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lundi 12 février 2018

Le carnaval des Bolzes et le Rababou


Le Carnaval des Bolzes est le nom donné au carnaval de la ville de Fribourg, en Suisse. Les Bolzes sont les habitants de la basse ville de Fribourg, du quartier de l'Auge, historiquement un quartier populaire à majorité germanophone (alors que la ville compte une majorité de francophones). Selon un organisateur du carnaval, cette fête date du Moyen Âge, de la fête des corporations. Les festivités s'étendaient alors de l'épiphanie au début du carême. Le carnaval a donc une longue tradition en basse-ville de Fribourg.



Officiellement initié par trois habitants de la vieille ville de Fribourg, le but était de faire renaître le carnaval à Fribourg, alors en perte de vitesse.

Le carnaval des Bolzes commence officiellement le vendredi précédent mardi gras par la remise de la clé du carnaval par le syndic au président du carnaval. Le cortège du dimanche après-midi est la partie principale du carnaval, qui se conclut par le procès et la mise à mort du Grand Rababou. Les chars, tirés par des tracteurs ou des Jeeps, sont suivis par leurs créateurs déguisés. Les groupes de Guggenmusik défilent parmi les chars. Les chars sont créés par des équipes d'amis, des sociétés ou des clubs. La décoration du char et les costumes sont unis par un thème.

Les chars se veulent souvent satiriques. En 2005, un «Post-Shop» ambulant distribuait fruits et légumes au public, se moquant ainsi de la «reconversion» de La Poste en magasin. Certains groupes bien équipés tirent au canon à confetti, projetant en l'air des kilos de morceaux de papier multicolores.

Hou, Hou Rababou !

Le cortège s'achève jusqu'en 2015, sur la place du Petit-St-Jean, épicentre du carnaval, où a lieu le procès du grand Rababou, suivi de sa mise à mort. Le Rababou symbolisait autrefois le rababouêt, ou voleur de bois. Aujourd'hui, on l'appelle volontiers le «Bonhomme Hiver». Cette poupée grimaçante est rendue coupable de tous les maux.

Le Rababou est désormais depuis 2016, brûlé à la Planche Supérieure, dans le quartier de la Neuveville pour des raisons de sécurité.

Signification : plus il brûle vite et plus l'été sera chaud et l'hiver court. Si au contraire, il met du temps à brûlé; l'hiver persistera et l'été sera court.


Mardi c'est le cortège des enfants avec ensuite, le procès et la mise à mort du Petit Rababou à la Planche Supérieure.

Les festivités nocturnes s'étendent du vendredi au mardi soir. Le mardi est le soir le plus fréquenté et de nombreux carnavaliers ont l'habitude de prendre congé le lendemain. Particularité du carnaval fribourgeois, les habitants de la Place du Petit-St-Jean ouvrent leurs caves au public, qui deviennent autant de bars éphémères.

Né de la création de la Confrérie des Carnavaliers Bolzes, cette manifestation est l’héritage d’une tradition païenne, puis chrétienne. Pour comprendre comment, de nos jours, les rues de Fribourg se remplissent de milliers de confettis, il est utile de rappeler les origines du carnaval depuis ses premières joutes festives.



Étymologiquement, le terme carnaval provient du latin. Nous pourrions croire qu’il n’existe qu’un seul sens. Pourtant, ce mot comprend bien deux idées totalement opposées qui se sont succédées dans le temps. En effet, d’un côté il est associé à la notion de privation, de retenue, d’interdit ; de l’autre, il s’agit en fait de se remplir la panse, de boire à outrance, en résumé de faire preuve d’épicurisme. Rappelons qu’aux premières heures, cette fête était une tradition païenne. Effectivement, les Romains célébraient le dieu Saturne, protecteur des semailles et de la vigne. Passés de trois jours sous Jules César à sept sous Dioclétien, les Saturnales plongeaient Rome dans l’effervescence et bouleversaient l’ordre social, si bien que les esclaves étaient servis par leur maître.

