Une partie de nos héros
Samedi à 12h, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) dénombrait en Suisse 6113 cas d'infections déclarées au coronavirus. C'est près de 1300 de plus que la veille. Le nombre de décès est de 56, selon les chiffres publiés sur le site de l'office. Ceux-ci se basent sur les déclarations reçues et saisies samedi matin. Pour cette raison, les chiffres peuvent diverger de ceux communiqués par les cantons, précise l'OFSP.
L'âge des cas testés positifs va de 0 à 101 ans, avec un âge médian de 51 ans (50% des cas sont plus jeunes et 50% sont plus âgés que cet âge). 49% des cas sont des hommes, 51% des femmes. Les adultes sont nettement plus touchés que les enfants et, à partir de 60 ans, les hommes que les femmes. Les cantons du Tessin (257,8 cas pour 100'000 habitants), de Bâle-Ville (173) et de Vaud (181,2) sont les plus touchés.
La courbe pourrait ralentir si tout le monde y met du sien
Les chiffres du coronavirus vont augmenter ces prochains jours en Suisse. Mais si tout le monde s'en tient aux mesures, la courbe pourrait commencer à ralentir sa montée dès la semaine prochaine, selon Daniel Koch, qui dirige la gestion de la crise en Suisse. Ce ne sont pas les mesures qui feront la différence, mais le comportement de la population, a dit le responsable de la division des maladies transmissibles de l'Office fédéral de la santé publique lors d'un point presse à Berne. Chacun doit tout faire pour ne pas être contaminé et ne pas contaminer les autres.
Voir des personnes âgées se promener seules avec leur déambulateur dans les rues pour prendre l'air et le soleil n'est pas un problème. Le problème c'est lorsque des personnes en déambulateur vont faire leurs courses au supermarché alors qu'elles doivent rester à la maison, a relevé M. Koch. Elles doivent se faire aider par d'autres.
Le Tessin reste le plus touché. La situation y est toujours très tendue. La Suisse doit être solidaire avec le canton, a ajouté M. Koch. L'Italie a déjà 4000 morts. «On va tout faire pour que la Suisse n'atteigne pas ce niveau».
Le service civil va soutenir les cantons
Actuellement, 4112 personnes astreintes au service civil effectuent des engagements dans des hôpitaux, des homes et établissements de soins pour lutter contre le coronavirus. Les effectifs pourraient être augmentés, a annoncé samedi devant la presse le directeur de l'Office fédéral du service civil Christoph Hartmann.
Certains de ces engagements ont dû être interrompus en raison des mesures de protection en vigueur. Les personnes concernées seront affectées dans le secteur des soins et de l'assistance, de même que celles engagées dans des domaines non prioritaires, comme la protection de l'environnement.
Des astreints au service civil supplémentaires pourraient être mobilisés, selon les besoins et les demandes des cantons. Ces personnes aident par exemple à monter des tentes devant les hôpitaux, règlent la circulation, effectuent des contrôles d'accès ou sont occupées dans les cuisines des hôpitaux.
Parallèlement, le Conseil fédéral a mis à disposition un contingent de 850'000 jours de service de Protection civile, a ajouté le vice-directeur de l'Office fédéral de la protection de la population Christoph Flury.
L'armée aussi
L'armée va, de son côté, va prolonger les cours de répétition ainsi que les écoles de recrues, a indiqué le brigadier Raynald Droz, chef d'état-major du commandement des opérations. La mesure concerne aussi les soldats en service long. Les militaires dans les troupes sanitaires seront les principaux concernés.
L'armée dispose actuellement de 3000 soldats instruits et en service. Des décisions doivent encore être prises pour les écoles de recrues à venir. Au total, 11'000 jeunes pourront être engagés pour combattre le covid-19, selon M. Droz.
Le canton de Fribourg recourt à l'armée et aux amendes
Les policiers distribue depuis samedi des amendes, si les règles pour lutter contre la pandémie ne sont pas respectées.
Sont concernés les rassemblements de plus de 5 personnes dans l'espace public, et les commerces qui ne respectent pas les règles sanitaires, comme les distances de sécurité entre clients.
Le Conseil d'Etat fribourgeois a aussi indiqué vendredi soir aux médias qu'il fait appel à l'armée.
Les soldats devront apporter, dès la semaine prochaine, leur appui dans le domaine des transports, de la sécurité. L'armée devrait aussi mettre, si possible à disposition, des infirmiers et des ambulanciers.
Du côté de la protection civile, 350 hommes seront mobilisés. Ils arriveront en renfort dans les EMS et au HFR.
