Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

vendredi 23 août 2019

La Fête fédérale de lutte de Zoug; c'est parti !



La Fête fédérale de lutte suisse et des jeux alpestres (FFLS) s'est ouverte vendredi à Zoug. Environ 350'000 visiteurs sont attendus dans le chef-lieu du petit canton de Suisse jusqu'à dimanche, pour participer à la plus grande fête sportive suisse de l'année.

A 13h00 devait se tenir traditionnelle réception du drapeau en vieille ville, sur la place de la Landsgemeinde. Le cortège coloré, auquel participent 1100 personnes, devait ensuite se diriger dès 14h00 en direction du site de la fête.

La compétition proprement dite commencera samedi à 08h00 et se terminera avec la finale, le lendemain à 16h30. Elle opposera 276 lutteurs sur sept surfaces rondes en sciure.

Les associations régionales de lutte suisse (Berne, Suisse centrale, Nord-Est, Nord-Ouest et Suisse romande) ont envoyé entre 30 et 85 participants chacune. Six lutteurs étrangers ont également été conviés. Proclamé roi de la lutte suisse, le vainqueur recevra un taureau. Chevaux, poulains, boeufs, sonnailles, cloches, meubles et ustensiles font aussi partie des prix destinés aux sportifs.



Plus grande arène jamais construite

Une arène de 56'500 places a été construite dans le quartier du Herti, à proximité immédiate d'habitations et d'installations sportives. Il s'agit de la plus grande arène jamais montée pour la Fête fédérale de lutte. De forme hexagonale et occupant environ 5 hectares, elle est composée de six tribunes couvertes.

Les personnes ne disposant pas de billets d'entrée pourront suivre toutes les compétitions en direct sur écran géant autour de l'arène, sur l'aire du marché-concours des taureaux et en face de la patinoire. Les festivités seront aussi nocturnes autour de l'arène et dans le stade de glace. Des musiciens pop ou de variétés alémaniques seront au rendez-vous.

Les traditionnels concours de lancer de pierre, dont celle d'Unspunnen (83,5kg) se dérouleront en parallèle. Ils auront lieu sur le terrain d'athlétisme voisin. La finale du lancer de la pierre d'Unspunnen est prévue le dimanche à 14h30.

Edition urbaine

Cette édition se veut plus urbaine que les précédentes, qui ont eu lieu en milieu champêtre (Estavayer/FR en 2016, Berthoud/BE en 2013, Frauenfeld en 2010). Pour le conseiller d'Etat et président du comité d'organisation, Heinz Tännler, Zoug représente à la fois la modernité et l'international à travers les nombreuses entreprises qui y sont installées, et à la fois le traditionnel et l'authentique.

Les organisateurs appellent les visiteurs à se déplacer en transports publics. L'aire de fête se trouve à 5 minutes de la gare de Zoug. Le trajet en train ne prend qu'une vingtaine de minutes depuis Zurich ou Lucerne. Les CFF mettent à disposition une centaine de trains supplémentaires.

Ces princes de la lutte qui veulent devenir roi

Ils sont quatre, ils sont jeunes, ils sont forts et ils rêvent tous de succéder à Matthias Glarner en devenant le prochain roi de la lutte. Portraits croisés des favoris Joel Wicki, Armon Orlik, Samuel Giger et Pirmin Reichmuth de la très attendue Fête fédérale de lutte suisse et des jeux alpestres de Zoug


JOEL WICKI, LA FORCE TRANQUILLE
Fiche technique. Taille: 1,83 m. Poids: 110 kg. Pointure: 46. Né le 20.02.1997. 
Association Suisse centrale. Couronnes: 42. 
Sur le net joelwicki.ch, Instagram: @wickijoel, Facebook: @wickijoel 
Partenaires: Tanner Möbel, Migros, Bruno’s Best, Sörenberg Bergbahnen, Allianz, Kistag, Amag Audi Center Kriens, Hummel und All Stars


