L’Union européenne vient de faire à la Suisse son cadeau pour la Saint-Valentin, sans attendre le 14 février. Réunis au sein du traditionnel et incontournable Coreper (le Comité des Représentants permanents des 27 pays membres de l’Union), ces derniers viennent d’approuver ce mercredi 12 février la poursuite du processus de négociations entre la Suisse et l’UE, conclu le 20 décembre par la visite d’Ursula von der Leyen à Berne.
Ils ont également donné mandat au Service européen d’action extérieure (le SEAE, la diplomatie communautaire) pour engager les discussions avec la Confédération en vue de conclure un «Non biding agreement» (un instrument juridiquement non contraignant) qui prendrait la forme d’une déclaration commune pour souligner la volonté des deux partenaires de se rapprocher sur le plan diplomatique.
L’heure est donc, à Bruxelles, à la main tendue vers Berne alors que du côté helvétique, le débat sur le paquet d’accords bilatéraux conclu le 20 décembre (et toujours pas publié) est de plus en plus tendu. Le calendrier l’impose: alors que la tempête diplomatique et commerciale souffle en provenance des Etats-Unis de Donald Trump, les 27 pays membres de l’Union européenne (UE) veulent donner à la Confédération de nouvelles preuves des convergences possibles entre partenaires si étroitement liés. Le texte adopté par les ambassadeurs des 27 sera soumis aux ministres des Finances des pays membres de l’UE le 18 février. Juste après la conférence annuelle sur la sécurité de Munich (du 14 au 16 février) où l’état des lieux transatlantique s’annonce houleux, en particulier à propos de l’Ukraine et des sanctions contre la Russie.
Déclaration d’intention
Selon des interlocuteurs bruxellois consultés par Blick, la future déclaration commune, proposée par l’Union, aura pour but de témoigner de «l’engagement politique des deux parties, soulignant leur intention de renforcer et d’améliorer la coopération de longue date en matière de politique étrangère et de sécurité, en tant que partenaires partageant les mêmes idées (en particulier compte tenu de l’évolution complexe de la situation géopolitique). Elle s’inscrirait dans le prolongement de l’aboutissement des négociations sur un ensemble d’accords à la fin de l’année 2024.»
L’objectif de cette déclaration? «Rapprocher le plus possible les politiques en matière d’affaires étrangères et de défense de l’Union européenne et de la Confédération helvétique», explique une autre source bruxelloise. Le calendrier y est favorable. L’offensive tous azimuts de la nouvelle administration Trump bouscule l’UE, et va évidemment poser en ricochet des dilemmes commerciaux à la Suisse.
«Le Service européen d’action extérieure (SEAE, la diplomatie communautaire) souhaite très fort prolonger le deal sur les bilatérales. Il ne s’agit pas d’évoquer des engagements financiers (on ne demande pas à la Suisse de dépenser tant…) mais de prévoir des rencontres plus régulières sur ces questions», juge un interlocuteur familier du dossier.
Sommet de la CPE
La Suisse est, pour rappel, candidate à l’organisation d’un prochain sommet de la Communauté politique européenne, ce forum informel dans lequel se retrouvent 47 pays du continent (sans la Russie et la Biélorussie), dont la Suisse et les 27 membres de l’UE. Le dernier sommet s’est tenu à Budapest (Hongrie) en octobre 2024 et la présidente de la Confédération Viola Amherd y assistait.
Une preuve d’amour, et après?
La question, pour Berne et pour la classe politique suisse, est l’interprétation de cette «preuve d’amour» bruxelloise. S’agit-il d’une chance, à l’heure où le Vieux Continent va subir inévitablement les secousses transatlantiques? Ou, au contraire, est-ce une nouvelle démonstration de la disparition progressive de toute marge de manœuvre pour une Suisse neutre, non-membre de l’UE mais arrimée à son grand marché, ce que l’UDC qualifie de situation «coloniale»?
Pour rappel, selon l’un des derniers sondages de l’institut gfs Berne pour la SSR, 54% des Suisses interrogés soutiennent les accords bilatéraux successifs (1999 et 2004, auxquels viennent s’ajouter les projets d’accords de la fin 2024). Beaucoup plus compliquée à vendre à l’opinion helvétique est, en revanche, l’image de notre grand voisin communautaire. Seuls un peu plus d’un quart des sondés se définissent comme «europhiles». Alors que près de la moitié des répondants indiquent ressentir un sentiment négatif ou plutôt négatif (49%), tandis que 83% qualifient l’Union européenne de «Moloch bureaucratique» (83%).
Plus problématique enfin alors que Bruxelles tend la main à la Suisse: 66% estimaient en octobre, dans ce sondage commandé par la SSR, que l’UE est incapable de réagir correctement aux défis de ce monde.
Solenn Paulic
Richard Werly