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mardi 4 septembre 2018

Le vote contre l’heure d’hiver en Europe est biaisé par les Allemands


Le dessin de Herrmann dans la «Tribune de Genève», paru le 1er septembre 2018.
Tdg.ch


En ligne, sur les 4,6 millions d’internautes qui se sont prononcés pour une «heure d’été éternelle», il y avait 3 millions de citoyens d’outre-Rhin. Le moment où les eurosceptiques diront que Bruxelles est aux ordres de Berlin n’est à nouveau plus très loin.

Bruxelles vient donc proposer la fin du changement d’heure dans l’Union européenne, objet d’une controverse permanente, en s’appuyant notamment sur une consultation publique menée cet été. Et comme par hasard, la proposition a été immédiatement soutenue par Angela Merkel, qui y voit une «très grande priorité». «Des millions de personnes ont répondu et sont d’avis qu’à l’avenir, c’est l’heure d’été qui devrait être tout le temps la règle, et nous allons réaliser cela», a expliqué vendredi 31 août le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, à la chaîne de télévision allemande ZDF.

Moins d’enthousiasme, par contre, du côté de Rome, se plaît à relever Russia Today, où le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, membre de la Ligue a déclaré: «Je n’ai pas de mots, les Italiens paient des milliards pour changer les aiguilles d’une horloge…», a-t-il tweeté. «Nous aborderons sérieusement la question de l’abolition de l’heure d’été, mais seulement lorsque l’UE fera face aux défis plus importants. C’est triste, l’Europe de Juncker», a pour sa part commenté l’eurodéputé Ignazio Corrao, du Mouvement 5 étoiles, l’autre parti de la coalition gouvernementale italienne.

Au cas où l’UE adoptait finalement cette «heure d’été éternelle», la Suisse serait évidemment obligée de suivre, et de nouveaux atermoiements similaires à ceux exprimés par le peuple lors de la votation fédérale de 1978 ne seraient aujourd’hui plus guère envisageables, vu les complications constatées au début des années 1980, lorsqu’il était midi à Genève et 13h à Annemasse…

S’il fallait encore une preuve de l’instrumentalisation politique du changement d’heure saisonnier, la voici. Ce samedi, le nouveau correspondant à Paris des quotidiens de Tamedia s’est étranglé dans la Tribune de Genève, considérant que «Juncker insulte la démocratie». Ce sont ces prétendus «millions de personnes» qui l’ont fait sortir de ses gonds dans un éditorial au vitriol: «Quelle hypocrisie! Quelle désinvolture envers le citoyen! Arrêtons le ridicule: on parle ici d’une pseudo-consultation menée au creux de l’été et qui a touché 4,6 millions d’internautes, soit 0,9% de la population européenne…»

«Folklorique»

Selon Alain Rebetez, «présenter l’opération comme une participation citoyenne à la prise de décision est grotesque. Car la démocratie est exigeante: elle requiert des débats, des citoyens informés, des procédures de vote non manipulables et contraignantes.» Et de tempérer tout de même: «Bien sûr, la question de l’heure d’été est folklorique et l’on est tenté d’en rire. Mais Jean-Claude Juncker est à la tête d’une importante institution censée protéger les principes fondamentaux de la démocratie. S’en souvient-il encore?»

A vrai dire, depuis plus de deux ans, le président Juncker est si critiqué qu’il est permis de croire à un nouveau prétexte pour l’attaquer directement, lui et la bureaucratie européenne. Mais en attendant, une chose est sûre: ce fichu changement d’heure, au fil des années qui passent, est de plus en plus controversé. Le Monde, par exemple, énumère ses défauts: c’est «un système non universel et peu compréhensible»; les gains énergétiques qui étaient censés en résulter sont «peu probants»; il faut constater des «résultats contradictoires sur les accidents de la route»; enfin, les «conséquences sur la santé» des hommes demeurent très discutées.

Bref, chaque Etat membre restant libre d’adopter l’heure qui lui convient et le Parlement européen devant encore approuver cette directive, on n’a pas fini d’en parler! «Il faut toutefois s’attendre à une tentative d’harmonisation entre les pays. Et surtout prendre son mal en patience, car le processus législatif européen est long et cela peut demander plusieurs mois…», lit-on dans Le Journal du Geek. Car il y a de bons arguments pour conserver l’heure d’été toute l’année, mais il y a aussi des contre-arguments. Comme celui de la RTBF, qui prévient: «Ça signifie que le soleil ne se lèvera qu’après 9h en hiver.» En Belgique, du moins, et à 9h41 au solstice d’hiver. Gloups.

En réalité, ce qui cloche dans cette histoire est à chercher en Allemagne. Et c’est Die Presse, à Vienne, qui met le doigt dessus, relayée par Courrier international: «La consultation européenne sur le maintien ou l’abandon du changement d’heure cache un potentiel explosif.» Car Jean-Claude Juncker «n’a pas vraiment eu le choix», estime – moqueur – ce quotidien. «Une réponse politique était devenue inévitable» à cause de l’énorme succès de la consultation, notamment… outre-Rhin. Sur les fameux 4,6 millions de votants en ligne, il y aurait environ 3 millions d’Allemands. Qui ont donc «pesé lourd dans les 80% des personnes s’étant prononcées contre le changement d’heure».



«Ce déséquilibre est politiquement délicat», puisque, en Autriche, par exemple, «on a voté pour le maintien du changement d’heure». C’est d’ailleurs dû à cette évidence crasse: «En Europe de l’Ouest, le soleil se couche plus tard qu’à l’est. Là où la nuit tombe plus tard, le changement d’heure automnale est moins déprimant et son abandon moins urgent. Résultat: Jean-Claude Juncker risque de provoquer des levées de boucliers paneuropéens contre l’initiative subitement estampillée allemande.»

Pour les «pros de l’apéro»

Pas si anecdotique que cela, donc, ce changement d’heure, qui a une signification évidemment très différente si l’on se trouve au nord de la Suède ou au sud de l’Espagne! D’ailleurs, Europe 1 sourit en écrivant que «les gagnants de l’heure d’été se trouveraient […] du côté des brasseries, des restaurants ou encore des bars bénéficiant de terrasses mais aussi… du côté des fêtards et des pros de l’apéro qui disposeraient de lumière naturelle supplémentaire pour lever le coude. Mais les sportifs et notamment ceux pratiquant à l’extérieur profiteraient aussi de ces soirées plus lumineuses.»

De même, «le secteur agricole peste chaque année contre le changement d’heure, plus particulièrement les éleveurs. Certains soins à donner à heures fixes se retrouvent perturbés. Dans la production laitière, les traites ayant aussi lieu à horaires réguliers, des baisses de rendement sont observées au cours de la phase de transition.»

«Une semaine pour s’en remettre»

Sans compter les éternels «à chaque fois, il faut une semaine pour s’en remettre»…, exprimés par les internautes de 20 minutes France qui, «chaque année et par deux fois», se trouvent «complètement décalés, perdus. Quand on perd ou gagne une heure, il faut une semaine pour s’en remettre. Surtout pour les enfants qui ne comprennent pas trop pourquoi l’horloge change. Le sommeil si précieux subit un déréglage très mauvais.»

Olivier Perrin