Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mercredi 24 juin 2009

Le Châlet des Colombettes

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Le nom des «Colombettes» est connu dans le monde entier, d’abord par le «Ranz des vaches», cette chanson célèbre qui fait partir le troupeau pour la transhumance. La tradition prétend que c’est dans ce coin de pays qu’auraient été composées les premières paroles de ce chant. Un moine du couvent de la Part-Dieu, de passage dans ce chalet alpestre, les aurait mises en musique. L’inoubliable chanoine Bovet, qui a donné son nom à l’Association des Fribourgeois «hors les murs», a harmonisé la mélodie dont l’origine se perd dans la nuit des temps. N’est-elle pas la plus belle qui est interprétée à chaque fête des vignerons, à Vevey, où elle fait couler une larme à des milliers de spectateurs?
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Une auberge et son histoire

L’Auberge des Colombettes, devenue café-restaurant, a aussi son histoire. Dans le guide historique de Clément Fontaine, consacré au village de Vuadens, on peut lire: «Au milieu du siècle passé, les Colombettes eurent un grand renom en raison des bains qui s’y établirent sous les auspices d’un certain Charles Moret, dont l’épouse avait recouvré la santé grâce à des bains de vapeur aux herbages de montagne. Le sieur Moret fit donc construire aux Colombettes (là où sont situés les immeubles acquis par la Fondation du même nom) des bâtiments suffisants pour faciliter l’usage de ce précieux remède. Une source abondante alimentait les bains, ce qui n’existait nulle part à l’époque. Plusieurs troupeaux de vaches nourries des herbages succulents et aromatiques des Alpes, étaient destinés à fournir des bains de lait ou de petit-lait à discrétion».

Telle est brièvement contée l’histoire des Colombettes où des hommes célèbres y ont séjourné. En 1868, nous raconte la chronique, Gustave Roux, artiste, fils d’un pasteur de Meyriez, illustrait avec bonheur les scènes du «Ranz des Vaches». C’est aussi dans ce coin idyllique que Châteaubriand, Victor Hugo et Lamartine vinrent se reposer.

Louis Ruchonnet, président de la Confédération, aimait cette retraite emplie de poésie pastorale. On dit même que les Colombettes eurent l’honneur d’accueillir Rossini et que le charme de ce coin de terre aurait inspiré son «Guillaume Tell». On prétend que Viotti fut aussi l’hôte de ce lieu. L’abbé Bovet s’y est rendu très souvent pour y composer des mélodies. Enfin, en 1939, veille de la seconde guerre mondiale, séjournait aux Colombettes Mgr Courbe, évêque coadjuteur de Paris. Que cette histoire de santé, de musique, continue à être le miroir vivant de l’exemple à venir...
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Les Colombettes, station thermale

La notoriété des Colombettes est surtout due à la pérennité du chant « Lè j’êrmalyi di Kolombètè". Elle le doit aussi à sa station thermale qui s’y établit sous les auspices de Charles Moret, dont l’épouse avait recouvré la santé grâce à des bains de vapeur créés avec les herbages de la région. Des bains de lait et de petit lait produits par plusieurs troupeaux de vaches servaient à la thérapie utile aux traitements contre les affections organiques, le stress créé par les travaux cérébraux, les maladies articulaires, les engorgements et les affections de la peau. Une abondante source d’eau alimentait les bains chauds et froids.Un prospectus vantait les bienfaits de cette fontaine de jouvence élaborée aux Colombettes. Aucune analyse médicale ne pouvait contester l’efficacité de ces cures issues de la quintessence des herbes aromatiques des Alpes. Les malades étaient suivis de visites régulières par les médecins qui prescrivaient soins et directives thérapeutiques utiles à la guérison des patients.
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Des célébrités aux Colombettes
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Des hommes célèbres ont séjourné dans ce centre hospitalier. Selon une chronique de Gustave Roux parue en 1868, Chateaubriand, Victor Hugo et Lamartine vinrent se reposer dans ce coin idyllique. Louis Ruchonnet, président de la Confédération aimait aussi cette retraite emplie de poésie pastorale. Elle fut visitée par Rossini qui y trouva l’inspiration de son célèbre « Guillaume Tell »On prétend que le grand musicien Viotti fut également l’hôte des Colombettes. L’abbé Bovet s’y rendait maintes fois pour y chercher l’inspiration, pour composer ses mélodies. Dès la fin du dix-neuvième siècle, la station thermale se réduisit à un modeste hôtel-pension.