Un goût de revanche: le 14 août 2016 restera gravé dans la mémoire de Joel Wicki. Et pas comme un bon souvenir... Au troisième tour de la Fête alpestre en Argovie, alors qu’il est opposé à Daniel Bösch, soudain sa jambe se plie et l’athlète est immédiatement évacué du rond de sciure. Le diagnostic est cruel: fracture du péroné. Il tombe surtout au pire moment, deux semaines avant la Fête fédérale d’Estavayer, où le Lucernois faisait déjà figure de favori. Un événement que Wicki est contraint de suivre depuis son poste de télévision. Le moment le plus cruel de sa jeune carrière. «Cela a été extrêmement difficile de voir tous mes collègues de Suisse centrale défiler dans l’arène. J’en ai eu la chair de poule et les larmes aux yeux.» Trois ans plus tard, le talentueux Lucernois de 22 ans a une revanche à prendre à Zoug.

- Pour les médias, vous faites partie des grands favoris au titre de roi de la Fête fédérale 2019 avec Giger, Orlik et Reichmuth. Qu’est-ce que cela vous fait?

- Cela dépend. C’est à la fois bien et pas toujours facile. La pression commence sérieusement à monter, mais je sais la gérer. Cela jase beaucoup, mais je garde les pieds sur terre. En revanche, en tant que cofavori au titre, je suis très sollicité par les médias, j’ai énormément de rendez-vous et il est parfois difficile de trouver le temps de tout concilier.

- Quelle est votre prise préférée et pourquoi?

- Le Kurz, parce que je ne suis pas très grand. Je ne l’exécute d’ailleurs pas de manière très académique, mais dans mon propre style.

- Quel porte-bonheur emporterez-vous avec vous à Zoug et quel rituel pratiquez-vous avant vos passes?

- Je ne suis pas du genre à m’isoler, j’aime au contraire échanger un mot avec mes camarades et les encourager. Dans l’arène, je me rends à la fontaine avant chaque passe. J’ai deux porte-bonheurs dans mes poches: un petit diamant à la mémoire de mon collègue de lutte Benno Studer, décédé lors de la fusillade de Menznau en 2013. Et une dent de cerf, un trophée de chasse, cadeau de mon père.



ARMON ORLIK, LE DISCRET
Fiche technique. Taille: 1,90 m. Poids: 110 kg. Pointure: 46. Né le 26.05.1995. 
Association Nord-Est. Couronnes: 41.
Sur le net: armonorlik.ch, FB: @orlikarmon 
Partenaires: Schenker Storen, Invias AG, IP-Suisse, Micarna, Training & Diagnostics, Galaxy Malans.


Imprévisible: Armon Orlik n’est pas un bavard. Le lutteur de 24 ans préfère faire fonctionner sa tête plutôt que sa parole. Sorti diplômé du gymnase, il mène aujourd’hui de front des études en génie civil et sa carrière de sportif, ce qui fait de lui un lutteur à part. En 2016, il a connu une série triomphale, dont le point culminant fut sa participation à la passe finale de la Fête fédérale d’Estavayer face au futur roi Matthias Glarner. Une prestation qui a offert au Grison sa nouvelle réputation «d’homme à battre». En 2019, il a déjà remporté six couronnes. Son excellent début de saison ne le surprend toutefois pas beaucoup: «Après l’hiver, je suis dans les starting-blocks, j’ai vraiment envie de me battre.» Conscient des attentes grandissantes du public, l’athlète garde son sang-froid: «Je ne me laisse jamais décourager en cas de coup dur. J’ai confiance en mes capacités lors de cette année de Fête fédérale.»

- Quel est le héros de votre jeunesse?

- Matthias Sempach. Un athlète modèle, très rapide, avec beaucoup de fougue. Mais en réalité, mon tout premier exemple a été Sergei Aschwanden, car je viens du judo. Dans ma jeunesse, il était venu passer une journée dans notre club, cela m’a marqué.

- Quelles sont les plus grandes forces et faiblesses des trois autres favoris?

