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Lorsqu’il entend parler d’un quatre-quarts, le gourmet se régale déjà à l’idée de déguster cette fameuse pâtisserie dont la recette comporte quatre ingrédients à parts égales, d’où son nom. Rien de commun donc avec l’Action des quatre quarts, mouvement qui propose une nouvelle fois de brader le passeport suisse.
Les adeptes estiment que le parcours menant à la naturalisation est trop long, trop exigeant et réclament donc un assouplissement des règles permettant de devenir citoyen suisse. Ainsi, une initiative populaire dite «pour un droit de la nationalité moderne (initiative pour la démocratie)» vient d’être déposée à la Chancellerie fédérale.
Le texte demande que tout étranger ait droit à la nationalité suisse s’il a séjourné légalement durant cinq ans en Suisse, s’il n’a pas été condamné à une peine privative de longue durée, s’il ne met pas en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse et s’il possède des connaissances de base dans une langue nationale.
La foire aux passeports suisses
En pratique, tout étranger ayant séjourné légalement chez nous durant cinq ans sans défrayer la chronique aurait droit à la naturalisation. La condition relative aux connaissances de base dans une langue nationale n’est là que pour faire bien, n’étant plus un prérequis à l’heure actuelle déjà. Dans leur argumentaire, les initiants ajoutent que toute personne née en Suisse doit recevoir le passeport suisse. On passe ainsi du droit du sang au droit du sol, comme en France dont l’exemple devrait nous alerter.
«Personne ne doit s’adapter pour 'mériter' la citoyenneté.» On trouve bon nombre d’arguments sidérants dans le manifeste de l’Action des quatre quarts mais celui qui figure en titre de ce paragraphe résume l’ensemble. La citoyenneté suisse est un droit fondamental qui ne demande aucun effort.
Plus besoin d’intégration, plus nécessaire d’adhérer à certaines valeurs fondamentales qui ont façonné notre vivre-ensemble. Ainsi, tout islamiste ouvertement en guerre contre l’égalité homme-femme pourra obtenir la nationalité, car «la diversité qui résulte de la migration ajoute à la richesse culturelle de la Suisse.» Le fait de recourir à l’aide sociale ne doit plus être pris en compte.
«La naturalisation, un droit fondamental – pour une Suisse moderne.» Les initiants estiment que le fait qu’un quart de notre population ne dispose pas du passeport suisse est le résultat d’une politique d’exclusion. Il n’y aurait guère de pays en Europe qui exigeraient autant que nous pour obtenir la nationalité
Certes, devenir suisse n’est pas une sinécure mais il faut rappeler que peu de pays en Europe, plus généralement dans le monde, accordent autant de droits démocratiques que la Suisse. Un Helvète dispose de prérogatives supérieures à celles octroyées à un membre du Parlement européen.
L’initiative, le référendum
Il n’y a aucun autre état sur notre continent qui octroie à ses citoyens le droit de proposer des changements constitutionnels, de réclamer un vote populaire au sujet d’une décision parlementaire. Et c’est bien parce que nous disposons de ces droits que les initiants peuvent soumettre leur vision de la citoyenneté au peuple. Ce faisant, ils démontrent que nos droits sont exceptionnels tout en relativisant leur valeur démocratique.
«Pourquoi les délinquants doivent-ils aussi être naturalisés?» La question est posée en ces termes sur le site des promoteurs de l’initiative. S’il était question de disqualifier le texte en quelques mots, ceux-ci suffiraient largement. Les initiants voient des raisons de naturaliser aussi les délinquants. Peut-être parce que «la diversité qui résulte de la migration ajoute à la richesse culturelle de la Suisse.»
Nous sommes habitués à la mansuétude que la gauche éprouve à l’égard des délinquants mais ici, il faut admettre que la bienveillance atteint un niveau himalayen. Sans doute pour faire disparaitre la surproportion étrangère dans les statistiques sur la délinquance. Point n’est besoin d’en dire plus, un non clair et net suffira le jour venu.
Céline Amaudruz