Une femelle s’y balade régulièrement, ainsi que sur sol vaudois. Elle vient d’être équipée d’un collier émetteur et s’est reproduite dans la région – où un de ses petits évolue. Prénommée Mona, elle est suivie par la fondation Kora. Selon son site web, cette fondation basée à Berne a pour mission «d’œuvrer à la conservation de la faune sauvage, en particulier des carnivores». Elle collabore notamment avec les offices cantonaux de chasse et les gardes-faune. Sa porte-parole, Nicole Bosshard, révèle quelques secrets sur Mona et ses semblables.
Quand avez-vous repéré Mona et comment l’avez-vous suivie avant la pose du collier en mars 2025?
Nicole Bosshard: La femelle B288, plus tard connue sous le nom de Mona, a été signalée en 2010 dans le Jura vaudois. Elle a été aperçue et photographiée par hasard en bordure de forêt, en compagnie de sa mère Aisha. En 2012, elle a été détectée pour la première fois par un piège photographique de la Police faune-nature du canton de Vaud, accompagnée d’un jeune. Il s’agissait alors de la première reproduction confirmée d’un lynx sur le Plateau suisse. D’autres preuves ont été obtenues en 2012 et en 2015 vers Neuchâtel. Puis lors des hivers 2020-2021, une enquête par pièges photographiques a été effectuée dans les cantons de Vaud et Fribourg. C’est ainsi que Mona a pu être retrouvée.
En 2021 et 2023, d’autres observations ont permis de documenter sa reproduction. Les lynx sont reconnaissables individuellement grâce aux motifs de leur pelage. La région dans laquelle Mona vit ne fait pas partie des aires de référence intégrées au système de monitoring déterministe du lynx en Suisse. Cela signifie qu’aucun suivi systématique de la population de lynx n’y est effectué – ce qui a permis à Mona de vivre longtemps inaperçue.
Comment avez-vous procédé pour lui poser ce collier?
Dans la phase actuelle du projet conservation du lynx GSD «génétique, santé et démographie», nous nous intéressons à l’expansion du lynx sur le Plateau. C’est pourquoi la région où vit Mona a gagné en importance. Lors d’une tentative de capture en 2025, nous avons finalement pu l’équiper d’un collier émetteur. (Un de ses petits, né en 2023, en avait déjà été équipé dans le canton de Fribourg fin 2024 dans le cadre de ce projet GSD, selon le site de Kora, ndlr).
Le processus de pose se déroule en collaboration avec les gardes-faune et l’institut FIWI de l’Université de Berne. Les gardes-faune nous signalent d’éventuelles prédations sur des animaux sauvages. Puis à l’aide de pièges photographiques, nous vérifions si un lynx revient sur le site de la proie. Si c’est le cas, nous décidons s’il est pertinent d’installer des pièges afin de capturer l’animal. Nous attendons alors à proximité, endormons temporairement le lynx à l’aide d’un tranquillisant, posons le collier, et procédons à un examen vétérinaire ainsi qu’à des prélèvements.
Quel est le but de cette démarche au niveau scientifique?
Actuellement, dans le cadre du projet GSD, plusieurs lynx du Plateau suisse sont équipés de tels colliers. L’objectif de cette surveillance par télémétrie est d’étudier plus en détail le choix de l’habitat, le succès de reproduction et la survie des lynx dans le Plateau, une région fortement influencée par l’activité humaine et fragmentée par de nombreuses infrastructures de transport.
Quelles nouveautés avez-vous pu apprendre sur Mona et sur l’espèce?
C’est l’objet des enquêtes en cours. Pour Mona, on sait qu’elle traverse souvent l’autoroute entre Yverdon et Payerne en passant sous la route qui est surélevée. Aucune reproduction n’a été documentée en 2025, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de son âge remarquable pour une femelle à l’état sauvage, soit 15 ans. Les lynx peuvent vivre jusqu’à 20 ans et les femelles ont en moyenne deux petits: 1 à 4 par reproduction.
Combien notre canton compte-t-il de lynx?
Comme les lynx ne respectent pas les frontières cantonales, nous n’indiquons pas de chiffres pour les différents cantons. Nous estimons l’abondance et la densité dans des aires de référence désignées et les extrapolons à l’ensemble du pays avec toutes les autres observations faites en Suisse. Sinon, il y a un risque de compter deux fois les individus. Les dernières estimations tablent sur 343 lynx dans toute la Suisse pour l’année 2023-2024.
On connaît la problématique liée à la prédation du loup sur les animaux de rente. Qu’en est-il du lynx?
Le lynx est une espèce protégée, sa protection est réglementée au niveau national. L’animal se nourrit principalement de gibier sauvage. Il arrive toutefois qu’il s’attaque à des animaux de rente, surtout des moutons. Comme les dégâts causés au bétail ont été faibles ces dernières années, les conflits sont rares (en moyenne une cinquantaine de cas reconnus et indemnisés tous les ans en Suisse, selon le site de Kora, ndlr). Ils peuvent survenir ponctuellement avec des lynx isolés qui se spécialisent dans la chasse au bétail mais dans ces cas, les responsables cantonaux de la protection des troupeaux conseillent les agriculteurs concernés et, au cas par cas, le canton peut demander une autorisation de tir conformément au Concept Lynx Suisse. Mona n’a jamais posé de problèmes.
Nicole Rüttimann