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mardi 23 juillet 2024

Les frères Egger cultivent 10% des oignons suisses qui garnissent nos assiettes de Genève à Saint-Gall

 

Les oignons produits par Philippe Egger, avec son frère Simon et son père Edwin, 
sont essentiellement destinés à la restauration collective. Images: FLORIAN CELLA


On voulait voir la récolte. On avait acheté un chapeau, voyant 35 °C s'afficher au thermomètre. On était prêt. Il a fallu annuler. «Les oignons craignent les coups de soleil», explique Simon Egger au téléphone. Sans rire? Une semaine plus tard, après la canicule de fin juin, le jeune agriculteur nous accueille sur le domaine familial, à Chavornay. De quoi obtenir des explications, ainsi qu'une foule d'infos sur un ingrédient si présent dans nos assiettes qu'il suscite rarement la curiosité.

Simon Egger avec la récolte des oignons «d'hiver», qui bat son plein entre fin juin et début juillet


D'abord, le point sur les coups de soleil: «Une fois sortis de terre, les oignons sont en principe laissés sur le sol pour sécher quelques jours. Mais avec ce soleil, ils se mettent à cuire sous leur couche extérieure. Autant les laisser en terre!» Avec son frère Philippe et son père Edwin, Simon, 32 ans, gère un domaine où poussent environ 10% des oignons de Suisse. Pas sûr toutefois qu'ils soient les plus gros producteurs. La Suisse compterait environ 400 hectares de cultures, que se partagent une poignée de grandes exploitations. Ensemble, ils permettent au pays de produire localement la totalité des oignons qu'il consomme.

Pelage high-tech

«Ces cultures demandent un matériel spécifique et des investissements importants», observe Simon pour expliquer la rareté des petits joueurs dans ce domaine. Qui plus est, chez les Egger, on ne fait pas que récolter les oignons, on les conditionne aussi, ce qui offre un surplus de compétitivité. Pour cela, il a fallu se doter d'une machine digne de cette agriculture du XXIe siècle: la peleuse, comme l'appellent les deux frères. Avant de la voir de plus près, ils préviennent: «On va pleurer!» Il y a des choses contre lesquelles la technologie ne peut rien. Ce qu'elle peut en revanche, c'est peler des dizaines d'oignons à la minute sans que l'on ait besoin d'y toucher.

Les bulbes sont pelés par une machine venue des Pays-Bas. 
«Dans l'oignon, c'est là que tout se fait», dit Simon Egger


En rang d'oignons, les bulbes commencent par passer sous l'œil de petites caméras. S'ils ne sont pas en bonne position, un mécanisme s'enclenche pour y remédier. Ils sont ensuite entaillés, leurs extrémités coupées. Puis par un système de soufflerie, ils sont débarrassés de leur peau d'un coup sec. «Il n'y a que deux machines de ce type en Suisse, relève Simon. Celle-ci vient des Pays-Bas. Imaginez que par rapport aux 400 hectares suisses, il y en a 30'000 là-bas. C'est vraiment de l'agriculture intensive. Dans l'oignon, c'est là que tout se fait.»


Les récalcitrants qui ont gardé leur peau sont pelés par des ouvriers avant d'être conditionnés sous vide


Le cœur high-tech de l'exploitation ne fait pourtant pas tout le travail. En tout, 10 à 15 employés du domaine se dédient entièrement aux oignons, en particulier en période de récolte. Il y en a deux par année. On tombe bien: sur environ deux semaines entre fin juin et début juillet, on ramasse les oignons «d'hiver». Simon en ramasse un sur le sol de son champ et fait la moue: «Ils ne sont pas très beaux!» Mais cette variété robuste a l'avantage de se semer à l'automne, de survivre à l'hiver et de se récolter en été. C'est ce qui permet à l'exploitation d'avoir toujours des oignons pour ses clients. Les oignons «d'été», plus beaux et plus délicats, se sèment au printemps, poussent à la belle saison et se récoltent en septembre. Ils forment le gros de la production. Une fois récoltés, ils passent l'hiver en chambre froide et sont écoulés petit à petit jusqu'en juin, coup d'envoi de la prochaine récolte. La boucle est bouclée.

L'été de tous les dangers

Pour les oignons d'hiver, c'est donc maintenant que cela se passe. Revenus des champs, ils sont triés, calibrés, et mis à sécher dans un hangar subtilement ventilé. À la sortie de la peleuse, des ouvriers effeuillent les bulbes récalcitrants avant de les emballer sous vide et les entreposer dans des cageots. C'est le sort de la plupart des oignons des frères Egger: récupérés par des entreprises de primeurs en gros, ils sont expédiés, non pas sur les étals des supermarchés, mais vers les cuisines de la restauration collective. «On en retrouve de Genève à Saint-Gall. En Suisse romande surtout, si votre plat à la cantine contient des oignons, il y a de fortes chances pour qu'ils viennent d'ici», sourit Simon.

Si pour les oignons d'hiver l'affaire est entendue, pour ceux d'été, c'est la saison de tous les dangers. «Nous faisons des échanges de terrains avec d'autres agriculteurs de la région. C'est une manière de répartir les risques géographiquement, en cas de grêle notamment», explique Simon. Mais dans la fertile plaine de l'Orbe, le précieux bulbe craint aussi les maladies. Et pour y parer, les frères Egger étudient les alternatives aux produits phytosanitaires. Dans l'un de leurs champs, l'arrosage classique, qui expose davantage les plantes, est remplacé par un système d'irrigation enterré. Piloté du bout des doigts par une application smartphone, il permet d'hydrater les cultures «au goutte-à-goutte», entraînant par la même occasion des économies d'eau. «Aucun paysan n'utilise les produits phytosanitaires de gaîté de cœur, défend Philippe. Le défi est de maintenir une production suisse sans avoir à importer des produits de l'étranger qui ne répondent pas aux mêmes normes que les nôtres.» Rendez-vous en septembre pour la grande récolte.

Chloé Banerjee-Din

24heures.ch