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lundi 14 octobre 2024

Le pont de la Poya a-t-il vraiment fait diminuer le trafic?

 

En ce mois d’octobre, le pont de la Poya fête son dixième anniversaire


Le pont de la Poya fête, en ce mois d’octobre, ses dix ans. Une décennie d’existence que La Liberté met en lumière par le biais d’une série déclinée en quatre volets. Dans ce premier épisode, nous décortiquons les chiffres clés: comment la charge de trafic a-t-elle évolué sur les principaux axes entourant l’ouvrage? Pour le savoir, nous avons obtenu de la Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l’environnement (DIME) de toutes nouvelles statistiques, collectées en ce début d’automne, montrant le nombre de véhicules transitant quotidiennement sur chaque tronçon avoisinant. Ces données permettent de dresser une comparaison avec la situation observée en 2013, soit avant l’ouverture de ce monstre de béton devenu aujourd’hui emblématique de la ville de Fribourg.


Premier constat: le pont a bel et bien libéré le quartier du Bourg d’une part importante de son trafic. Avant 2014, près de 21 500 véhicules empruntaient chaque jour le pont de Zaehringen. Aujourd’hui, le trafic en est banni, à quelques exceptions près comme les bus ou la voirie. Résultat: une diminution du transit de presque 93%. Sur la route des Alpes, qui relie la place Georges-Python au Bourg, le nombre de véhicules quotidiens est passé entre 2013 et 2024 de 12 600 à 7900. Et sur la route de Morat, entre la Grenette et le Musée d’art et d’histoire, il y a 55% de trafic en moins. Baisse également sur la Route-Neuve (–1400 véhicules), le Varis (–4300) et la Grand-Fontaine (–1100). En revanche, le passage a légèrement augmenté sur la route des Neigles (+ 300).

Mais attention, l’ouverture du pont de la Poya n’est pas le seul élément ayant une influence sur le nombre de voitures transitant dans le secteur. En effet, entre 2014 et aujourd’hui, la population du canton a augmenté de 13% et le nombre total de véhicules routiers à moteur fribourgeois de presque 19%. Par ailleurs, d’autres facteurs peuvent aussi jouer un rôle: en dix ans, des projets immobiliers ont vu le jour dans la région, des commerces ont ouvert et d’autres ont fermé, l’offre en transports publics s’est étendue, la halte ferroviaire de la Poya a été inaugurée, des zones limitées à 30 km/h ont été créées et, de manière générale, les habitudes en matière de mobilité ont évolué. C’est pourquoi les chiffres présentés ici doivent être pris avec des pincettes.

Comme la Sarine

Chef du Service de la mobilité de l’Etat de Fribourg, Grégoire Cantin prévient par ailleurs: «Sur une route, c’est comme dans la Sarine: le débit n’est pas forcément le même tous les jours. Il faut donc considérer les mesures de trafic avec une certaine prudence. Néanmoins, nous avons à disposition des normes qui tiennent compte de différents facteurs comme les générateurs de trafic ou le comportement des gens et qui nous permettent de faire des comparaisons fiables.» Il relève également que les mesures faites en 2013 ont pu être légèrement biaisées par le chantier du pont, alors en construction.


Il n’empêche, le monitoring réalisé par la DIME livre des résultats intéressants. Grégoire Cantin rappelle: «L’objectif du pont n’était pas de créer une nouvelle route, mais de décharger le quartier du Bourg, qui est une zone historique, ainsi que de réduire le bruit et d’améliorer la qualité de l’air, donc de manière générale d’augmenter la qualité de vie.» Mais il fallait aussi éviter de reporter le trafic vers d’autres zones où il n’était pas désiré. Plusieurs routes, comme l’avenue Général-Guisan, la Route-Neuve, la Grand-Fontaine, le chemin de Lorette ou encore le Varis ont ainsi été définies comme des «axes plafonnés», à savoir des segments sur lesquels le nombre de véhicules ne devait pas augmenter. Pour cela, différentes mesures ont été prévues, comme l’installation de chicanes, des interdictions de trafic pour les poids lourds ou encore des zones de rencontre, telles que celle qui se trouve au sommet du Varis.

«En revanche, sur d’autres axes, qui sont principalement des routes cantonales telles que la route de Morat ou la route de Berne, des dépassements n’étaient pas considérés comme un problème étant donné qu’il s’agit d’axes de transit qui sont capables d’absorber la différence», explique Grégoire Cantin. Mais même sur ces routes cantonales, le nombre de voitures est en baisse. Aujourd’hui, le chef du Service de la mobilité peut donc l’affirmer: «Le pont de la Poya a atteint ses objectifs.» A noter que le point en lui-même accueille chaque jour le passage de quelque 20 000 voitures, camions et autres engins à moteur.

Trafic évaporé

Demeure une interrogation: si le trafic a diminué sur la plupart des voies entourant le pont, où sont donc passés tous ces véhicules? La charge s’est-elle reportée sur le reste du Grand-Fribourg? Grégoire Cantin indique: «La question que nous nous posons, c’est de savoir si ce trafic ne s’est pas tout simplement évaporé, ce qui s’expliquerait par exemple par le développement du télétravail ou le fait que les gens prennent davantage les transports publics. D’ailleurs, le nombre d’abonnements de transports publics vendus par la communauté tarifaire Frimobil a augmenté de manière très importante au cours des dix dernières années.» Et de conclure: «Le report modal est donc certainement plus important qu’avant.»

Nicolas Maradan

laliberte.ch