Un armailli est un gardien de vaches à l'alpage, durant la saison d'été, doublé d'un fromager. Ce mot vient du patois armaye qui signifie vache. La vache est, dans le langage courant, appelée modzon, même si le terme patois modze désigne plus précisément la génisse. En général, l'armailli commence sa carrière comme bouèbe, à savoir garçon de chalet, autrement dit un jeune garçon qui aide l'armailli dans son travail. (Par extension, le mot bouèbe désigne tout simplement un enfant) Ensuite de quoi, il devient barlatè, c'est à dire un jeune armailli, qui s'occupe notamment de faire le lien avec la pleine pour y apporter les fromages et en remonter avec du pain, des nouvelles de la famille etc.
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Finalement, il peut devenir maître armailli, c'est à dire avoir la responsabilité du troupeau ainsi que de la fabrication du fromage.
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L'armailli porte un costume traditionnel nommé bredzon et une saccoche nommée loyi contenant d'une part du sel à donner aux vaches pour faciliter la lactation, et d'autre part de la graisse pour soigner les trayons. Le bredzon le plus neuf servait aussi de costume les jours de fête. A propos de fête, les plus importantes sont de toute évidence la montée à l'alpage (poya) ainsi que la désalpe (rindya, souvent à la Saint-Denis). A ces deux occasions, les vaches sont décorées de fleurs et portent leurs plus belles chenayes (cloches) Je vous conseille d'ailleurs de lire un très beau texte sur la rindya sous http://www.lyoba.ch/culture/desalpe/c-rindja.htm . Tous les termes mentionnés ci-dessus proviennent du patois Gruérien, le bi patê de nouthra bala Grevire.
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L'armailli (de l'arpitan armaye, vache) est le berger typique des alpes fribourgeoises et vaudoises et le maître-armailli est le chef de l'exploitation fromagère (le fruitier) sur l'alpage où les troupeaux de vaches passent les mois d'été, de mai pour la montée (l'alpée ou poya) à la redescente en septembre/octobre (désalpe ou rindya).
Au Moyen Âge, la fromagerie est sous le contrôle des seigneuries, autant à l'alpage que dans la vallée, les fruitiers sont initialement des serfs. Il devient salarié ou fermier indépendant à partir des XVe et XVIe siècles, quand les fromages gras commencent à se vendre d'une région à l'autre. .
À dater du XVIIe siècle, les armaillis, de l'Emmental à la Gruyère, deviennent progressivement de véritables entrepreneurs fromagers ; ceux de la Gruyère et du Pays-d'Enhaut s'établissent dès le XVIIIe siècle sur les pâturages du Jura vaudois et neuchâtelois.
La fromagerie d'alpage commençant à décliner à partir de 1830, les armaillis se retrouvent salariés ou fermiers des laiteries dans les vallées (cantons de Berne, Lucerne, Soleure et Argovie), puis dès 1860 en Suisse orientale.
En 1950, le manque de main-d'œuvre oblige même une partie des alpages à cesser leur activité.
Depuis 1970, de jeunes citadins (hommes et femmes) ont repris le chemin des alpages suite à une formation de fromager dans des écoles d'agriculture.
Le maître-armailli, employé ou fermier (amodiateur) de la commune ou d'un propriétaire, il reste seul responsable de l'alpage, du cheptel, des bâtiments et du matériel. Suivant sa position, il est propriétaire ou non des meules de fromages fabriquées pendant l'estive.
Son apprenti est le garçon de chalet, le bouèbe.
Le jeune armailli est le barlaté, qui est responsable du « train du chalet » à la montée et à la redescente et qui fait la navette entre le village et les pâturages pour ramener le pain, les nouvelles des familles, tout au long de leur séjour en altitude.
Chacun des armaillis de l'équipe accomplit sa propre tâche : bergers, trayeurs ou trancheurs pour la transformation du lait, soit la fabrication journalière de fromage, de séré ou de beurre et du stockage du fruit (salage, puis séchage à l'air en cave).
Tous portent le costume traditionnel, le bredzon avec le capet sur la tête, la canne à main (krochèta), en bandoulière le loyi servant à stocker le sel et le gras pour la traite.
Le barlaté a la responsabilité d'amener tout le matériel en char jusqu'au chemin muletier depuis le village et vice-versa à la redescente des alpages.
En plus du transport des malles des armaillis, il s'occupe de rassembler tous les outils indispensables : les baquets et les seaux à traire (brotsè), les petits baquets à crème (dyètsè), le grand fouet, le tranche-caillé, la passoire sur son support, la baratte, le châssis servant à transporter les fromages sur la tête et les épaules (l'oji), le bât du mulet, la chaudière et les chaises à traire (tabouret à un pied). Une couverture rouge à l'avant du char signifie que le troupeau est « franc de dettes ».
Figure emblématique de la paysannerie de montagne fribourgeoise et vaudoise, sa présence est de mise dans de nombreuses manifestations folkloriques, habillés du bredzon, avec tous ses outils dans le char, et guidant le troupeau des vaches mené par sa reine décorée de branches de sapins fleuries, portant toutes leurs cloches (chenayes).
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Egger Ph.