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dimanche 28 janvier 2018

Banque Nationale Suisse: grande spéculatrice devant l’éternel




La Banque Nationale Suisse (BNS) n’est pas que la banque centrale helvétique. Elle est également de facto un des gérants de fonds les plus importants au monde car elle gère un portefeuille de 800 milliards de dollars lui ayant fait gagné l’an dernier l’équivalent à 8% du P.I.B. Suisse, soit 55 milliards de dollars ! Proportion faramineuse qui, rapportée à l’économie des Etats-Unis, impliquerait une somme de 1’500 milliards de dollars théoriquement gérée par la Réserve fédérale qui – en dépit d’un P.I.B. américain 27 fois plus élevé que la Suisse– n’a gagné que le double de la BNS…

La banque centrale suisse s’avère donc une entreprise extrêmement profitable puisqu’elle a gagné en 2017 – à elle seule – autant qu’Apple, JP Morgan Chase et Berkshire Hathaway (Warren Buffet) réunis. Elle ne sera pourtant pas en mesure de réaliser ces bénéfices – condamnés à rester de simples chiffres sur un bilan- car la BNS est en réalité prise à son propre piège. En effet, contrairement à toutes les autres banques centrales de nations aux économies modernes et intégrées, le bilan de la BNS est quasi-entièrement composé d’actifs non helvétiques, et donc libellés en monnaies étrangères. En effet, tandis que la Fed, que la BCE et que la Banque du Japon sont détentrices d’un portefeuille certes également gigantesque mais constitué d’obligations exprimées en leur propre devise nationale, la politique volontariste d’affaiblissement du franc suisse a forcé la BNS à investir de plus en plus de réserves partout sauf dans son propre pays.

Ce faisant, la banque centrale s’est doublement mise à la merci des marchés financiers. Un décrochage boursier affectera fondamentalement son bilan à l’instar de n’importe quel autre spéculateur, sachant qu’elle est condamnée d’autre part à ne jamais prendre ses profits car ceci nuira foncièrement aux exportations et donc à l’économie suisse par appréciation du franc interposée. La BNS est donc coincée et ne pourra pas de sitôt vendre son stock massif d’actions Apple qui se monte à 3 milliards de dollars, ou celui de Facebook de 1.5 milliards. Pourtant, après ses pertes gigantesques de 30 milliards de dollars subies en 2015, les citoyens suisses seraient en droit de profiter d’une partie au moins des bénéfices enregistrés en 2017. Cet établissement étonne en effet par l’inconsistance de ses décisions qui engagent le sort et l’économie de toute une nation, comme par l’excessive volatilité de ses résultats comparables aux moins fiables des « hedge fund ».

La décision, prise unilatéralement il y a tout juste deux ans, d’abandonner le cours plancher de l’euro par rapport au franc s’avère après coup une entreprise fort hasardeuse, quasiment un coup de poker en réalité. Elle l’a effectivement conduit à se lancer dans des ventes frénétiques de francs suisses et d’acquisitions de toutes sortes d’actifs étrangers ayant gonflé son bilan pour atteindre la surface contre-nature d’aujourd’hui. Une défense déterminée du cours plancher – qui aurait certes tout autant gonflé son bilan- aurait néanmoins présenté l’avantage de la rendre moins vulnérable aux aléas des marchés financiers mondiaux. En outre, le système bancaire, comme les épargnants du pays, n’auraient pas eu à subir le très lourd fardeau des taux d’intérêt négatifs toujours en vigueur aujourd’hui. Ne nous fions donc pas à ces résultats de la Banque Nationale Suisse qui ne sont qu’un miroir aux alouettes.

Michel Santi