De Rechthalten (Dirlaret) & Sankt Ursen (St-Ours), Canton de Fribourg (en Nuitonie), Suisse
vendredi 10 novembre 2017
Vers la fin de la corrida en France ?
La SPA française a annoncé le 9 novembre avoir déposé une plainte au Tribunal de grande instance de Paris visant la corrida, pour «sévices graves et actes de cruauté», afin de répondre aux attentes de la société concernant le respect de la sensibilité animale.
Une guerre sanglante se prépare dans les arènes... des tribunaux. Le 9 novembre, la Société protectrice des animaux (SPA) a annoncé lors d'une conférence de presse qu’elle avait porté plainte contre X «pour sévices graves et actes de cruauté envers les animaux» pour dénoncer ce qui se passe durant les corridas devant le Tribunal de grande instance de Paris. Selon le communiqué publié ce même jour, elle vise «les toreros, les sociétés organisatrices de spectacles de corridas, et les municipalités qui les autorisent». La SPA entend «inciter les pouvoirs publics à modifier la législation pour répondre aux attentes fortes de la société en matière de respect de la sensibilité des animaux».
Pour la SPA, cette initiative n'est que le début d’une série d’actions judiciaires. La première association de protection animale, créée en 1845, s’attaquera ensuite à d’autres volets comme l’exploitation des animaux dans les cirques, la chasse à courre, la fourrure, les conditions d’abattage ou encore l’expérimentation animale. La SPA a annoncé qu’après sa plainte contre X, elle déposerait une plainte contre chacun des organisateurs des 300 corridas annuelles.
La SPA invoque la loi contre la torture animale
La tauromachie divise fortement les Français, qui en appellent à la tradition ou qui s'horrifient d'un spectacle jugé barbare. En France, 300 corridas sont actuellement organisées chaque année, tandis que 250 000 taureaux sont tués chaque année dans le monde pour perpétuer cette tradition d’origine espagnole. De nombreuses actions militantes sont régulièrement organisées pour demander l'abolition de la tauromachie, comme dans le centre de Madrid en juillet dernier.
Contacté par RT France, le service communication de l’association explique : «On est passé par tous les autres biais pour lutter contre la corrida, comme les pétitions. Mais en passant par les voies juridiques on espère avoir plus d’impact.»
Pour combattre cette pratique, l’association de défense des droits des animaux s’appuie sur une disposition du code pénal, l’article l’article 521-1, qui prévoit une peine maximale de deux ans de prison pour actes de cruauté envers les animaux et 30 000 euros d’amende. Cependant, cette loi mentionne plusieurs exceptions – dont la corrida. En effet, selon le texte, ces dispositions «ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée».
«La SPA conteste l’interprétation de ce texte. «La loi française interdit les sévices graves et les actes de cruauté sauf pour la corrida lorsqu’il s’agit d’une tradition locale ininterrompue : cette définition a déjà été contestée devant les tribunaux sans succès», explique Natacha Harry, présidente bénévole de la SPA interrogée par RT. «Nous tentons une autre approche liée à la définition même de la corrida, car loi parle de course de taureaux, ce qui n’implique pas forcément le supplice et la mise à mort de l’animal comme c’est le cas pour la corrida», ajoute-t-elle.
Une improbable interdiction mais une évolution possible du droit ?
Cette interprétation est contestée par Dominique Valmary, le président d’une fédération qui regroupe 80 sociétés taurines françaises (FSTF). Interviewé par le quotidien 20 minutes, il explique : «Le mot course n’est rien d’autre que la traduction de l’espagnol "corrida" : s’ils n’ont que ça comme argument, on va bien se marrer.» Pour l'heure, les défenseurs de la corrida se montrent donc confiants, d'autant que l'interprétation de l'article 521 a toujours exclu la corrida des tortures animales.
Qu'en est-il d'une possible évolution du droit ? Interrogé par Le Monde, Jean-Marc Neumann, juriste au barreau de Strasbourg et vice-président de la Fondation Droit animal, éthique et sciences, se montre plus que réservé quant à une évolution de la jurisprudence. «Ils ne vont pas créer de nouvelles règles pour défendre les animaux, d’autant qu’ils n’ont pas, le plus souvent, de sensibilité particulière ni de formation à cette problématique», avance-t-il.
Reste alors la voie législative et le vote éventuel d'un texte interdisant nommément la corrida. Il ne semble pas qu'un projet de loi en ce sens soit à l'étude, même si le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot s'est dit en faveur d'une réouverture du débat. A titre personnel, le ministre est d'ailleurs opposé à cette pratique. «Je ne vais pas changer d'avis parce que je suis ministre : je ne suis pas pour la corrida», rappelait-il le 23 juin dernier sur BFM TV.