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lundi 8 avril 2019

Les rentes versées en Suisse sont-elles trop élevées?




Les retraités suisses touchent des rentes qui figurent parmi les meilleures du monde, mais le système suisse de prévoyance vieillesse menace de s’effondrer. Ces rentes sont-elles trop élevées?

Les Suissesses et les Suisses ont tout pour être des retraités heureux. Selon une étude comparative d’UBS (International Pension Gap Index) sur la prévoyance obligatoire dans une douzaine de pays, ils sont clairement, grâce à leurs bonnes rentes, ceux qui doivent réaliser le moins d’économies complémentaires en prévision de leur vieillesse – et cela, dans un pays ou le coût de la vie est le plus élevé au monde. Un employé qui a travaillé toute sa vie à plein temps en Suisse sera en principe du bon côté dans sa vieillesse.

La Suisse a un système de prévoyance vieillesse très élaboré qui repose sur trois piliers: une prévoyance d’État assure à tout le monde une modeste rente minimale. Les employés sont en outre obligatoirement assurés auprès d’une caisse de pension dont la rente, ajoutée à celle du premier pilier, doit leur permettre de conserver leur niveau de vie habituel. Le troisième pilier est constitué par des encouragements fiscaux à l’épargne privée.



Répartition des risques

«Avec ses trois piliers financés différemment, la Suisse est considérée à l’étranger comme un exemple de prévoyance vieillesse», dit Thomas Gächter, professeur en droit des assurances sociales à l’Université de Zurich. «Le modèle est super, mais il n’a malheureusement pas été concrétisé de manière conséquente.» D’une part, l’État n’investit pas assez dans le premier pilier et ses rentes ne suffisent plus pour survivre en Suisse.

D’autre part, le 2e pilier basé sur la capitalisation souffre de la faiblesse persistante des taux d’intérêt. Lorsque le rendement du capital placé de manière sûre est trop bas, il ne suffit plus pour financer les rentes promises, ce qui entraîne des lacunes de financement.

L’évolution démographique aggrave encore le problème, en particulier pour le 1er pilier. La génération nombreuse des baby-boomers arrive maintenant progressivement à la retraite, la majorité des Suissesses et des Suisses partent en retraite anticipée et l’espérance de vie est l’une des plus hautes du monde.  «C’est une véritable bombe à retardement», résume Thomas Gächter.

Elle ne menace pas seulement la Suisse, mais aussi de nombreux autres États industriels. D’ailleurs «elle touchera d’abord d’autres pays», estime le spécialiste. Le système suisse a en effet l’avantage de prévoir des financements différents pour chacun des trois piliers, ce qui répartit les risques. La Suisse rencontra cependant aussi des difficultés à un moment ou à un autre.

Les rentes versées en Suisse sont trop hautes

Les premiers nuages se profilent déjà à l’horizon du paradis qu’est la Suisse pour les retraités. Certaines caisses de pension ont commencé à baisser leur taux de conversion. Autrement dit: elles ont réduit les rentes des générations à venir.

De telles corrections s’avèrent nécessaires parce que les caisses de pensions ont accordé ces dernières années des rentes trop élevées (et celles dont le versement a commencé ne peuvent plus être adaptées, voir encadré). «Pendant des années, le taux de conversion appliqué était trop haut, dit Thomas Gächter. Une génération – celle qui a pris sa retraite ces dernières années – touchera d’ici à sa mort plus qu’elle n’a payé». La génération X figure en revanche parmi les perdants. «Ils ont versé beaucoup, mais toucheront moins. Ils ont contribué à payer les rentes de leurs aînés.»



Une initiative populaire demande des rentes variables

Les spécialistes décrivent ce phénomène comme une redistribution non voulue de fonds de la population active et des employeurs vers les rentiers. Et celle-ci se poursuit. Elle atteint en moyenne 7 milliards de francs par an, soit 25% des rentes. Pourtant, contrairement à ce qui est prévu pour l’AVS, il ne devrait pas y avoir de redistribution dans la prévoyance professionnelle (voir encadré).