- La force de Sami Giger réside dans sa taille, qui lui offre un excellent effet de levier. Il possède une bonne attaque dans le Kurz et sa tactique est très constante. Cependant, si vous réussissez à intercepter son offensive et à attendre vos chances, il devient plus vulnérable. Joel Wicki est fort et possède un Kurz très efficace. Par contre, il est un peu moins présent défensivement. Quant à Pirmin Reichmuth, il est polyvalent et sa taille lui offre de nombreux avantages, mais il est moins leste au sol.

- Quel est votre meilleur souvenir de la Fête fédérale d’Estavayer en 2016?

- Ma victoire au premier tour contre Kilian Wenger. Un moment décisif qui a lancé ma fête de la meilleure des manières.




PIRMIN REICHMUTH, LE COMBATTANT
Fiche technique. Taille: 1,98 m. Poids: 118 kg. Pointure: 49,5. Né le 17.10.1995. 
Association Suisse centrale. Couronnes: 15.
Sur le net: pirminreichmuth.ch, Insta: @pirminreichmuth 
Partenaires: Stöckli, Imholz Autohaus Cham, Herzog Training, Winforce, Hummel, Nussbaumer, Rehazentrum Cham, Tinline, Axa, Abrogans.


La forme retrouvée: il y a six ans, Pirmin Reichmuth, âgé de 17 ans, célébrait sa première fête en remportant une couronne. Son immense talent fut très vite reconnu par les plus grands pros. Aujourd’hui, seules quatorze couronnes supplémentaires ont garni son palmarès. La faute à une succession de blessures qui l’a éloigné longtemps des ronds de sciure. A tel point qu’il a pensé mettre un terme à sa carrière. Mais après une pause de deux ans, le Zougois a repris la compétition fin 2018 dans les petites fêtes. Et avec la manière! Du haut de ses 198 cm, l’athlète de 23 ans peut enfin montrer toute l’étendue de son potentiel. Outre le sport, ce boucher diplômé étudie la physiothérapie et vient de terminer avec succès sa deuxième année d’études. «Je n’ai les cours que trois ou quatre jours par semaine, ce qui me permet de mener au mieux ma carrière de lutteur en parallèle.»

- Quel porte-bonheur emporterez-vous avec vous à Zoug et quel rituel pratiquez-vous avant vos passes?

- Je ne suis pas superstitieux du tout, je n’ai pas de porte-bonheur et je ne fais rien de spécial, mais j’ai quelques habitudes culinaires. J’ai toujours de la viande des Grisons et du Mutschli (ndlr: un petit fromage d’alpage suisse) avec moi, et j’en mange après chaque passe. Et la veille des Fêtes fédérales, j’ai droit à un plat de spaghettis carbonara cuisinés par Marion, ma compagne.

- Quel est votre meilleur souvenir de la Fête fédérale d’Estavayer en 2016?

- Le moment où j’ai assuré ma couronne face à Martin Glaus, lors de ma huitième passe. Tous mes coéquipiers ont accouru vers moi pour fêter ça. C’est mon souvenir le plus fort!

- Quel est le héros de votre jeunesse?

- Cela a d’abord été Pippo Laimbacher, puis Martin Grab. Il est devenu un modèle. Son style de lutte est très similaire au mien et nous sommes régulièrement en contact. Sa fin de carrière désagréable (ndlr: le Schwytzois a été testé positif à un contrôle antidopage) m’a beaucoup attristé.



SAMUEL GIGER, L’EXPLOSIF
Fiche technique. Taille: 1,93 m. Poids: 115 kg. Pointure: 48. Né le 24.03.1998. 
Association Nord-Est. Couronnes: 33.



Le grand retour: la malchance s’est invitée lors d’un entraînement au début du mois de mai dernier, après la Fête cantonale thurgovienne. Une mauvaise chute sur l’épaule, un déchirement, puis le verdict, cruel: Samuel Giger doit se tenir éloigné des ronds de sciure durant quatre semaines. En pleine année de Fête fédérale.

