Le problème semble évident et commence à surgir ces derniers jours : la stratégie de dédiabolisation initiée par Florian Philippot s’est, en réalité, traduite par une politique économique de gauche qui a miné le Front national. Tout le monde était conscient de la nécessité de polir une image bien ancrée, suite aux nombreuses frasques du prédécesseur de Marine Le Pen : son paternel. De nouveaux visages, une communication bien rodée, l’éviction de militants haineux et sans intérêt : la stratégie était bonne et semblait fonctionner, pourquoi l’avoir gâchée avec un positionnement économique à l’encontre des valeurs de la droite ?
Durant des mois, la sortie de l’Union européenne et le retour au franc sont devenus le cheval de bataille de la campagne frontiste, un sujet que Marine Le Pen et Florian Philippot n’ont eu de cesse de revendiquer et défendre, face à des médias ravis, car conscients du non-intérêt de l’électorat acquis à Marine Le Pen pour cette question. Ce n’est un secret pour personne : la grande majorité du vote Front national a pour motivations les questions régaliennes et migratoires, les électeurs voient en ce parti l’occasion de retrouver un patriotisme et une identité bafouée depuis trop d’années ; l’économie, quant à elle, ne vient qu’au second plan.
Malgré tout, la gouvernance du parti s’entête et, après un léger changement de position sur la monnaie, se sert de cette question de l’Union européenne pour draguer les électeurs de Mélenchon. L’occasion ne se trouvait pas là, mais bien chez les électeurs de droite, notamment ceux de Fillon, majoritairement libéraux économiquement mais désireux d’une politique sécuritaire, migratoire et judiciaire forte, que ne leur offrait pas Emmanuel Macron.
La défaite est cinglante, difficile à encaisser, mais le Front national a tout de même passé un cap : un tel score était encore impensable il y a quelques années, preuve que malgré l’acharnement médiatique de journalistes qui ont oublié la définition et l’essence même de leur métier, la pensée du peuple évolue. Marine Le Pen l’a clairement dit : ce résultat doit conduire à des réformes structurelles du parti – un changement de nom tout d’abord -, mais surtout un changement de cap. Le courage politique de Nicolas Dupont-Aignan devrait pourtant aiguiller les dirigeants frontistes, son soutien à Marine Le Pen est la preuve la plus concrète que le paysage politique se fracture, les barrières commencent à tomber, le Front national doit saisir cette occasion et se montrer à la hauteur en optant pour une politique économique fidèle aux principes de la « droite » au sens large, européenne, plus libérale et tournée vers les entreprises, afin de briser les barrières qui cantonnent le parti à un rôle contestataire majeur, sans pouvoir de décision. La marche est encore haute, mais si le Front national fait les bons choix, il pourra être au cœur d’une nouvelle union des droites qui pèsera dans les années à venir.
Valentin Juhel