Des traces de pesticides toxiques pour les abeilles ont été détectées dans 75% du miel produit dans le monde entier
En 2017, leur première étude sur la présence de néonicotinoïdes dans le miel avait eu un écho mondial qui s'est matérialisé par une publication dans la revue Science. Les chercheurs de l'Université de Neuchâtel viennent d'en remettre une couche: ces molécules ont une longue stabilité leur permettant de perdurer pendant au moins trois ans et demi dans le miel. Ces résultats viennent d'être publiés dans la revue scientifique «Environmental Pollution». «Si ces substances sont rapportées à la ruche avec le nectar, cela signifie que la colonie, y compris la reine, est exposée durant toute une vie aux neurotoxiques», s'inquiète Blaise Mulhauser, directeur du Jardin botanique de la Ville de Neuchâtel. Son inquiétude est partagée par Edward Mitchell, professeur de biologie et co-auteur de l’étude. «Bien que pour l’instant seuls quelques échantillons analysés dépassaient les normes en vigueur pour la consommation, nous ne savons pas encore quel impact ces substances ont sur la santé humaine à long terme», a-t-il indiqué.
Santé des abeilles affectée
L'étude neuchâteloise a réussi à détecter une concentration de 2 picogrammes de substance par gramme de matière. «C'est l’équivalent de la masse d’une pièce de 5 centimes dans une masse égale à neuf fois celle de la tour Eiffel», a fait remarquer l'UniNE mardi. Ce degré de précision et de sensibilité jusqu’à 1000 fois supérieur aux méthodes utilisées précédemment a permis de mieux détailler les niveaux de pesticides présents dans l’environnement. «Les taux maximaux autorisés pour la consommation humaine sont de l’ordre de 50'000 pg/g, alors que la santé des abeilles est affectée à partir de 100 pg/g. Cela représente tout de même des milliards de molécules dans le cerveau d’une abeille», alerte Edward Mitchell.
Comparativement à l’étude de 2017, quatre molécules (dinotefuran, nitenpyram, sulfoxaflor, et flupyradifurone) ont fait leur apparition dans 28% des 36 échantillons analysés. «Le dinotefuran et le nitenpyram ne sont pas des substances nouvelles, mais elle sont moins utilisées et donc moins souvent mesurées», affirme Gaétan Glauser, l'auteur principal de l’étude. Le dinotefuran n’est pas autorisé en Suisse mais l'est dans des pays comme les Etats-Unis ou le Japon. Si le nitenpyram est peu utilisé en agriculture, il l'est davantage en usage vétérinaire.
«Le principe de précaution devrait être appliqué»
Quant au sulfoxaflor et à la flupyradifurone, le débat fait actuellement rage concernant leur appartenance à la classe des néonicotinoïdes ou pas. «Les premières études scientifiques ont démontré que ces molécules ont les mêmes effets que les autres néonicotinoïdes et elles en partagent le mode d’action dans le système nerveux. Plutôt que d’attendre dix ou vingt ans pour tester leurs effets de manière exhaustive, il semble plus raisonnable d’appliquer le principe de précaution et de considérer ces nouvelles molécules comme des néonicotinoïdes», a conclu Gaétan Glauser.