«Ce qui me manque surtout, ce sont quelques victoires de référence pour la confiance», admet-il. Mais il l’assure aussi: on ne perd pas sa technique en quelques semaines. Et les occasions de lutter sont encore nombreuses d’ici à la Fête fédérale. Il a fait son grand retour le 30 juin à Hallau lors de la Fête du Nord-Est, où il a terminé à une belle 3e place et remporté une couronne. Le Thurgovien est bel et bien de retour au premier plan.

- Si vous alliez à Zoug comme spectateur, que ne manqueriez-vous pour rien au monde?

- Tout! J’arriverais le vendredi, je me promènerais sur l’entier du site pour découvrir les lieux. Si je n’étais pas là-bas comme lutteur, je profiterais bien sûr de faire la fête, mais je ne raterais pas une miette de la compétition dans l’arène. J’y serais du matin au soir. A Estavayer, en 2016, j’étais tellement fatigué après la compétition que je n’avais plus aucune énergie pour faire la fête. J’ai été plutôt sage…

- Quelle est votre prise préférée et pourquoi?

- Le Kurz, comme chacun le sait. C’est une prise qui a toujours bien fonctionné pour moi, depuis que je suis jeune lutteur. J’ai les bonnes conditions physiques pour l’exécuter. La technique dépend également beaucoup de la morphologie et de sa masse. Chacun compose avec ses différences.

- Quels adversaires aimeriez-vous éviter lors des passes finales?

- Quand vous atteignez ce stade de la compétition, vous vous retrouvez forcément face aux meilleurs lutteurs. Cela dit, tout reste toujours possible et si vous êtes là aussi, c’est que vous êtes capable de battre les plus forts. Il suffit d’entrer dans l’arène et de se dire: «J’adopte cette tactique et je remporte la passe. C’est tout!»



Ces géants qui veulent devenir Rois

Ils sont incroyablement forts mais d’un naturel pacifique. Alors que le lutteur Christian Stucki se prépare pour la Fête fédérale de lutte en salle d’entraînement et dans la sciure, le taureau Kolin s’exerce sur les marchés et au carnaval.

Kolin: Poids 1200 kg, âge 3 ans et demi, provenance élevage Otto Nussbaumer, Unterägeri (ZG)


Le taureau Kolin n’est pas un simple représentant de l’espèce bovine. Cet impressionnant spécimen de la race brune originale pèse 1200 kilos, possède des cornes imposantes et des yeux bruns qui font sans doute fondre le cœur de toutes les vaches. «Il se distingue aussi par son caractère paisible, son tempérament pondéré et sa belle âme», déclare son gardien, Mandel Nussbaumer.

Kolin, qui portait à l’origine le nom de Rubens, a gagné son titre à l’issue d’un casting où il a relégué tous les concurrents dans l’ombre. En 2017 déjà, le magazine Schweizer Bauer lui a adressé de vibrants éloges à l’occasion de son baptême: «Les experts ont accordé de nombreux points à ce bovin très équilibré.» Voilà pourquoi il constituera le grand prix lors de la Fête fédérale de lutte, qui se tiendra en août prochain à Zoug.

Existence royale

Pour l’heure, il se contente de mener une existence royale. Il est lavé et coiffé toutes les semaines et il a déjà été père à 13 reprises. Chaque jour, il reçoit 20 kilos de foin et 100 litres d’eau. Son menu se complète de temps à autre d’une belle portion d’herbe fraîche.

A l’image des lutteurs, les taureaux doivent se préparer pour le grand jour. Afin de s’habituer à la foule des spectateurs, celui-ci s’est déjà rendu sur le marché d’Ägeri (ZG), au tournoi sportif local, ainsi qu’au carnaval d’Unterägeri. Des promenades régulières lui permettent de prendre soin de sa condition physique. La prudence est toutefois de mise. «A chaque fois que nous voyons des vaches dans un pré, nous faisons un large détour pour les éviter», explique Mandel Nussbaumer.

