Entre l'équipe technique, les acteurs, les figurants et les curieux rassemblés pour voir ce qui se passait, ils sont plus d'une centaine à avoir passé la journée de dimanche devant l'Hôtel cantonal, à Fribourg, pour le tournage d'une scène cruciale du film Catillon: celle de la mise à mort de la sorcière.
Catherine Repond, la dernière femme brûlée après avoir été accusée de pratiquer la sorcellerie dans le canton de Fribourg, est morte vers 1731 sur le bûcher. La scène s'est en réalité déroulée au Guintzet, mais le film a préféré placer ce moment au cœur du Bourg, dans un décor plus en phase avec cette période de l'histoire.
L'homme à la tête du projet, Val Riedi, voulait mettre le patrimoine fribourgeois en avant dans ce film, qui sera distribué en trois parties: "On a une magnifique ville. Ne serait-ce que la cathédrale, elle est magnifique, c'est quelque chose qu'on devrait exploiter beaucoup plus à l'image. On devrait aussi plus tourner dans les châteaux qu'on a", s'enthousiasme le réalisateur autodidacte.
L'histoire apporte aussi une interprétation plus moderne au personnage de Catherine Repond, comme l'explique Lydie Souhait, qui l'incarne à l'écran: "C'est un personnage qui veut vivre sa vie comme elle l'entend et qui n'a pas envie de transiger avec le pouvoir ou les hommes et elle est condamnée pour ça."
Un récit entre imaginaire et réalité historique
Le scénario conserve certains éléments de faits historiques. Par exemple, le détail selon lequel Catherine Repond a été attachée à une échelle lors de son exécution sur le bûcher. "C'était très compliqué en termes logistiques, mais on l'a fait", se félicite Val Riedi.
Le film compte aussi une part de fantastique, afin de rendre toucher toutes les générations. "Sinon, il n'y a pas d'intérêt pour nous", explique le réalisateur autodidacte, "On va perdre un public, les enfants ne vont pas venir. Il faut quand même que le film touche tout le monde."
La première des trois parties sera visible en salles le 13 décembre prochain, notamment au cinéma Korso à Fribourg.
Les zones d’ombre d’une triste affaire
«Toutes les archives historiques n’ont pas encore été mises au jour concernant l’histoire de Catillon, qui mériterait de plus amples recherches», assure l’historien fribourgeois Jean-Pierre Dorand. En 2008, il avait déposé une motion au Grand Conseil avec le pasteur Daniel de Roche réclamant la réhabilitation juridique de Catherine Repond, dite Catillon. Officiellement condamnée au bûcher en 1731 pour avoir «pactisé avec le diable», la Gruérienne aurait été en réalité la victime d’un «assassinat judiciaire» car elle en savait trop sur les trafics menés par des personnages importants de Fribourg.
Le Grand Conseil avait opté pour une réhabilitation morale des victimes de l’Ancien Régime, sans plus, estimant une réhabilitation juridique «problématique» vis-à-vis du droit. «Nous demandions également que des recherches historiques soient entreprises sur ce procès et les autres condamnations iniques de l’Ancien Régime, ce qui a malheureusement été refusé», rappelle Jean-Pierre Dorand. Il se félicite tout de même que la ville de Fribourg ait honoré la mémoire de Catillon en 2010, en donnant son nom à une place du Guintzet, qui était le lieu d’exécution de Fribourg avant 1798. Le procès et le supplice épouvantable de Catherine Repond, mendiante née en 1663 à Villarvolard, supposée être la complice du diable, capable de se transformer en renard selon ses accusateurs, sont connus des historiens. Mais cette affaire pose encore des questions qui exigeraient de nouvelles investigations.
François-Pierre Noël
Simon Gumy