C’est pourquoi un comité recueille depuis le mois d’avril des signatures pour l’initiative populaire «prévoyance oui – mais équitable» lancée par Josef Bachmann, un ancien directeur de caisse de pension maintenant à la retraite. Elle demande que les rentes des caisses de pension soient continuellement adaptées en fonction des revenus du capital de manière à éviter toute redistribution entre la population active et les retraités. Autrement dit, les rentes seraient élevées quand la bourse va bien, mais elles baisseraient si elle va mal.

Leur calcul prendrait également en compte l’évolution démographique et l’inflation. Et les rentes des personnes qui sont déjà à la retraite pourraient être réduites – ce qui constituerait une grande première en Suisse. «Le principe de la rente variable part de l’idée qu’on ne peut pas fixer à l’avance le montant des rentes pour une vie entière», dit Josef Bachmann. Parce que cela conduit toujours à des redistributions et que la plupart d’entre elles se font au détriment des jeunes. «Cette injustice a pris des proportions telles qu’il est nécessaire d’agir.»



Le règne des aînés? 

L’initiative risque cependant de buter sur un problème structurel: en général, les aînés supplantent les jeunes lors des votations populaires, non seulement pour des raisons démographiques, mais aussi parce que ces derniers ne sont pas très assidus lorsqu’il faut se rendre aux urnes.

Josef Bachmann est cependant confiant: «Le projet a des chances si de nombreux aînés le soutiennent également. Or, les personnes âgées sont elles aussi raisonnables et ont du cœur.»

Les trois piliers de la prévoyance vieillesse en Suisse

La prévoyance vieillesse suisse est composée de trois éléments:

Prévoyance étatique: toutes les personnes domiciliées en Suisse sont tenues de verser des cotisations à l’assurance-vieillesse et survivants (AVS). En contrepartie, cette caisse garantit à chacun une rente de vieillesse lui assurant en principe le minimum vital – également à ceux qui n’ont payé que peu de cotisations. L’AVS fonctionne selon un principe social de répartition. Elle procède à une redistribution entre les jeunes et les aînés et entre les riches et les pauvres. La rente AVS devrait en principe permettre de disposer du minimum vital, mais il n’est aujourd’hui presque plus possible d’en vivre en raison de la hausse constante du coût de la vie. C’est pourquoi l’État verse aux rentiers dans le besoin des «prestations complémentaires» financées par l’argent des contribuables.

Assurance privée obligatoire:  une contribution obligatoire est automatiquement prélevée sur le salaire de tout employé et est versée à titre privé en même temps qu’une part équivalente de l’employeur à une caisse de pension qui place l’argent et le fait fructifier. Plus tard, l’employé récupère cet argent sous la forme d’une rente ou d’un capital qui, combinés avec la rente du 1er pilier, doivent lui assurer des rentes atteignant environ 60 % du dernier salaire et lui permettant de «conserver dans une large mesure son niveau de vie antérieur». En théorie, chacun épargne pour soi et touche ce qu’il a épargné plus les revenus de son capital. Mais en réalité, on assiste depuis plusieurs années à une redistribution des contributions des personnes actives en faveur des rentiers.

Épargne volontaire: le 3e pilier de la prévoyance vieillesse est l’encouragement de l’épargne privée volontaire par des avantages fiscaux.

Qu’est-ce que le taux de conversion?

Le taux de conversion permet de déterminer le montant de la rente de retraite annuelle à partir du capital vieillesse accumulé. Il prend en compte l’espérance de vie statistique et les prévisions du rendement du capital sur les marchés des capitaux. Par exemple, avec un taux de conversion de 6,8%, quelqu’un qui a accumulé un capital de vieillesse de 100'000 francs touchera 6800 francs de pension annuelle. Les modifications du taux ne touchent que les rentes à venir.

Sibilla Bondolfi