HFR et cliniques fribourgeoises ne font plus qu'un.
Ce que l'épidémie nous enseigne de notre société
La crise sanitaire actuelle nous apprend deux choses essentielles. Premièrement, notre société occidentale est plutôt mauvaise pour entreprendre des comportements collectifs adéquats (contrairement aux sociétés asiatiques, chinoises ou encore coréennes). Deuxièmement, nous sommes tous incapables lorsqu'il s'agit d'anticiper et de prendre des mesures contre un phénomène qui n'est pas sous nos yeux.
De l'irresponsabilité de ceux qui se croient invulnérables
Nos actions sont incessamment motivées par des besoins individuels que nous cherchons à assouvir. Parfois, il y a conflit entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. C'est le cas lors d'une évacuation d'urgence, par exemple. Pour se sortir au plus vite du pétrin, mieux vaut courir. En revanche, pour que le groupe sorte plus vite de la zone dangereuse, il faut aller à vitesse constante (Lire à ce sujet les travaux de recherche de Mehdi Moussaïd). C'est le parfait exemple de cette dichotomie qui se caractérise souvent par une dissonance cognitive entre ce que nous faisons et ce que nous voudrions faire dans beaucoup de situations.
Depuis trois jours, c'est le confinement total en France. Pourtant, nous assistons encore, ça et là, à de la défiance contre les mesures prises par le gouvernement pour endiguer l'épidémie. En effet, statistiquement, une personne jeune, en bonne santé, avec un poids sain et n'ayant pas adopté de comportements « risqués » (fumer ou prendre des anti-inflammatoires non stéroïdiens par exemple), a très peu de chance d'être hospitalisé à cause de ce virus (même si, rappelons-le, des cas jeunes ont été hospitalisés) ; elle a encore moins de chance d'en mourrir.
En revanche, vous pouvez être vecteur et contaminer des personnes qui, elles, ont beaucoup moins de chance de s'en sortir que vous. Rester chez soi relève donc de la responsabilité individuelle afin d'éviter de tuer indirectement plusieurs personnes. Néanmoins, lorsqu'on constate les sociétés « déresponsabilisantes » que nous avons bâties, l'existence de ce type de comportement n'est pas surprenant.
En comparaison, c'est le même principe qui sous-tend pour la vaccination. Le comportement bénéfique pour la collectivité est de se faire vacciner -- même si l'on n'est pas forcément à risque -- pour favoriser une immunité de groupe. Parallèlement, le confinement vaut pour tout le monde, même si on n'est pas à risque individuellement, pour éviter la propagation du virus.
Il semble que l'être humain ne soit vraiment capable d'agir que lorsqu'il constate être passé du côté droit de l'image. © jozsitoeroe, Fotolia
Une explication à l'inaction climatique ?
Quand avons-nous commencé, citoyens et gouvernants, à prendre la mesure de ce qui était en train de se passer ? Lorsque la situation a commencé à devenir sérieuse, dangereuse, dans notre pays, sous nos yeux. Seuls certains scientifiques avaient alerté sur les risques et incité à prendre des mesures drastiques bien plus tôt face à la pandémie. D'autres la prévoyaient depuis plusieurs années.
Peut-on oser un parallèle avec l'inaction climatique ? Nous nous comportons exactement de la même façon avec cette thématique que nous le faisons avec cette épidémie. Les scientifiques nous alertent (depuis 30 ans), nous donnent les meilleures mesures à prendre en fonction des objectifs que nous avons définis politiquement, mais nos cerveaux de primates « biaisés » ont un mal fou à restreindre une once de liberté pour un problème qui ne nous touche pas. Du moins, pas encore.
C'est la grande différence entre ces deux crises. Celle du SARS-CoV-2 est visible tout de suite (et les bénéfices de nos actions ne sont pas différés dans le temps). De plus, nous combattons un « méchant » extrinsèque à nous-mêmes contrairement à la crise climatique, où la catastrophe en cours et à venir a pour cause principale les activités humaines.
Voilà pourquoi, il est plus que nécessaire de tirer de grandes leçons de cette crise. Premièrement, écoutons les scientifiques lorsqu'il s'agit de faits. Il nous faut accepter les faits qu'ils rapportent s'ils font consensus. Ensuite, cela appartient à nous, citoyens, et à nos sociétés, de légiférer et de statuer sur les objectifs qui seront les nôtres à partir de ces faits. Mais là encore, les mesures adoptées doivent être utiles à l'objectif que l'on projette. C'est là encore le travail du scientifique que de guider l'action.
