Jean-Baptiste Colbert, secrétaire d’Etat à la Marine, a bel et bien entamé la rédaction du Code noir pour les Antilles françaises, mais c’est son fils qui l’a achevée puisque le texte sera promulgué en 1685 par le roi Louis XIV, soit deux ans après la mort de Colbert. D’autres versions ont ensuite été publiées pour la Guyane, la Louisiane, la Réunion et Maurice. Ce qui explique que l’on parle plutôt des “Codes noirs”.
Mais le Code noir de Colbert est bel et bien le premier à s’attaquer à la question de l’esclavage dans les colonies françaises. A l’époque, la France est une puissance qui pratique le commerce triangulaire avec la traite des Africains vers le Nouveau Monde, tout comme l’Angleterre, l’Espagne ou les Pays Bas. Ce recueil de 60 articles est censé mettre de l’ordre là où aucune règle juridique n’existait entre les propriétaires et les esclaves.
Quand Colbert rédige le premier Code noir, l’esclavage est interdit en métropole mais pratiqué dans les colonies françaises. Son texte va encadrer ces relations "maître-esclave", et de ce fait les légaliser. Le Code noir de Colbert, par son article 44, fait des esclaves "des êtres meubles" qui peuvent donc être achetés ou vendus.
Le texte énonce également les droits et les devoirs de leurs maîtres, obligés par exemple d’instruire et baptiser leurs esclaves (article 22), mais également seuls à pouvoir autoriser leur mariage (article 10). Les esclaves, eux, sont soumis à de nombreux interdits. "Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leurs maîtres", édicte ainsi par exemple l’article 28. Les enfants des esclaves sont par ailleurs considérés eux-mêmes esclaves dès leur naissance (article 12).
De nombreux articles du premier Code noir viennent légitimer les châtiments corporels à l’égard des esclaves. L’article 38 notamment témoigne de l’extrême violence autorisée par le texte. "L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître l'aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lys sur une épaule ; s'il récidive un autre mois pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d'une fleur de lys sur l'autre épaule ; et, la troisième fois, il sera puni de mort."
Le Code noir ne sera abrogé qu’en 1848 lors de l’abolition de l’esclavage par la France, entériné par le décret Schoelcher du 27 avril.
L'appellation Code noir apparaît, sous la Régence de Philippe d'Orléans (à ne pas confondre avec Philippe d'Orléans, Philippe de France dit "Monsieur") dont le ministre était John Law, pour désigner d'abord en 1712 un recueil comportant deux textes: les ordonnances de Louis XIV datées de mars et d'août 1685, l'une réglementant la condition des esclaves noirs dans les Îles françaises d'Amérique, l'autre établissant un Conseil souverain dans Île de Saint-Domingue, ensuite à partir de 1723 deux textes supplémentaires qui étendent ce statut aux Îles Mascareignes et à la Louisiane.
La premier texte est l'ordonnance rédigée par le secrétaire d'État à la Marine Marquis de Seignelay (1651-1690), fils du ministre Colbert, et promulguée en mars de 1685 par le roi Louis XIV sous le titre: « Ordonnance ou édit de mars 1685 sur les esclaves des îles de l'Amérique ». Un seul manuscrit de ce texte est actuellement connu, il est conservé aux Archives nationales d'outre-mer. Son rédacteur s'est appuyé sur deux mémoires qui avaient été rédigés par les intendants successifs des Îles d'Amérique et qui ont été conservés, l'un de 1682, l'autre de 1683 qui est plus complet, rédigés respectivement par les intendants Jean-Baptiste Patoulet, premier intendant des îles d'Amérique, puis son successeur Michel Bégon, qui siègent en Martinique bien que les mémoires soient signés à Saint-Christophe, première colonie française fondée aux Antilles et premier siège du gouvernement général. Les rapports entre ces mémoires et le texte de l'ordonnance de mars 1685 ont été mis en lumière et étudiés par l'historien Vernon Palmer dans les années 1990.
Le second et le troisième textes concernent respectivement les Mascareignes et la Louisiane : ils sont rédigés sous la régence de Philippe d'Orléans, promulgués aux mois de décembre 1723 puis de mars 1724 par le roi Louis XV, alors âgé de treize ans. Le contenu juridique et la numérotation des articles ont été en partie modifiés par rapport à ceux de l'Édit de mars 1685. C'est sous la Régence que les premières autorisations royales pour pratiquer la traite d'esclaves ont été données à des armateurs de ports français.
À partir du milieu du XVIIIe siècle, l'expression Code noir est utilisée par des éditeurs, comme les Libraires associés et Prault, pour désigner non pas seulement des édits, mais des recueils de textes juridiques applicables aux colonies françaises.
