciel, n’a pu mettre fin à la carrière de celui qui a laissé une marque indélébile dans son canton et le fit entrer dans la modernité.



Précoce, Georges Python l’est. Député au Grand Conseil fribourgeois dès ses 25 ans, conseiller national à 28. Au Conseil d’Etat, il régnera pendant quarante et un ans sur la direction de l’instruction publique, de 1886 à 1927. Sa principale réalisation reste la création de l’Université de Fribourg, en 1889, clé de voûte d’un projet social et politique: faire rayonner le catholicisme en Europe, lutter contre le scientisme, former l’élite d’une «république chrétienne» qui guidera le peuple dans les écueils de la modernité...

Il y parvient grâce à ses influences à Rome, auprès du pape, qui lui permettent de convaincre l’Eglise catholique de choisir Fribourg pour créer un centre universitaire. Il imagine une «combinaison» financière pour mener à bien son projet, mais il sera mis en cause par un scandale en 1912, à cause d’irrégularités de gestion dans la Banque d’Etat. C’est la pire année de son long règne. Son protégé, Jean-Marie Musy, jeune homme également très ambitieux et futur conseiller fédéral, se retourne contre lui. Surtout, Georges Python est victime d’une attaque d’apoplexie. Il n’est plus que l’ombre de lui-même, mais s’accroche au pouvoir jusqu’à son dernier souffle. Elu aux élections en décembre 1926, il s’éteint en janvier 1927.

La place Georges Python, 
lieu emblématique de la ville de Fribourg








La Grue qui au départ était sur la place

 La Grue a été déplacée près du funiculaire




Si Berthold IV de Zähringen a fondé Fribourg en 1157, Georges Python se voit parfois gratifié du titre de «second fondateur» de la ville. Son bilan est impressionnant. Qu’on en juge: en plus de l’université, il a notamment créé la Banque d’Etat, a contribué à la fondation des Chemins de fer fribourgeois et des Entreprises électriques fribourgeoises, fit bâtir la Bibliothèque cantonale...

«Pour ses contemporains, c’est un chef politique très habile en matière électorale, un tribun excellant dans l’art oratoire», explique son homonyme Francis Python, historien, professeur émérite de l’Université de Fribourg.

Démocrate sans partage

Conservateur, nous l’avons dit, Georges Python était proche du chanoine Joseph Schorderet, apôtre d’une presse catholique militante, fondateur du quotidien La Liberté et cofondateur de l’université. Il pouvait compter sur un puissant réseau d’influences grâce aux cercles d’étudiants catholiques. D’un père paysan et d’une mère aristocrate, il a su rallier les deux milieux dont il était issu. Et il a fait un mariage opportun avec une aristocrate, Marie-Elisabeth, fille de Louis Wuilleret, avocat et président du Parti conservateur fribourgeois...

«C’est un conservateur paradoxal, analyse toutefois Francis Python. S’il veut préserver la société en l’état, avec son élite, il le fait en utilisant des moyens modernes: la presse ou le développement scolaire. On prétendait qu’il s’était inspiré du dictateur équatorien García Moreno. Disons plutôt qu’il était démocrate, mais sans partage. Le pouvoir absolu entraîne parfois des dérives... C’est avant tout un réalisateur, incessamment au front, et qui savait s’entourer. Visionnaire, il comprendra la naissance du prolétariat et la nécessité d’instaurer une protection ouvrière. Il aura une phase sociale chrétienne avant la lettre, dans les années 1880. Son influence politique est tellement massive qu’il faudrait un travail collectif pour l’étudier.

Pour l’anecdote, et malgré la rumeur, il semble que, hélas, Georges Python n’ait pas inspiré à Hergé le personnage du professeur Paul Cantonneau, qui apparaît dans trois albums de Tintin, L’étoile mystérieuse, Les 7 boules de cristal et Le temple du soleil.







En savoir plus

➤ Voir l’effigie de Georges Python dans la fresque commémorative de la chapelle de Posieux (1924) et dans un vitrail historique de la cathédrale de Fribourg (1936).

➤ Visiter la principale place de Fribourg, qui porte son nom, égayée chaque année en juillet par le festival musical Les Georges.

➤ Se plonger dans son hagiographie, publiée en 1927 par le journaliste Pie Philipona, «Georges Python: 1856-1927», aux Editions Lumière.

Julien Burri