Des centaines de millions de personnes confinées dans le monde entier
Des centaines de millions de personnes dans le monde sont confinées chez elle pour le week-end, dans l'espoir d'enrayer la pandémie de coronavirus. Elle a déjà fait plus de 11'000 morts et ébranlé l'économie mondiale.
L'Italie, pays le plus touché en Europe avec plus de 4000 morts, et premier sur le vieux continent à avoir ordonné le confinement de sa population, s'apprête à renforcer ses mesures face aux ravages de la maladie.
Tous les parcs, espaces verts et jardins publics seront fermés au public ce week-end, en attendant d'autres restrictions, pour inciter les Italiens à rester chez eux au maximum. Le coronavirus a tué 627 personnes en 24 heures dans le pays, ont annoncé vendredi les autorités, un pic depuis le début de la crise.
«Nous sommes tous en quarantaine», a résumé vendredi Andrew Cuomo, le gouverneur de l'État de New York, aux États-Unis, en annonçant ce confinement, «mesure la plus radicale que nous puissions prendre».
Avec la Californie, l'autre puissance économique du pays, et d'autres États dont le New Jersey ou l'Illinois, ce sont plus de 85 millions de personnes qui doivent désormais rester chez elles, sauf pour faire leurs courses ou prendre un peu l'air.
C'est aussi un coup très dur pour la première économie mondiale, car à eux seuls, la Californie et New York représentent près du quart du produit intérieur brut des États-Unis (22,3% en 2018). Le premier abrite le coeur de la finance mondiale et le second celui des nouvelles technologies et d'internet.
Le président américain Donald Trump, qui a longtemps minimisé les ravages de la pandémie, a écarté vendredi une mise à l'arrêt de tout le pays. «Je ne pense pas que nous jugerons cela nécessaire un jour», a-t-il dit.
«Cela a été fait en Californie, cela a été fait à New York, ce sont deux points chauds (...) Mais si vous allez dans le Midwest ou ailleurs, ils regardent tout cela à la télévision et n'ont pas les mêmes problèmes», a-t-il ajouté.
Car l'économie américaine commence à ressentir les effets de la progression du coronavirus sur toute la planète. Les embauches chez les géants de la distribution, Walmart et Amazon en tête, face à la ruée des consommateurs vers les supermarchés ou sur internet, ne compenseront pas les destructions d'emplois.
En Europe, l'Union Européenne a annoncé vendredi une suspension des règles de discipline budgétaire. Inédite, la mesure permettra aux États membres de dépenser autant que nécessaire pour contrer le ralentissement économique.
Menace sur l'emploi
Jusqu'à 25 millions d'emplois sont menacés en l'absence de réponse coordonnée à l'échelle internationale, a averti l'Organisation internationale du travail. Face à cette situation, une extrême prudence règne sur les marchés financiers. À l'issue de la pire semaine boursière depuis la crise de 2008, ils ont terminé vendredi sur une note hésitante, Wall Street dans le rouge et les Bourses européennes en hausse.
Certains experts redoutent que la crise économique résultant de la pandémie soit pire que celle des «subprime» de 2008, surtout si le confinement devait se prolonger. D'autres pays sont venus en fin de semaine s'ajouter à la liste de ceux ayant opté pour cette mesure drastique. Le confinement sera généralisé à toute la Tunisie dimanche. Quelque 25 millions de Colombiens sont en confinement surveillé ce week-end et dès mardi et jusqu'au 13 avril, c'est l'ensemble du pays qui sera placé en confinement général obligatoire, a annoncé vendredi le président Ivan Duque.
Sans aller jusque là, le Royaume-Uni a drastiquement renforcé vendredi sa riposte face à la pandémie, en ordonnant la fermeture des pubs, restaurants, cinémas et salles de sports.
Confinement inédit
Ce choix draconien, inédit dans l'histoire humaine, se passe plus ou moins bien selon les pays. Confinés chez eux depuis une dizaine de jours, certains Italiens commencent à avoir la bougeotte. Plus de 53'000 d'entre eux ont déjà été verbalisés pour des sorties injustifiées.
À Banjul, en Gambie, les autorités recherchaient activement vendredi 14 personnes qui se sont échappées de l'hôtel où elles avaient été placées en quarantaine. En revanche, à Los Angeles, les habitants jouaient le jeu le premier jour. Le célèbre «Walk of Fame» de Hollywood Boulevard, d'ordinaire bondé de touristes se faisant photographier devant les étoiles des vedettes, était quasi désert, hormis une poignée de sans-abris.