Privilège

D’un point de vue financier, le taureau Kolin est bien davantage qu’un bovidé. De nombreux intérêts économiques sont liés au grand prix lors d’une fête fédérale. Comme les sponsors potentiels se bousculent au portillon, le responsable des dons, René Häfliger, et son équipe veillent à réserver aux seuls opérateurs qui s’engagent déjà en faveur de la lutte le privilège d’accoler leur nom à la renommée de ce taureau hors normes. C’est ainsi que le bureau d’architectes et d’ingénieurs Jego ainsi que l’entreprise de construction Landisbau apparaîtront aux yeux de tous comme les généreux donateurs du prestigieux taureau.

Kolin doit son nouveau nom à Peter Kolin, un héros zougois qui a vainement tenté de sauver le drapeau de son canton lors de la bataille d’Arbedo, en 1422, et a payé son courage de sa vie. Depuis le taureau Arnold en 2010, ce sera le premier animal à entrer dans l’arène sans être associé à un message publicitaire. C’était un désir des organisateurs: «Nous souhaitions créer une référence locale avec son nom et nous soustraire au soupçon que nous avons épuisé jusqu’à la dernière toutes les techniques de marketing.» Pour le nouveau roi de la lutte, la situation ne souffre aucune ambiguïté. S’il ne dispose pas de la place requise pour héberger Kolin, il recevra la somme de 30 000 francs en espèces.

Prix en nature

Pour la première fois au cours d’une fête fédérale, des prix récompenseront les lutteurs classés aux deux rangs suivants. Le deuxième rentrera chez lui avec le bœuf Gret ou un chèque de 24'000 francs alors que le troisième fera de même avec la vache Bombay ou 20'000 francs. 

Les autres prix en nature complètent l’inventaire d’une grande ferme d’élevage: le cheval Edelweiss, la pouliche Casco, la jument Allegra, la génisse Eldora, la pouline des Franches-Montagnes Fohlen Sindy ainsi que les génisses Brenda et Venus. Si Kolin les dépasse tous, il est cependant impossible de connaître son opinion au sujet de sa fonction royale. Ses yeux qui brillent quand il entend les meuglements dans l’étable permettent néanmoins de tirer une conclusion. Aux joutes des lutteurs, il préfère sans nul doute la compagnie des belles vaches d’Unterägeri.

«Dites à Kolin de se préparer !»


Lorsque Christian Stucki passe la porte, tout devient sombre. Une taille de 198 centimètres et un poids de 140 à 150 kilos suivant sa phase d’entraînement projettent une ombre immense. Rien que sa corpulence peut glacer son adversaire d’effroi. «Il n’est pas si simple de mettre une telle masse en mouvement», déclare ce Seelandais de 34 ans, avec un léger sourire. Son entraîneur, Tommy Herzog, atteste que sa force ne le cède en rien à celle du taureau Kolin. «Il est probablement tombé dans la potion magique quand il était enfant. Je n’avais jamais rencontré de sportif avec une telle force à l’état brut.» En outre, une alimentation de nature à accroître les performances n’a jamais appartenu aux préoccupations de Christian Stucki. Il prête cependant davantage attention à ses repas depuis un certain temps. Afin d’améliorer sa condition physique, il absorbe parfois des compléments alimentaires liquides. «Comme je n’y ai jamais pris garde, ces produits m’aideront peut-être à optimiser mon potentiel.»

Géant

En raison de son palmarès, Christian Stucki sera aussi un géant pendant les rencontres zougoises. Il a remporté les joutes de Kilchberg (ZH) en 2008 et d’Unspunnen (BE) en 2017, sa tête a été ceinte de 41 couronnes, dont cinq lors de fêtes fédérales. La finale perdue d’un cheveu en 2013 à Berthoud (BE) a fait de lui le roi des cœurs. A Zoug, il prendra part à cette mythique compétition sportive pour la septième fois.

