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dimanche 11 août 2024

Le pire job du monde? Être Premier ministre en France après les JO

 

Il va falloir redescendre du podium M. Macron


C’est parti pour l’épreuve la plus difficile de cet été olympique français: trouver le bon Premier ministre pour diriger le gouvernement, à la place du sortant Gabriel Attal, 35 ans, démissionnaire depuis le 16 juillet. Plus qu’une épreuve, car toutes les options qui se présentent sont de nature à décevoir une population grisée par les deux semaines de fièvre et de ferveur patriotique et tricolore. Au point que certains soupçonnent Emmanuel Macron de vouloir faire durer la trêve sportive jusqu’au 14 septembre, date de la grande parade finale des athlètes médaillées durant les Jeux olympiques et paralympiques…

Trois petits rappels d’abord, qui vous donneront une idée du mal de tête politique que pas mal de Français risquent de ressentir dans les semaines à venir:

Le décideur

Il n’y en aura qu’un: Emmanuel Macron, ce président à qui la constitution confère le pouvoir de nommer qui il veut, y compris une personnalité non élue et sans affiliation partisane. La constitution est implacable. Le Chef de l’État peut faire ce qu’il veut, même si le Premier ministre devra, ensuite, trouver une majorité à l’Assemblée nationale pour faire voter les lois, à commencer par la loi de finances, c’est-à-dire le budget.

Le calendrier

Là, plusieurs options se présentent. Pour rappel, les JO s’achèveront ce dimanche 11 août par une cérémonie au Stade de France baptisée «Records», avec Tom Cruise en vedette. Les Jeux paralympiques démarreront eux le mercredi 28 août pour se terminer le 8 septembre. Et entretemps, toute une série de dates sont déjà occupées par les cérémonies du 80e anniversaire du débarquement en Provence (le 15 août) et celles de la libération de Paris (le 25 août). Pour l’heure, le scénario le plus souvent envisagé est celui d’un ultime Conseil des ministres le 19 août, et d’une nomination dans la foulée. A charge pour le nominé de proposer rapidement un premier gouvernement. Fenêtre de tir pour sa prise de fonction: autour du 22 au 27 août.

Le casting

C’est là que tout se complique. Car il y a, sur le papier, trois possibilités. D'abord, la nomination (improbable) d’une personnalité issue de la gauche qui ne serait pas Lucie Castets, la candidate présentée par le Nouveau Front Populaire (NFP, alliance de gauche). Exemple: la présidente de la région Occitanie Carole Delga. Ensuite, la nomination souvent évoquée d’une personnalité de centre droit, suffisamment sociale pour convaincre des députés de gauche de rallier cette majorité ad-hoc, par exemple le président de la région Nord Xavier Bertrand. Enfin, le choix d’une personnalité hors des clous, au profil politique non partisan, par exemple un technocrate familier des arcanes du pouvoir comme Frédéric Salat-Barroux, ancien secrétaire général de l’Élysée sous Jacques Chirac, dont il a épousé la fille Claude. Ou bien le maire d'une grande ville de France.

Le pire job du monde

Dans tous les cas, une certitude: il sera impossible pour le futur Premier ministre français de compter d’emblée sur une majorité absolue de 289 sièges, sauf peut-être s’il nommait le judoka Teddy Riner! En fonction des choix, le nombre de députés sur lesquels il ou elle pourra compter sera d’environ 210-220. A chaque projet de loi, le risque d’une motion de censure déposée par les oppositions se présentera, avec le Rassemblement national et ses 143 élus en embuscade. Un paysage politique? Non, un champ de mines.

Emmanuel Macron a pour lui le vent en poupe des Jeux Olympiques réussis. Il a gagné son pari d’une France festive, volontaire, audacieuse, gagnante et couronnée de succès. Il voit sa cote de popularité remonter légèrement. Peut-il, dans ces conditions, changer de tempérament, abandonner son caractère si peu partageur du pouvoir, et nouer une relation de confiance avec un futur chef du gouvernement alors qu’il semble avoir pris ses distances avec son poulain Gabriel Attal?

Le pire job du monde, oui. Vous imaginez: ce Premier ministre sans majorité sera celui du démontage généralisé des sites olympiques, des retrouvailles avec les problèmes budgétaires et sociaux, et du retour de la politique et des polémiques qui vont avec. Pas sûr que beaucoup de personnalités aient envie de monter sur ce podium-là.

Succès olympique ou pas, Macron a toujours un problème: son caractère et il va devoir redescendre du podium

Comment comprendre la France et les Français? Avant les Jeux olympiques, le refrain défaitiste prévalait dans l’opinion publique, sur fond de fractures électorales. Et voilà qu’après la réussite de ces JO qui s’achèvent ce dimanche, le fond de l’air est complètement différent. Fierté, patriotisme, esprit de victoire. Quelles leçons en tirer? Nous avons profité d’une escale à Marseille, où il réside, pour en parler avec l’un des meilleurs chroniqueurs de la France politique: Franz-Olivier Giesbert, dont le dernier opus «Tragédie française» (Ed. Gallimard) est un best-seller.

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Franz-Olivier Giesbert, le succès populaire incontestable de ces Jeux vous a surpris?

Non, j’ai toujours pensé que les Français seraient au rendez-vous. Mais il s’est passé quelque chose de plus, c’est évident. Un réel engouement. Ce succès ridiculise un peu tous ceux qui, dans ce pays, ont trop souvent mauvais esprit et sont passés maîtres dans l’art de l’autoflagellation. On nous a quand même expliqué que rien ne marcherait!

