L'univers énergétique vu avec le télescope à rayons X eROSITA - Tous droits réservés Jeremy Sanders, Hermann Brunner et l'équipe eSASS (MPE) ; Eugene Churazov, Marat Gilfanov (au nom de l'IKI)
Alors que le rayonnement fossile ne cesse de se refroidir depuis le Big Bang, la matière baryonique formant les halos des amas de galaxies ne cesse de se réchauffer selon un groupe de cosmologistes ayant analysé des observations faites notamment avec le satellite Planck. On pense savoir pourquoi ce réchauffement cosmologique est en cours.
Les analyses des données du rayonnement fossile collectées avec la mission Planck nous ont appris que l'Univers observable est âgé d'environ 13,8 milliards d'années et cet âge est parfaitement cohérent avec les datations de la Voie lactée basées sur la théorie de l'évolution stellaire, que ce soit en observant la position des amas d'étoiles sur le fameux diagramme HR ou en mesurant les abondances d’uranium 235 et 238 dans notre Galaxie.
La cosmologie relativiste nous permet de construire des modèles d'Univers en évolution et voici qu'aujourd'hui, une équipe internationale d'astrophysiciens et de cosmologistes menée par Yi-Kuan Chiang du Center for Cosmology and AstroParticle Physics de l'Ohio State University vient de publier un article intéressant dans Astrophysical Journal, article que l'on peut trouver en accès libre sur arXiv.
Leur conclusion ? Tout simplement que la température de l'univers observable, au niveau de son contenu en baryons dans le plasma baignant en particulier les amas de galaxies, a été multipliée par plus de 10 fois au cours des 10 derniers milliards d'années, atteignant environ deux millions de kelvins aujourd'hui.
Ils sont arrivés à cette affirmation en étudiant les variations du spectre du rayonnement fossile au cours de cette période en utilisant le fameux effet Sunyaev-Zeldovich (SZ). Pour cela, il leur a fallu combiner les observations de Planck avec celles des galaxies dans l'infrarouge via le défunt Infrared Astronomical Satellite (IRAS) et surtout dans le visible avec le Sloan Digital Sky Survey.
Le cosmologiste et astrophysicien russe Rashid Sunyaev a reçu la médaille Benjamin Franklin de physique 2012 pour ses contributions monumentales à la compréhension de l'univers primitif et des propriétés des trous noirs. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © The Franklin Institute
Des photons qui entrent en collision avec des électrons
Pour comprendre de quoi il en retourne, il faut savoir ce qu'est l'effet SZ. Il est simple à comprendre. Le rayonnement électromagnétique d'un astre est comme l'émission d'un gaz de photons avec des particules d'énergies différentes, ce qui, dans le langage des ondes, est équivalent jusqu'à un certain point à une courbe d'intensité lumineuse en fonction de la fréquence. Quand des photons entrent en collision avec des particules chargées -- des électrons dans un plasma par exemple --, ils perdent ou gagnent de l'énergie par effet Compton direct ou inverse comme l'on dit. Au final, le spectre initial, proche de celui d'un corps noir, est distordu et la distorsion est fonction de la température du plasma.
Bien sûr, au cours de l'évolution du cosmos observable, la température du gaz de photons du rayonnement fossile diminue et il est possible d'utiliser des molécules pour tracer cette évolution de sa température au cours du temps et donc, en observant les effets loin dans l'espace sur des raies d'absorption de certaines de ces molécules.
De même, et c'est là toute l'idée centrale du travail des chercheurs, si la température des plasmas baignant les amas de galaxies évolue au cours du temps, l'effet SZ ne sera pas le même et on peut donc, en théorie, se servir de cet effet pour mesurer l'évolution de la température du plasma de baryons. Mais, il faut pouvoir associer une distance bien précise aux amas de galaxies affectant le rayonnement fossile pour cela. C'est ce que l'on peut faire en mesurant les décalages spectraux vers le rouge de ces galaxies pour leur appliquer ensuite
la loi de Hubble-Lemaître.
Une présentation du Sloan Digital Sky Survey. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © American Museum of Natural History
Or, il se trouve que, conformément au modèle cosmologique standard développé par le prix Nobel de Physique James Peebles depuis des décennies, la matière baryonique laissée par le Big Bang s'effondre gravitationnellement sous l'effet de sa propre gravité mais aussi de la matière noire dans les amas de galaxies et les filaments regroupant les amas de galaxies. Tout se passe donc comme si le plasma baryonique était lentement comprimé au cours du temps cosmique. Sans surprise, comme dans le cas d'un gaz parfait comprimé sur Terre, il doit s'échauffer. Et c'est justement ce que Yi-Kuan Chiang et ses collègues constatent, en accord avec les prédictions théoriques.
Le réchauffement climatique n'a rien à voir avec le réchauffement cosmologique
Tristement mais malheureusement à cause de l'esprit du temps marqué par des hold-up intellectuels et financiers en rapport avec la fake science et le complotisme, Yi-Kuan Chiang est obligé de rappeler dans le communiqué de son Université que le réchauffement dont lui et ses collègues parlent -- causé par le processus naturel de formation des galaxies et des grandes structures qui les rassemblent -- n'a aucun rapport avec le réchauffement de la Terre : « Ces phénomènes se produisent à des échelles très différentes. Ils ne sont pas du tout connectés ».
Nous avons suffisamment de recul actuellement pour savoir que le réchauffement climatique est bien d'origine humaine et n'a rien à voir avec, par exemple, l'activité du Soleil, contrairement à ce que certains persistent à affirmer. On se doit de consulter à ce sujet les excellentes vidéos de débunking de la chaîne
YouTube du
Réveilleur.
Ce serait complètement stupide aussi de faire intervenir, pour expliquer le réchauffement cosmologique et donc de la Terre, une quelconque influence des univers bulles découlant de certaines théories inflationnaires, d'abord parce que ce ne sont que des spéculations alors que nous avons une explication bien corroborée par les faits et basée directement sur une physique bien classique et prouvée en laboratoire -- autant se poser la question de savoir si il n'est pas plus approprié de penser que le réchauffement de mon café dans mon micro-ondes n'est pas dû à des lutins verts sur Mars ou que la Terre est peut-être plate, parce que, finalement, on ne sait pas tout, et qu'il faut garder l'esprit ouvert, essence même de toute démarche scientifique -- et ensuite, parce que, même si l'on s'est interrogé sur certaines signatures possibles de ces bulles dans le rayonnement fossile, rien n'a résisté à la critique à ce sujet et que, presque par définition, ces bulles seraient déconnectées de nous causalement, la nôtre étant trop jeune pour avoir eu le temps d'être affectée par des influences allant à la vitesse de la lumière.
Certes, on pourrait faire intervenir des effets d'une physique transluminique mais ce serait encore empiler des hypothèses et des spéculations. L'intrication quantique ne peut pas jouer un rôle non plus, même si on a fait des spéculations à son sujet en cosmologie. Pour mémoire, on a des difficultés à maintenir l'intrication avec un grand nombre de particules à cause de décohérence quantique, alors imaginer des effets de la taille du cosmos, ça n'est pas simple... Bref.
Laurent Sacco