Il veut décrocher le titre qui lui manque encore. «J’ai besoin de me dépenser», dit-il en pensant à Kolin. «C’est un superbe animal et je serai heureux de poser avec lui pour une photo.» Christian Stucki ne se souvient plus exactement du nombre de prix vivants qu’il a gagnés au cours d’une carrière qui s’étend désormais sur dix-sept ans. «Assez assurément pour remplir une étable aux dimensions habituelles.» Ce forestier de métier, qui travaille actuellement auprès d’une boucherie en gros, ne possède pas l’infrastructure nécessaire pour héberger un tel troupeau de bovins. A une seule reprise, il est revenu à la maison avec un animal. C’était une pouliche, destinée à son amie d’alors, une cavalière émérite.

Humilité et respect

Aujourd’hui, Christian Stucki est marié et père de deux enfants: Xavier, 6 ans, et Elia, 4 ans. A l’évidence, le taureau ne trouverait pas place dans la maison familiale de Lyss (BE). Pourtant, Christian Stucki regarde en direction d’Unterägeri. «Dites à Kolin de se préparer...» Si les deux entrent en contact direct à Zoug lors de la proclamation du roi de la lutte, Christian Stucki abordera le fier bovin avec autant d’humilité que de respect. «Bien sûr, un taureau est un animal domestique, mais je n’aimerais pas me trouver à proximité quand il se fraie un chemin à coups de cornes.» Le lutteur n’a rien à craindre. S’il arrive à Kolin de lécher la main d’un journaliste indiscret, il transmet une impression parfaitement paisible. A juste titre, car Zoug n’est pas Pampelune.


Pourquoi le roi des Tonga est-il à Zoug ?

Tupou VI a été couronné roi des Tongas en 2015
(2015 Getty Images)


Dimanche après-midi, du rond de sciure, le nouveau roi de la Fête fédérale de lutte suisse lèvera le bras au ciel en signe de victoire. Des gradins de l’arène de Zoug, un autre souverain, le roi Tupou VI des îles Tonga, se réjouira avec lui. Un hôte illustre venu d’un pays lointain, lié à la Suisse par l'amitié qui l'unit à la famille Müller de Zoug. Une histoire plutôt incroyable. 

Ce sera à nouveau un événement sans précédent qui se tiendra ce week-end à Zoug. Des centaines de milliers de visiteurs et des millions de téléspectateurs suivront les combats de lutte, qui se tiendront dans les sept cercles de copeaux de bois. Les manches du maillot retroussées, accrochées à la culotte de l'adversaire, 276 lutteurs tenteront de mettre l'adversaire au sol, en essayant de conquérir une place pour l'épilogue de la fête, la dernière manche qui désignera le roi de la lutte, le Schwingerkönig.

Parti et jamais revenu 

«En 1885, mon arrière-grand-père Philipp Gotthard Müller a quitté Zoug pour les îles Tonga», raconte son arrière-petit-fils Luka Müller. «Il est allé à la recherche de son frère, qui était parti à l'aventure et n’était jamais rentré de son voyage», ajoute-t-il. Le voyage de Philipp Müller est périlleux, à une époque où la traversée en bateau prend des mois. Une fois sur l'île, il ne trouve aucune trace de son frère disparu. Toutefois, lui non plus ne rentrera jamais des Tonga. Il rate d'abord le bateau qui devait le ramener chez lui – le suivant serait arrivé trois mois plus tard – , puis il tombe amoureux d'une autochtone, Philomena Lauitiiti ou Manono Luatutu, qu'il épouse en 1889. Le couple aura douze enfants. 

«Au début des années 1900, l'un des fils, mon grand-père Robert Müller, est envoyé par son père en Suisse pour y étudier», poursuit Luka Müller. «A l'université de Zurich, il rencontre une étudiante de Belgrade. Elle est l'une des premières étudiantes en médecine de l'étranger.» Après leur mariage, vers 1920, ils retournent sur l'île de Polynésie. «Mon grand-père s'occupe des plantations de cocotiers, de bananiers et de vanilliers, tandis que ma grand-mère, médecin, s'occupe des malades et des personnes qui ont besoin de son aide, explique le petit-fils. En 1928, mon père, Andrew Philipp Müller, naît. Peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale, mon grand-père rentre en Suisse avec toute la famille.» 