Les initiatives fleurissent également pour atténuer les effets du confinement. La mythique chanson «You'll Never Walk Alone», l'un des hymnes les plus connus du football, a ainsi résonné vendredi matin sur les radios d'une trentaine de pays d'Europe, dans un message de solidarité face à la crise du coronavirus.
Mais le confinement est difficile à appliquer dans des endroits très vulnérables, comme dans les immenses bidonvilles asiatiques ou des prisons surpeuplées et vétustes partout sur le globe. Trois milliards de personnes n'ont même pas les armes les plus basiques contre le virus, l'eau courante et le savon, s'alarment des experts des Nations unies, qui craignent la perte de «millions» de vies.
Certains pays ont décidé de fermer leurs frontières pour tenter de s'isoler de la pandémie. La Belgique a ainsi décidé vendredi d'interdire toute entrée pour un déplacement «non essentiel». Cuba a également décidé de refouler les touristes, en dépit de leur poids dans l'économie de l'île.
L'exemple de Wuhan, un «espoir» selon l'OMS
L'exemple de Wuhan, épicentre de l'épidémie du coronavirus en Chine où aucun nouveau cas d'origine locale n'a été enregistré depuis jeudi, est un «espoir» pour le monde, a estimé vendredi le directeur général de l'OMS.
«Hier, Wuhan n'a déclaré aucun nouveau cas pour la première fois depuis l'émergence de l'épidémie», s'est félicité Tedros Adhanom Ghebreyesus lors d'une conférence de presse en ligne depuis Genève. «Wuhan donne de l'espoir au reste du monde en montrant que même la situation la plus grave est réversible», a-t-il ajouté.
Pour le deuxième jour consécutif, la Chine n'a rapporté vendredi aucune nouvelle contamination d'origine locale, même si le nombre de cas importés a atteint un record (39). L'Italie paye le plus lourd tribut et devance désormais la Chine (80'976 cas, dont 3248 morts), avec 47'021 cas et 4032 morts.
Au total, la pandémie a fait au moins 11.015 morts dans le monde depuis son apparition en décembre, selon un comptage de l'AFP à partir de sources officielles vendredi vers 18 heures. Plus de 250'000 cas d'infection ont été détectés dans le monde.
«Evidemment, nous devons être prudents. La situation peut de nouveau s'inverser. Mais l'expérience de villes et de pays qui ont fait reculer le coronavirus donne de l'espoir et du courage au reste du monde», a relevé Tedros Adhanom Ghebreyesus. Il a également indiqué qu'afin de pallier la pénurie d'équipements de protection pour les personnels soignants (masques, gants), l'OMS avait identifié «des producteurs en Chine qui ont accepté d'en fournir».
Il a à cet égard remercié le milliardaire chinois Jack Ma pour leur «contribution à fournir des équipements essentiels aux pays qui en ont besoin». Fondateur du géant de la distribution Alibaba, Jack Ma a déjà fait don de 500'000 kits de test et d'un million de masques aux Etats-Unis.
Les jeunes ne sont «pas invincibles»
Si la maladie Covid-19 est particulièrement dangereuse pour les personnes âgées ou souffrant déjà de pathologies graves, le chef de l'OMS a prévenu les jeunes qu'ils n'étaient «pas invincibles», les appelant également à limiter leur vie sociale pour préserver les plus fragiles.
«Aujourd'hui j'ai un message pour les jeunes: vous n'êtes pas invincibles. Ce virus peut vous conduire à l'hôpital pendant des semaines - et même vous tuer», a-t-il lancé. «Même si vous ne tombez pas malade, les choix que vous faites dans vos déplacements peuvent être une question de vie ou de mort pour quelqu'un d'autre», a-t-il ajouté.
L'OMS a par ailleurs fait savoir qu'elle privilégiait désormais l'expression «distanciation physique» à celle de «distanciation sociale» pour mieux décrire la nécessité de maintenir un espace entre les personnes pour contenir la propagation du virus.
Ce changement sémantique est destiné, selon l'organisation, à mettre en lumière le fait que confinement physique ne signifie pas isolement social, rappelant qu'il était important de préserver une bonne santé psychique pendant la crise.
«Nous pouvons rester connectés de maintes façons sans nous trouver physiquement dans le même espace», a avancé Maria Van Kerkhove, une des responsables de la réponse de l'OMS au Covid-19.
Enfin l'OMS a ouvert un numéro sur la messagerie WhatsApp pour garantir une «information fiable» sur la pandémie. Il suffit d'envoyer «hi» au 41 798 931 892. Le service sera disponible en anglais, puis dans d'autres langues la semaine prochaine.
Egger Ph.