Un frontalier n'a pas toujours droit à une indemnité chômage en Suisse en cas de perte temporaire de travail. Le Tribunal fédéral a rejeté un recours du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) dans le cas d'une Italienne employée en saison dans l'hôtellerie-restauration.
Le chômage des frontaliers est une pomme de discorde récurrente des relations entre la Suisse et ses voisins européens. Lundi, le Tribunal fédéral a pris une décision qui fera jurisprudence pour une partie des frontaliers ayant subi une perte de travail temporaire ou une réduction de leur horaire de travail.
Le cas porte sur une frontalière italienne qui travaillait pour des périodes déterminées durant les saisons d'été et d'hiver au Tessin auprès du même employeur actif dans l’hôtellerie-restauration. D'avril à fin octobre 2016, elle a été employée à 100%. Début novembre, elle a signé un nouveau contrat avec le même employeur valable jusqu'à fin mars 2017 pour un poste à 50%.
Quelques semaines auparavant, elle s'était inscrite auprès de sa caisse de chômage en Suisse afin de trouver un emploi à plein temps et toucher une indemnité de chômage dès le 1er novembre 2016. La caisse a refusé sa demande, décision qui a été confirmée par le Tribunal des assurances du canton du Tessin.
Le SECO a alors contesté ce jugement devant le Tribunal fédéral. Dans l’arrêt publié lundi, celui-ci rappelle que ce litige relève de l'accord bilatéral entre la Suisse et l'UE sur la libre circulation des personnes.
Législation européenne
Or la législation européenne prévoit qu’en cas de réduction d'horaire ou d'interruption temporaire de l'activité, c’est l'assurance de l’Etat où travaille la personne qui couvre les prestations. En cas de chômage complet, c’est en revanche l'assurance chômage du pays de résidence qui est responsable du versement des indemnités.
Selon la législation européenne, il y a réduction de l'horaire de travail lorsque la personne continue d'être employée par la même entreprise et qu'elle ne travaille temporairement pas. En revanche, il y a chômage complet si le contrat de travail a expiré ou qu'il a été résilié.
En l'espèce, la frontalière avait travaillé sans interruption pour le même employeur tessinois. Cependant, elle n'était liée à ce dernier que par des contrats à durée limitée. Lors de son inscription auprès de la caisse suisse, elle ignorait si elle pourrait continuer à travailler auprès de ce patron après octobre 2016. C'est donc à raison que la caisse l'a considérée comme étant au chômage complet et l'a renvoyée auprès de l'assurance chômage de son pays, a jugé le Tribunal fédéral.
Les choses pourraient toutefois changer prochainement. Une nouvelle directive européenne adoptée cet été prévoit que le chômage des frontaliers européens soit à l’avenir pris en charge par le pays où ils travaillent, et non plus où ils résident. Une réforme qui pourrait coûter cher - jusqu’à un milliard de francs selon certaines estimations - à la Suisse. Pour l’heure, la Suisse ne reverse qu'une faible part (de 3 à 5 mois) des cotisations perçues sur les salaires des frontaliers à ses voisins européens.
Porte ouverte dans les ORP suisses
Depuis 2012, les chômeurs frontaliers ont le droit d’être suivis par les Offices régionaux de placement (ORP) helvétiques. C’est le règlement européen de coordination des assurances sociales qui le permet, mais uniquement à «titre complémentaire». En clair, un demandeur d’emploi domicilié en France ou en Italie devra obligatoirement être inscrit auprès de l’assurance-chômage de son pays de domicile, où il touchera ses indemnités, tout en ayant la possibilité d’accéder en parallèle aux annonces des ORP suisses.
Au total, 312'325 frontaliers étaient employés en Suisse fin septembre 2018, soit 2859 de moins qu'à la même période de l’an dernier, selon l'Office fédéral de la statistique.
Samuel Jaberg