Avec le carnaval, c’est la fin de l’hiver qui est célébrée. Et pour marquer le coup, chaque manifestation met à mort son bonhomme hiver. Fribourg ne déroge pas à la règle, puisque le Grand Rababou est brûlé sur la place publique. On estime que le Carnaval des Bolzes est né au Moyen-Âge, mais rien ne le prouve encore à l’heure actuelle. C’est en 1968 que voit le jour le carnaval fribourgeois que l’on connaît. Trois habitants de la vieille ville ont fondé une société en ce sens. La Confrérie des Carnavaliers Bolzes avait pour but de redonner un souffle nouveau à cette fête de Fribourg, mais aussi d’interpeler les autorités de l’existence du quartier de l’Auge.

Étant donné la pauvreté des habitants de la Basse-Ville à l’époque, les costumes étaient rudimentaires, mais pour le moins ingénieux. Des sacs, des bas et autres accessoires servaient à rendre celui qui se déguisait en bel affreux. Des poussettes étaient également utilisées afin d’enlever l’une ou l’autre personne de la Haute-Ville afin de l’amener dans un carnotzet pour payer la tournée.

En 1975, la Confrérie des Carnavaliers Bolzes décida de collaborer avec le quartier de la Neuveville, francophone, alors que celui de l’Auge était majoritairement germanophone. Entre ces deux quartiers, il y a toujours eu rivalités et tensions. On ne peut en douter quand on sait que l’une des raisons de ce conflit était l’attrait des jeunes hommes germanophones pour les demoiselles francophones…

Depuis, le carnaval reste le même que celui que l’on connaît aujourd’hui dans les rues de la Basse-Ville de Fribourg. Du jeudi au mardi, des milliers de gens se rassemblent pour fêter la mise à mort du Grand Rababou. De plus nombreux encore se retrouvent pour faire le tour des caves spécialement ouvertes. C’est aussi l’occasion pour le Carnaval des Bolzes de vibrer au son des guggenmusik sous des pluies de confettis. Alors, qu’attendez-vous ? Revêtez vos plus beaux costumes, tels que pingouin, nounours ou autre clown et descendez en direction du quartier de l’Auge !

Rencontre avec le faiseur de Rababou 

Comme chaque année lors du Carnaval des Bolzes, le Grand Rababou a brûlé sur la Place du Petit-Saint-Jean en Basse-Ville. Tenu responsable de tous les maux depuis plus de quarante ans, il est, immanquablement, condamné au bûcher sous les huées de la foule. Mais qui est donc ce mystérieux personnage ? Rencontre avec Marcel Kessler, l’homme qui, vingt ans durant, a confectionné le Grand Rababou.


Perché au sommet du Stalden, Marcel Kessler contemple le quartier de l’Auge et regarde passer les innombrables enfants qui remontent de la Place du Petit-Saint-Jean, encore tout excités du spectacle flamboyant auquel ils viennent d’assister. Une heure plus tôt à peine, le Grand Rababou a, comme chaque année, réchauffé la foule descendue en Basse-Ville à l’occasion du carnaval. Et comme chaque année, sous les huées du peuple, il a été tenu pour responsable de tous les maux du quartier.

Pourtant, le personnage originel du Rababou n’a pratiquement rien à voir avec cette espèce de Bonhomme-Hiver fribourgeois. Dans la Brasserie du Belvédère prise d’assaut par les carnavaliers, Marcel Kessler raconte. « Le Rababou, ça vient du patois. Au départ, c’est un voleur de bois. A l’époque, en Basse-Ville, tout le monde chauffait au bois, même encore dans ma jeunesse ! Mais du bois mort, il n’y en avait pas beaucoup. Alors, il y avait ces histoires du Rababou qui allait voler du bois dans les forêts de la Vallée du Gottéron, qui appartenaient aux riches de la Haute ».