A Zoug, sans oublier les proches restés aux Tonga 

Les autres fils et filles de Philipp Gotthard Müller, décédé en 1913, restent sur l'île. Aujourd'hui, plus de 130 ans après son départ de Zoug, entre 80 et 100 personnes portent le nom de famille Müller aux Tonga, tandis qu’ils sont entre 20 et 30 à vivre aux Fidji. Ceux qui sont rentrés en Suisse n'ont jamais oublié leurs parents éloignés. «Notre famille promeut des projets de développement sur l'île depuis des décennies», explique Luka Müller, qui se charge depuis des années de coordonner les initiatives.

Une ou deux fois par an, il s’envole pour Nuku'alofa, la capitale du Royaume des Tonga. Il rend visite à la famille, suit l'évolution des programmes et ne manque jamais de rencontrer le roi actuel, George Tupou VI, avec lequel il entretient presque une relation amicale. «En 1980, le prince Ulukalala Lavaka Alta a passé trois mois chez mes parents. Son père voulait qu'il apprenne l'allemand», se souvient Luka Müller, qui était alors un enfant.

«Nous soutenons actuellement quatre initiatives dans les domaines du tourisme durable, des énergies renouvelables et de la production agricole, et nous finançons la reconstruction de certains bâtiments détruits par le cyclone Gita en 2018», explique-t-il.

En 2017, lors d'un de ses voyages dans l'archipel polynésien, l'avocat de Zoug est accompagné du maire de Baar, Andreas Hotz, et de l'ambassadeur de Suisse à Wellington, en Nouvelle-Zélande, David Vogelsanger, qui ne sont tous deux plus en fonction. La délégation suisse a une lettre importante à remettre au souverain en personne. «Le 5 novembre 2017, nous avons été reçus par Tupou VI et lui avons remis l'invitation à participer à la Fête fédérale de lutte suisse du gouvernement de Zoug et du comité d'organisation», se souvient Andreas Hotz. Une invitation que le roi a officiellement acceptée peu après. 

Un projet pour faciliter les transactions 

La visite de Tupou VI en Suisse est l'occasion pour Luka Müller de mettre en œuvre un autre projet important pour promouvoir le développement du Royaume des Tonga. En raison des difficultés économiques et de l'absence de perspectives de carrière, près de la moitié des Tongiens gagnent leur vie à l'étranger, principalement en Nouvelle-Zélande, en Australie ou aux États-Unis. Depuis leur pays de résidence, ils envoient des fonds aux membres de leur famille dans leur pays d'origine. Cela représente plus d'un tiers du produit intérieur brut des Tonga. «Nous voulons travailler avec le roi pour trouver une solution permettant de réduire les coûts des transactions de transferts de fonds en misant sur la technologie de la blockchain», explique Luka Müller, enthousiaste. 

Par ailleurs, l'arrière-petit-fils du premier Müller à partir pour les mers du Sud souhaite ouvrir une chambre de commerce Suisse-Tonga pour promouvoir les investissements suisses en Polynésie. Il s'agirait d'une nouvelle initiative visant à renforcer la relation séculaire entre ces deux pays aux antipodes. 




Tonga, en bref

Le Royaume des Tonga est un État insulaire de l’océan Pacifique Sud, en Polynésie, composé d'environ 170 îles de différentes tailles.

Capitale: Nuku'alofa

Superficie: 748 km2 (environ trois fois celle du canton de Zoug)

Population: 106’000 habitants (97% sont des tongiens, selon les estimations de 2015)

Les Suisses aux Tonga: 13 citoyens suisses vivaient aux Tonga fin 2012.

Relations bilatérales: La Suisse a établi des relations diplomatiques avec le Royaume des Tonga en 1985. La Direction du développement et de la coopération (DDC) ne soutient pas de projets aux Tonga. Cependant, l'ambassade de Wellington soutient régulièrement de petites initiatives. Par exemple, la construction récente de petits réservoirs d'eau pour approvisionner les familles vivant sur les différentes îles de l'archipel.

Egger Ph.