La Suisse pourrait être amenée à verser intégralement les indemnités des travailleurs frontaliers qui perdent leur emploi selon les modalités et la couverture de l’assurance-chômage helvétique. C’est le nouveau lièvre européen soulevé par la NZZ am Sonntag dimanche. Le journal zurichois se penche sur les conséquences pour la Confédération d’un projet présenté mardi à Strasbourg, devant le parlement européen, par Marianne Thyssen. La commissaire aux Affaires sociales, et la Commission européenne avec elle, entendent mettre à jour les règles de coordination de la sécurité sociale en Europe; l’assurance chômage entre les Etats membres ou associés est directement concernée.
Potentiellement, le changement de régime pourrait toucher les 314 000 frontaliers qui viennent travailler chaque jour dans les cantons suisses. Actuellement, ces travailleurs cotisent à l’assurance-chômage helvétique, mais s’ils perdent leur emploi, c’est leur pays de résidence, la France par exemple, qui leur versera des indemnités, selon ses propres critères d’assurance. Avec une nuance et une contrepartie: la Confédération doit, selon la durée du contrat de travail, contribuer à hauteur de trois à cinq mois des indemnités de chômage versées par l’Etat de résidence, ceci pour compenser les contributions perçues sur les fiches de salaire suisses.
Système plus équitable
C’est cela que la Commission souhaite réformer afin de nouer «un lien plus étroit entre l'endroit où les contributions sont payées et celui où les allocations sont réclamées, pour s'assurer d'une répartition équitable de la charge entre les Etats membres». «Nous voulons que l’État membre dans lequel est actif le travailleur transfrontalier (depuis un an au moins, ndlr) et où il paie ses contributions sociales soit celui qui verse les prestations», a clairement expliqué Marianne Thyssen.
Certes la Suisse n’est pas membre de l’Union européenne et les décisions de la Commission ne s’appliquent pas automatiquement à l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Mais il fait peu de doutes que Bruxelles demandera à discuter des nouvelles règles en préparation au sein du comité mixte qui s’occupe de l’application de l’accord, anticipe la NZZ am Sonntag. D’autant que dans le cas des frontaliers, les dispositions revisitées sont financièrement intéressantes pour les voisins de la Suisse, à commencer par la France.
A contrario, un tel changement, s’il se mettait en place, entraînerait des coûts importants pour l’assurance-chômage, car le mécanisme actuel profite largement à la Suisse. L’hebdomadaire zurichois chiffre la facture à plusieurs centaines de millions: en 2015, a-t-il calculé, les travailleurs frontaliers ont versé 418 millions de francs dans le pot de l’assurance-chômage suisse, dont seuls 193 ont été reversés aux pays voisins; à elle seule, l’assurance chômage française estime verser 300 millions d’euros de plus chaque année que ce qu’elle reçoit de la Confédération.
Catherine Dubouloz