Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

dimanche 1 janvier 2017

Si Versailles m’était montré…







Monument essentiel du patrimoine national, le Château de Versailles est une des merveilles que tout Français devrait connaître et aimer. Incroyable concentré de tout ce que les arts ont créé durant un siècle et demi de splendeur royale, le palais des trois derniers Bourbons est à lui seul un résumé d’une partie de notre histoire. Voulu par Louis XIV comme une manifestation de puissance et de gloire, Versailles est notre bien commun. Chacun d’entre nous devrait s’y sentir chez lui, enraciné dans une civilisation, comme en tant d’autres lieux : Conques ou le Mont-Saint-Michel, Le Louvre ou Fontainebleau, le vignoble de Bourgogne ou les puys d’Auvergne.

Comme bien des pères de famille, j’y ai emmené mes enfants. J’ai voulu qu’ils reçoivent une leçon d‘histoire vivante. Qu’ils parcourent les jardins de Le Nôtre et comprennent que chaque bassin recèle des symboles cachés. Qu’ils découvrent, au détour des bosquets, l’Encelade, la Salle de Bal et le marbre rose de Trianon. Mais aussi qu’ils s’imprègnent de la beauté des lieux, qu’ils arpentent les parquets des salons ; qu’ils apprennent que la Galerie des Glaces est un hommage à la majesté de Louis XIV. Qu’ils se sentent, au retour, un peu plus Français qu’à l’aller.

La désillusion a été aussi cruelle que l’enthousiasme des enfants. Certes, nul n’ignore qu’en période de vacances scolaires l’affluence est plus forte qu’en d’autres temps. Mais la visite des appartements royaux s’est apparentée à un passage dans le métro parisien aux heures de pointe.




Après exactement deux heures de queue dans l’avant-cour, le passage dans le château a permis à mes fils de contempler quelques paires de fesses japonaises, la variété des voiles islamiques communément rencontrés dans les salons du Roi Soleil, nombre de casquettes, la manière dont on mâche le chewing-gum sur les cinq continents, et accessoirement un ou deux chefs-d’œuvre de Le Brun, au risque de se faire piétiner par une presse ininterrompue, ou, devrais-je dire, un troupeau de milliers de têtes et de pieds.

En résumé, ils n’ont rien vu. Et, après cette interminable queue, ils ont appris que les musées français fermaient à 17 heures avant même d’avoir pu recevoir quelques explications soigneusement préparées par leur père en vue de la visite.

Le succès de Versailles est la rançon de sa gloire. Que notre pays attire est un hommage à notre culture. Mais la culture justement se déguste, le goût se forme et ces choses-là s’apprennent. Traverser le palais au milieu d’une foule de plusieurs milliers de personnes est à l’histoire de France ce que Mc Donald est à la gastronomie. Parmi ces milliers de visiteurs – impossibles à évacuer en cas de d’incident ou d’attentat- combien savent où ils se trouvent ? Combien connaissent les trois derniers rois qui bâtirent ce château, y vécurent et l’embellirent jusqu’à 1789 ? Combien perçoivent ce que cette merveille comporte d’âme française ?






Les innombrables asiatiques qui s’y pressent semblent plus désireux de faire des selfies que de comprendre ce qu’ils y voient. Ils passent devant Le repas chez Simon sans rien en saisir, et ils ne sont pas les seuls. Les fresques relatant les hauts faits du règne de Louis XIV leur sont absolument étrangères. Le système de cour, essentiel en ces lieux, est un mystère impénétrable pour la plupart d’entre eux. Sans doute une frange très cultivée échappe-t-elle à la règle. Mais on sent surtout que ces hordes de touristes « font » Versailles comme ils « font » Notre-Dame, l’Arc de Triomphe ou Montmartre. Le tourisme de masse, les tour-opérateurs, les prix de groupe font de notre patrimoine un bien de consommation qui perd son âme.

À 15 € l’entrée, l’opération doit être extrêmement rentable et permet de financer les travaux pharaoniques d’entretien et de rénovation. Mais la question mérite d’être posée : Versailles, comme tant d’autres lieux, appartient-il aux Français, ou au tourisme mondial ? Parler d’identité nationale ne sert à rien si les hauts lieux de notre mémoire nous sont devenus inaccessibles.

François Teutsch