La référence aux années 30 pour alerter les Français sur les dangers du vote Front national est une manipulation grossière car, avec un minimum de culture et un brin de bonne foi, il est facile de démontrer l’inanité de cette analogie. Il est en revanche une autre période de l’Histoire de France qui n’est jamais évoquée dans le contexte actuel et qui pourtant offre à l’observateur perspicace et neutre des points de similitudes tout à fait frappants.
La France est fracturée en deux camps. Ce n’est ni une fracture ethnique, ni une fracture économique, ni encore moins une fracture générationnelle, c’est une fracture idéologique, plus précisément un schisme autour d’une base idéologique commune. Cette base commune est un subtil mélange des valeurs individuelles tirées de l’Evangile et des valeurs collectives léguées par les philosophes du siècle des Lumières. Le schisme c’est l’opposition entre les tenants de la doxa officielle qui aujourd’hui prônent un grand métissage culturel mondialisé et la destruction des États-nations, deux évolutions qui seraient le prolongement naturel et inévitable des Droits de l’Homme et leurs adversaires qui y voient leur dévoiement au profit d’une élite cosmopolite fondée sur l’argent.
Pour les schismatiques, l’antiracisme serait un prétexte au racisme anti-blanc, le métissage un prétexte pour diminuer les salaires et réduire l’homme à un consommateur de produits standardisés, la disparition des États-nations un prétexte pour remettre le pouvoir aux mains des multinationales, le féminisme un prétexte pour détruire la cellule familiale, etc.
Cette confrontation idéologique radicale oppose deux camps aux forces très inégales. Le pouvoir politique, la presse, le patronat, les syndicats, le monde associatif, les artistes sont dans le camp dit « progressiste ». Une poignée de tribuns, quelques élus politiques sont dans le camp dit « réactionnaire ». Néanmoins, ce sont ces derniers qui ont le vent en poupe dans l’opinion publique, non seulement en France mais dans toute l’Europe. Déjà, un tiers des Français majoritairement parmi ceux qui estiment qu’ils n’ont plus rien à perdre ont déjà franchi le Rubicon et un autre tiers voudrait bien en faire autant mais n’ose pas encore, terrifié par les conséquences d’une excommunication sociale. Car effectivement, pour faire barrage au camp schismatique, les médias présentent systématiquement ses sympathisants comme des racistes et des ignares dans le but de susciter à leur encontre un dégoût synonyme de mort sociale. À quelques mois des élections, cet encouragement à la haine collective monte d’un cran et atteint un niveau que la France avait rarement connu dans son Histoire, à quatre reprises exactement, en 1944 à la Libération, en septembre 1792, à l’été de 1572 et au cours des années 1410-1430.
Puisque l’establishment ne fait pas secret qu’une défaite électorale serait une catastrophe, que pour l’éviter, tous les moyens sont permis y compris des moyens immoraux et que le Traité de Lisbonne est là pour nous rappeler sa détermination et son absence de scrupules ; puisque le jeune Macron sera vraisemblablement élu mais sans majorité et que le Front national a de fortes chances par une présence massive de faire de la future Assemblée une chambre ingouvernable, alors il ne manque plus qu’un volontaire pour jouer le rôle de l’Amiral de Coligny victime d’une [vraie ou fausse peu importe] tentative d’assassinat, pour réunir l’été prochain toutes les conditions d’une Saint-Barthélemy des patriotes.
Christophe Servan