Dans les années cinquante, soit bien avant que le carnaval n’existe en Basse-Ville, le Rababou ne chaparde plus du bois, mais pourchasse les passants. Ce sont les enfants de l’Auge, masqués et équipés de poussettes, qui poursuivent les filles et les promeneurs tout au long du Carême. Mais avec le temps, le Carnaval finira par se démocratiser, s’urbaniser, et les Rababous se civiliser. On finira par en faire ce souffre-douleur envoyé au bûcher chaque année. Pour Hubert Audriaz, habitant presque légendaire du Quartier de l’Auge, on ne devrait pas brûler le Rababou. « Bien sûr, c’est devenu un tradition. Mais moi, mon Rababou à moi, c’est bien les pauvres gamins du quartier de l’Auge ! ».

Malgré tout, la mise à mort du Rababou est devenu un véritable rite fribourgeois. « A partir du moment où le Carnaval est devenu une vraie fête organisée (ndlr : fin des années soixante), on « jugeait » le Rababou sur la place, mais d’office il était condamné à mort : il était est devenu un emblème, le souffre-douleur de tout ce qui se passait », expose Marcel Kessler. L’exécution du Rababou prend dès lors une portée symbolique. En 1979, avec l’apparition des feux rouges en ville, le Rababou brûla, emportant un feu rouge dans l’au-delà. Un an plus tard, Fribourg-Gottéron monte en première division: c’est alors un Rababou hockeyeur qui surgit. Autant de pieds de nez ou de clins d’œil signés Marcel Kessler.

Car c’est cet homme qui s’est chargé de la confection du Grand Rababou durant près de vingt ans. A chaque fois, deux mois de travail, avec du matériel récupéré un peu partout. « La seule chose que je ne faisais pas moi-même, ce sont les pétards. La paille de bois, je la récupérais chez le vitrier. J’avais des petits arrangements avec plein de gens du quartier pour trouver le matériel dont j’avais besoin ».

Nostalgique du passé si particulier du Quartier de l’Auge, c’est toute une époque qui revit lorsqu’on écoute ses récits. Quand il évoque le carnaval, le mot épopée revient sans cesse aux lèvres de ce vrai Bolze, qui est né et a vécu dans ce même quartier pendant plus de cinquante ans. Et même s’il a désormais quitté l’Auge, il reste très attaché à ses racines, son patois et cet univers si particulier de la Basse-Ville. Ses anecdotes sur le quartier et le Grand Rababou semblent infinies.

« Ce qui intéressait le plus les gens à l’époque, c’était le nombre de pétards que j’avais mis », se souvient-il tout sourire. « Du coup, chaque année j’en mettais plus ! Surtout dans la tête et le chapeau, pour que le final soit une grosse explosion. Mais bon, maintenant, ils peuvent plus en mettre autant. Faut dire qu’on a eu quelques sueurs froides avec ce Rababou ». Il se rappelle d’une année où la robe brûlante du Rababou s’était envolée avec la chaleur, et avait atterri à un mètre à peine d’une lucarne ouverte. Ou encore de la tête du Rababou qui s’écroule, ou d’une fusée qui n’était pas partie vers le ciel, mais avait foncé dans la foule… « Quand on a vu que ça pouvait être dangereux, j’ai demandé qu’on m’installe une vraie perche solide sur la place. Et qu’est-ce qu’on découvre précisément à l’endroit où j’avais dessiné ma croix ? Un crâne humain. Au final, ce n’était rien, juste une vieille tombe. Mais qu’est-ce qu’on a ri en découvrant ça ! ».

Une véritable fierté transparaît lorsque Marcel Kessler parle de « son » carnaval, qui a permis à son quartier de sortir de l’ombre. Un événement qu’il incarne mieux que quiconque, lui, père du symbole indémodable qu’est le Grand Rababou. Toutefois, inévitablement, la nostalgie d’un quartier unique et d’une époque déjà lointaine resurgit au moment de se quitter. « Vous savez, l’âge d’or du carnaval est passé depuis longtemps. Ça fait des années que je n’y viens plus. Je ne connais plus personne en bas, pas même les cafetiers ! ».

Egger Ph.