Ce succès, c’est aussi celui d’Emmanuel Macron?

Le président de la République devrait changer de fonction. Il serait parfait, dans un futur gouvernement, comme ministre chargé des commémorations et des grands événements. Regardez la manière dont s’est déroulée la cérémonie anniversaire des 80 ans du débarquement en Normandie. C’était impeccable, extraordinaire. Idem pour ces jeux, exception faite de quelques fautes de goût qui ont émaillé la soirée d’ouverture. Je n’ai pas été choqué par ce que j’ai vu, plutôt par ce qu’il n’y avait pas. On aurait pu essayer une sorte de grand choc technologique comme l’avaient fait les Chinois. J’ai trouvé étrange certains choix du metteur en scène. On a oublié des personnages comme Marie Curie, comme Jeanne d’Arc, comme le Général de Gaulle ou Napoléon. Il y avait, dans ce spectacle, un côté un peu infantile.

Tout s’achève aujourd’hui, avant les Jeux paralympiques qui débuteront le 28 août. L’élan olympique va rester?

Les soufflés retombent vite. Je ne crois pas que cette ferveur va durer. C’est une fadaise. Je me souviens de Jacques Chirac qui croyait être redevenu le roi du monde après le triomphe de l’équipe de France de football en 1998. Le propre des parenthèses enchantées est qu’elles se terminent. La redescente sur terre ne va pas tarder, avec tous les sujets que ces JO ont mis sous le tapis, à commencer par celui des finances publiques. J’espère juste que les agences de notation ne vont pas siffler la fin de la récréation! Mais avouez qu’il y a de quoi être inquiet. Sans majorité parlementaire, un budget ne pourra pas être voté. Or, je ne vois pas trop comment un pays peut avancer sans budget ou sans gouvernement. Ceux qui pensent qu’un gouvernement en affaires courantes est une bonne nouvelle se trompent. La France a des problèmes structurels, comme l’excès de réglementations, de lois et d’impôts. Mais elle a besoin d’être gouvernée.

Le succès des sportifs français, c’est un réveil patriotique bienvenu?

Le patriotisme est une bonne nouvelle. L’idée qu’on se retrouve dans des champions de valeur ne peut pas faire de mal. Au contraire. Ces succès ont prouvé une chose aussi simple qu’évidente: la France n’est pas finie. C’est une belle idée. Une belle personne. Après, je sais que les contraintes infligées aux Parisiens étaient énormes. Mais je m’en fous: je ne vis plus à Paris…

Que retenez-vous de ces Jeux?

L’engouement autour de Léon Marchand. Ce que ce type a fait est juste dingue. C’est un mec qui arrive, simple, et qui rafle tout. Le genre champion du siècle. C’est extraordinaire. La natation n’est pourtant pas le sport qui m’excite le plus.

Et si on parlait de politique: comment Emmanuel Macron s’en sort?

Il ne s’en sort pas. Il voit bien que la situation est inextricable. Je ne crois pas du tout à la prolongation d’un gouvernement en affaires courantes. La vérité est que Macron a cru, avec la dissolution, qu’il allait gagner et que la peur du Rassemblement national lui permettrait d’obtenir une majorité. C’est raté. Et il va falloir maintenant expliquer aux Français pourquoi il était possible de faire un Front républicain avec toute la gauche contre le RN, mais qu’il est maintenant hors de question de gouverner avec La France Insoumise! Les électeurs ont de bonnes raisons de se sentir blousés. Si gouverner avec LFI n’est pas possible, si ce parti n’est pas fréquentable, alors, pourquoi avoir accepté les voix de ses électeurs?

Le Premier ministre idéal, c’est qui?

La personnalité va jouer énormément. Parce qu’il s’agit quand même de monter sur le Titanic! Et de gouverner avec un président, Emmanuel Macron, qui a beaucoup abîmé ses alliés politiques depuis sa première élection. Je pense à une personnalité de droite modérée et sociale, comme Philippe Juvin. Ou carrément à une personnalité respectée hors partis, comme Frédéric Salat-Barroux, secrétaire général de l’Élysée sous Jacques Chirac ou Yves de Gaulle, le meilleur héritier du Général.

Et ça peut tenir?

Non. Ça peut marcher quelque temps, mais on ira forcément vers une nouvelle dissolution. Je ne vois pas d’autre choix possible.

Dure fin de mandat pour le président donc?

Oui, ce sera une fin de mandat pénible. Ce qui est assez logique. Macron a été élu de manière étrange, suite aux défections de François Hollande et François Fillon. Bis répétita en 2022, avec la guerre en Ukraine qui écrasait tout. Rien ne colle en fait. Jusqu’à cette décision de dissoudre l’Assemblée nationale. Macron garde cela dit un énorme talent. On ne peut pas dire qu’il est sans qualités. Il doit juste mettre son talent au service d’une stratégie, d’une intelligence politique. Son problème, c’est son caractère. J’ai fait longtemps partie de ceux qui pensaient qu’il l’apprendrait. Erreur. Il reste trop seul pour ça. Il n’écoute pas. Or les plus grands écoutent toujours. Ils interrogent le moindre clampin. Ils observent. Macron, lui, pense qu’il a la science infuse. Il ne sent pas le pays. La vie des autres ne l’intéresse pas. Il reste emmuré dans son monde, succès des JO ou pas.

A lire: «Tragédie française» par Franz-Olivier Giesbert (Ed. Gallimard)



Et vous, qui voyez-vous comme Premier ministre en France ? 

Écrivez-moi: richard.werly@ringier.ch


Richard Werly

blick.ch