L’adaptation du droit suisse à la directive européenne sur les armes est inefficace pour lutter contre le terrorisme et viole la Constitution fédérale et la volonté populaire. C’est l’avis de Luca Filippini, président de la Communauté d’intérêts du tir suisse, qui met en garde contre «une interdiction de facto de détenir des armes».
Je suis contre la nouvelle loi sur les armes, parce que ses dispositions sont profondément iniques et liberticides. Elles n’apportent absolument rien contre le terrorisme – alors que l’objectif communiqué en est la lutte contre le terrorisme. En plus, elles vont contre le principe de proportionnalité de l’activité de l’État, inscrit à l’article 5, alinéa 2 de la Constitution fédérale suisse. L’Union Européenne (UE) a cité quatre séries d’attentats terroristes islamistes perpétrés à l’aide d’armes à feu pour justifier le durcissement de la loi. Mais aucune des armes utilisées dans ces massacres n’avait été obtenue légalement. Pas une seule!
Mais l’inconstitutionnalité n’est pas tout, et de loin. En 2011, le souverain a rejeté une initiative populaire, qui exigeait plus ou moins la même chose que la résolution parlementaire sur la reprise de la directive UE sur les armes. En d’autres termes: la loi adoptée par la majorité parlementaire est totalement contraire à la volonté du peuple.
Les resserrements futurs sont déjà annoncés
En 2005, lors de la votation populaire sur l’adhésion à l’espace Schengen, le Conseil fédéral l’a assuré aux citoyens, noir sur blanc: dans le cadre de l’association à Schengen, il n’y aura ni renforcement drastique de la loi sur les armes, ni introduction de l’obligation de prouver un besoin. Ainsi, la Constitution, la volonté du peuple et les assurances du Conseil fédéral n’auraient plus cours? Je pense que dans une telle situation, on n’a pas seulement un sérieux problème avec la loi sur les armes, mais surtout avec l’État de droit.
Si la directive est aussi liberticide, c’est parce qu’il s’agit d’une interdiction de facto de la possession privée d’armes. Dans l’article 17 de sa directive, l’UE s’arroge le droit de réexaminer, tous les cinq ans, les dispositions de celle-ci pour s’assurer de leur efficacité et, si nécessaire, de les renforcer. Puisque l’effet de la directive en tant que mesure antiterroriste est nul, il n’est pas nécessaire d’être clairvoyant pour savoir qu’au fond, un resserrement supplémentaire est déjà décidé. Suivraient notamment, une interdiction absolue des armes semi-automatiques, l’introduction de tests psychologiques à tous les niveaux. Puis viendra le tour des fusils de chasse, et ainsi de suite…
Non au désarmement
Le droit de posséder des armes est l’une des libertés les plus importantes qui soient. La civilisation occidentale est la civilisation des droits de l’homme. Elle repose sur l’idée que tout être humain possède certains droits fondamentaux inaliénables en vertu de sa condition d’être humain. Ces droits inaliénables doivent pouvoir s’exercer en toute circonstance, sinon ils ne seraient ni inaliénables ni des droits.
Si l’État peut interdire à un citoyen irréprochable de posséder une arme à feu issue du commerce, il transforme des droits humains en simples privilèges d’État: sans l’appui de l’État ou, pire, face au pouvoir d’un État de non-droit, le citoyen ou la citoyenne est complètement sans défense et donc aussi sans droits.
«Naïveté impardonnable»
Malheureusement, en Suisse aussi, on entend de plus en plus l’argument selon lequel le droit de posséder une arme est un anachronisme inutile dans une démocratie éclairée moderne. Mais ce point de vue est d’une naïveté carrément impardonnable. À suivre la logique de ceux qui considèrent que le droit de posséder des armes est superflu, nous pourrions aussi abolir la séparation des pouvoirs et supprimer l’armée. En effet, sans le Parlement, le pouvoir judiciaire et l’armée, nous économiserions quelques milliards de francs chaque année.
Pourtant, le droit à la possession privée d’armes constitue une sorte de mécanisme protégeant les droits individuels d’un éventuel abus par l’État ou la collectivité. Ce n’est certainement pas une coïncidence si au cours de l’histoire, chaque régime totalitaire a plus ou moins commencé par abolir le droit à la détention privée d’armes à feu.
Non à la loi sur les armes le 19 mai!
Luca Filippini
président de la Communauté d’intérêts du tir suisse
Secrétaire général du Département des institutions du canton du Tessin, Luca Filippini est titulaire d’un Master en ingénierie informatique et d’un Diplôme de troisième cycle en sciences économiques de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. A l’armée, il a été chef d’état-major de la Brigade d’infanterie de montagne 9. A 51 ans, il préside la Fédération sportive suisse de tir (FST) et la Communauté d’intérêts du tir suisse (CIT), qui combattent la révision de la loi sur les armes, soumise au vote le 19 mai 2019