Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

lundi 3 octobre 2016

À la table de Louis XIV-Ducasse



Le chef multi-étoilé obtient la concession d'un restaurant gastronomique installé dans l'aile sud du château de Versailles. Majestueux !

En France, la table est un art, et l'art de la table est une culture. Un savoir-faire qui s'est construit au fil des siècles et qui a connu une apothéose aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les grandes lignes ont été tracées à Versailles, et on ne s'en est guère éloigné depuis. Mais la légende des repas de Louis XIV s'est un peu perdue dans les couloirs du temps. Alain Ducasse, le Roi-Soleil de la gastronomie française, a entrepris de la ressusciter et de la moderniser. Dans le cadre de la réhabilitation jamais achevée du château de Versailles, il a obtenu la concession d'un restaurant gastronomique au premier étage du Pavillon Dufour, l'aile de gauche (ou sud) de la cour d'honneur. Près de quatre ans de patience, de négociations, de travaux et de réflexion auront été nécessaires pour que le projet voie enfin le jour. Et les premiers couverts sont servis ces jours-ci.

Messieurs, à la viande du roi ! 

Le pavillon Dufour fraîchement restauré ajoute encore à la majesté du château de Versailles. © CHRISTIAN MILET Copyright 1999 Adobe Systems Incorporated


Disons-le d'emblée, c'est somptueux. Ducasse et ses équipes proposent un repas comme à la cour : le menu, le cadre, la vaisselle, la verrerie, le service et les maîtres d'hôtel participent à ce voyage dans le temps. "Messieurs, au couvert du roi ! Mesdames, au couvert de la reine !" invite le grand maître d'hôtel. Il précède les convives dans une enfilade de petits salons avant d'ouvrir la porte de la grande salle à manger au son d'un : "Messieurs, à la viande du roi !" Serveurs en livrée, perruques et souliers prennent alors soin du palais des invités. Un exemple de dîner : Oille (c'est-à-dire un potage) de fanes et herbes (ce soir-là, oseille et estragon) ; légumes au naturel, croquettes de grenouille oseille, langoustine au caviar et cèpe farci. Voici pour les entrées ! Suivent le relevé (du turbot à la hollandaise, un entremets (un exceptionnel pâté chaud au gibier), le rôst (une audacieuse poularde aux écrevisses) accompagné de petits entremets (tourte de tartoufle et truffe noire, ragoût de champignons sauvages et du pain aux abbatis). Une groseille à l'eau de rose annonce les desserts : un divin fontainebleau aux fraises des bois et bien entendu un Louis XIV, soit un gâteau au chocolat ! Je fais l'impasse sur les vins : ma seule concession aux hygiénistes qui sévissent un peu partout...

Alain Ducasse au château de Versailles, c’est l’art de vivre à la française 

On ressort ébloui de ces agapes : le cadre fait bien entendu beaucoup à la fête. Le ballet des officiers de bouche, la vue plongeante sur la cour royale et la grille d'honneur du château, les mets sortis des recueils de menus anciens datant des voyages du roi au château de Choisy en 1751, l'attention portée à chaque détail, la vaisselle de l'ancienne Manufacture royale de Limoges rééditée par Bernardaud, les verres de cristal dépareillés comme il était alors de mise... Mais aussi le goût avec lequel l'architecte Gilles Perrault a réhabilité ce bâtiment qui accueillait jusque récemment les bureaux des conservateurs, ainsi que celui de la présidente du château de Versailles.

L'installation d'Alain Ducasse aura failli être le dernier coup d'éclat de Catherine Pégard à la tête de l'établissement. Il sera finalement la première pierre de son second quinquennat, car l'ancienne journaliste vient d'être renouvelée dans ses fonctions par François Hollande. Galerie d'accueil de 2 700 m2, auditorium de 150 places, salles de séminaire, escalier extérieur, et donc salle de restaurant d'une bonne centaine de couverts avec sa cuisine creusée en sous-sol... La vieille aile Dufour s'est refait une jeunesse. « Alain Ducasse au château de Versailles, c'est l'art de vivre à la française, là où il contribue à faire la renommée de la France, mais partagé désormais avec nos visiteurs du monde entier », résume Catherine Pégard. Pour attirer une clientèle la plus large possible, et ne pas laisser les Versaillais de marbre, ce restaurant est ouvert du petit-déjeuner au dîner et offre également un "thé de la Reine Marie" ainsi qu'un menu pour les enfants.

JÉRÔME BÉGLÉ