Ces recueils regroupent, autour de l'ordonnance ou édit de mars 1685, les lois, décisions royales, textes juridiques élaborés par le pouvoir royal pour les colonies et relatifs au gouvernement, à l'administration et à la condition des esclaves des pays du domaine colonial de la France entre 1685 et la fin de l'Ancien Régime.
Évoluant dans le temps et pour chaque colonie, ces textes précisent le statut civil et pénal des esclaves, ainsi que les relations entre les esclaves et leurs maîtres.
À travers ces recueils, se lisent les évolutions de la condition juridique des esclaves dans les colonies du royaume de France avant le décret d'abolition de l'esclavage du 4 février 1794.
Métis , Mulâtre, Quarteron …
Un métis, au féminin : Une métisse (du latin : mixtīcius, ou mixtus, qui signifie « mélangé »/« mêlé »), est une personne dont les parents ont des origines géographiques, culturelles, ou des caractéristiques phénotypiques différentes. Pour les scientifiques, tous les êtres humains sont le produit d'un mélange génétique de même nature.
La population métisse, comme la population blanche, s'est appropriée ces classifications par nuance de couleur et il en reste des traces dans le langage, notamment aux Antilles françaises. D'autres termes antillais existent, et sont plus ou moins usités. Certains sont péjoratifs comme chapé coolie qui désigne les métis indiens, d'autres restent plus affectifs comme chabin (féminin: chabine) et désignent les métis à la peau claire (ou avec des yeux ou cheveux clairs). L'hybride issu du mouton et de la chèvre est aussi nommé chabin, chabine.
Chaque teinte entre le noir et le blanc a eu son qualificatif. Dans les Antilles françaises, en Espagne, au Portugal, au Brésil et dans le sud des États-Unis comme dans plusieurs autres pays, l'importance de l'origine raciale ne s'arrêtait pas à la première génération. Une classification raciste selon la part de « sang noir » s'est mise en place, ainsi traditionnellement :
- Un enfant issu d'une union noir-blanc est un mulâtre (mulâtresse) du terme mulet engendrés par un âne (Equus asinus) et d'une jument (Equus caballus).
- Un enfant issu d'une union mulâtre-blanc est un quarteron (quarteronne)
- Un enfant issu d'une union quarteron-blanc est un octavon (octavonne)
- Un enfant issu d'une union mulâtre-noir est un câpre (câpresse) ou un griffe (griffonne)
Le terme quarteron signifie que l'individu a un quart de sang noir et octavon qu'il en a un huitième (les qualificatifs ont par exemple été utilisés concernant Alexandre Dumas père et fils).
En langue anglaise la division ne s'arrêtait pas à octoroon (l'équivalent d'octavon), on avait donc ensuite le quintroon (c’est-à-dire la cinquième génération à partir de l'ancêtre noir), nettement plus fréquent que son synonyme hexadecaroon (qui signifie que l'individu a un seizième de sang noir). Ces derniers qualificatifs ont probablement été très peu utilisés car à ce niveau les individus n'ont plus aucune caractéristique les différenciant des blancs.
Dans les Antilles françaises, à Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti), en Guadeloupe et en Martinique, la systématisation et la radicalisation de l’emploi des nuances de métissage dans les registres paroissiaux arrivent après la Guerre de Sept Ans (1756-1763). Le terme mulâtre désigne alors précisément une personne ayant un parent blanc et un parent noir. Les termes suivants étaient utilisés dans les registres paroissiaux puis dans les actes d'état civil.
À noter qu'en Martinique et en Guadeloupe, le terme de Quarteron ne désigne pas une personne ayant 1/4 de « sang noir » comme dans la partie française de Saint-Domingue, mais l’individu provenant d’un Blanc et d’une métisse et qui a donc 1/8 de « sang noir ». Ainsi, les différences fondamentales entre la partie française de Saint-Domingue et la Martinique et la Guadeloupe viennent principalement des termes métis et quarteron dont la signification est inversée.
L'adjectif « nègre » fut utilisé au XXe siècle comme terme regroupant l'ensemble des populations africaines ou d'origine africaine, et retrouvera alors sa qualité purement descriptive de la spécificité d'une culture parmi d'autres : Pablo Picasso parlera alors de l'« art nègre », et s'en inspirera. Une évolution similaire se produit aux États-Unis avec la version anglophone du mot : negro, descriptif, opposé à nigger, péjoratif.
Nègre est un substantif masculin (négresse au féminin) à l'origine, synonyme de l'adjectif « noir » (du latin niger : noir) et qui a pris au fil des années en français standard un caractère péjoratif pour désigner les Noirs ; en créole haïtien, le mot « nèg » (nègre) veut simplement dire « homme ».
Egger Ph.