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Une succession d'exploitants
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La rénovation entreprise par Mme veuve Moret ne respecta pas l’architecture originale. Le coût de l’opération dépassa les prévisions. La propriétaire exploitante n’arrivait plus à diriger son établissement. Il fut vendu et exploité par divers hôteliers. L’association Joseph Bovet, principalement constituée par les Fribourgeois hors canton, devenue propriétaire, adapta l’immeuble afin d’y organiser fêtes et réunions. Les exploitants se succédèrent, les charges financières devinrent de plus en plus difficiles à gérer.
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L’histoire de l’hymne pastoral Lè j’armalyi di Kolonbètè
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L’origine du chant « Lè j’armalyi di Kolonbètè » a fait couler beaucoup d’encre. Malgré les études de plusieurs historiens, la source de notre hymne pastoral gruérien n’a pas encore été trouvée. Les plus récentes relations connues : Fontaine, histoire d’un ranz parue dans le Fribourgeois de Bulle ; Tarenne, recherches sur le ranz des vaches et sur les chansons pastorales des bergers de la Suisse ; Bridel, corespondant du Conservateur suisse ; Gauchat, Etudes sur le ranz des vaches faites en 1899 ; Favraz, Le ranz des vaches de la Gruyère, en 1868 n’apportent pas de solutions au sujet de son auteur, de l’origine de sa création et de certaines paroles.Le Bâlois Zwinger fit imprimer un ranz des vaches dépourvu de paroles en 1710Hofer prétendait, dans un ouvrage publié à Bâle en 1710, que le ranz des vaches était, à l’origine un air sans paroles .
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Il déclarait même que les Suisses avaient l’habitude de jouer ces airs sur leurs tibiae.J.J. Rousseau, dans son dictionnaire de musique publié en 1768, a noté un ranz des vaches joué sur la cornemuse.Sainte-Beuve a écrit : Tout vrai Suisse a un ranz éternel au fond du cœur.Il est peu vraisemblable qu’un air sans paroles ait influencé les soldats fribourgeois engagés au service étranger, que la nostalgie les ait découragés.C’est pour éviter les désertions que Charles de Luynes, ministre de Marie de Médicis publia un édit en 1621 interdisant aux Suisses de chanter le ranz des vaches.
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Les historiens ayant découvert que le ranz des vaches a été publié en 1710 ne semblent pas avoir connu le contenu de l’édit de Luynes. Gauchat a découvert que la plus ancienne notation connue se trouve dans un ouvrage intitulé « Bicinia », chant à deux voix de 1545.Selon Joseph Yerly, la célèbre mélodie est attribuée à un frère chartreux de la Part-Dieu. Il l’aurait chantée pour la première fois sous les solives enfumées du « Cheval Brûlé », in Tsavô Bourlâ, un chalet situé en dessous du Gros Plané.Cela nous rapproche d’une partition découverte en 2001 par Albert Visinant.Dans un débarras après décès, il a trouvé des liasses de papiers ficelées. Elles contenaient une partition avec en tête « Lez armahi di Colombètè. Le texte des couplets fait défaut. Cette partition, en notation losangée est datée de 1527, compte tenu d’une marge d’erreur de 10 ans, une date antérieure au plus ancien ranz des vaches connu à ce jour.Elle est l’œuvre d’un moine du couvent de la Part-Dieu, frère Angélo, d’origine italienne.Cette importante découverte a été citée dans La Gruyère du 31 mars 2001.
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Ces faits nous rapprochent d’un ouvrage de.Mari Lafon, membre de la Société des antiquaires de France. Il a fait état d’une importante relation sur le ranz des vaches dans son Tableau historique de la langue romano-provençale dans le Midi de la France, publié en 1842.Il y remarque que le Ranz des vaches se rapporte à la même époque qu’une chanson de Gui de l’Agenais, connue aux environs de 1'450, dont un couplet » Boun Dyou lou baille tant dè ptichous coumo dè plets as coutillous est proche de notre patois « Le Bon Dieu lou balyè tant dè pityou kemin dè pyê i kotilyon « Ah ! Le Bon Dieu leur donne autant de petits que de plis aux cotillons.Sa notation du ranz des vaches est différente de celle que nous chantons, voire de celles mentionnées par d’autres historiens.

Version patoise
Le z’armailli dei colombette
Dè bon matin se san léha
Ha ! ah ! ah ! ah ? Ha ! h ! ha ! ha !
L’iauba, l’iauba por ariâ
Venide toté blantz et naire Rodz et motaile
Dzjovan et étro
Dezo on tsebanojo vo z’ario
Dezo on triembloJo vo triudzo
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Version française
Les jolies troupes de colombes
De bon matin se sont levées,
Ha ! ah ! ah ! ah ? Ha ! h ! ha ! ha !
L’aube, voici l’aube, il faut traire
Venez toutes
Les blanches et les noires
Les rouges et les bigarrées
Les jeunes et les vieilles
Venez sous le chêne
Je vais vous traire
Venez sous le tremble
Je vais vous presser les mamelles

Cet ouvrage, ignoré ou négligé par les historiens devrait nous rapprocher ou nous permettre de trouver l’origine du ranz des vaches. Cet historien a traduit armailli des colombette par jolie troupe de colombes. Il n’a pas trouvé un bon traducteur de sa partition patoise, pour lui apprendre qu’il s’agit de berger du pâturage des Colombettes.Dans son appendice biographique, Mari Lafon fait état de nombreux textes consultés, entre autres de Baettie William (Vallées vaudoises pittoresques) et de Bertrand Elie (recherches sur les langues anciennes et modernes de la Suisse, et principalement du canton de Vaud.L’orthographe de Mari Lafon « Le z’armailli dei colombette » et du manuscrit de la Part-Dieu « Lez armahi di Colombètè » Cette différence nous fait poser la question de savoir quelle est la bonne source, ou si les intéressés ont adapté l’orthographe à leur manière d’écrire. Frère Angélo savait-il le patois ? Se trouvera-t-il un historien désireux d’en connaître davantage, de tenter de situer les personnes citées par Mari Lafon et de prendre connaissance de leur correspondance ? A noter que les textes originaux ne comportent pas les 19 couplets que nous connaissons. Ils auraient été tiré de récits de bergers de Suisse allemande et ajoutés à notre ranz des vaches par Bridel.
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La querelle du liôba

Notre « liôba « qui s’écrivait l’iauba, selon Mari Lafon et liauba selon Fenimore Copper est de la même source. C’est la façon actuelle d’écrire le patois. L’orthographe diffère, la prononciation est la même.Selon Gauchat, il est décidément d’origine germanique. Selon lui, les romanistes n’ont trouvé que le mot « globare » qui signifie mettre en boule, rassembler, mot qui aurait dérivé de liôba. Il serait donc issu du mot loba ou wobe (Argovie, Lucerne, Uri) qui est le cri du rassemblement des vaches pour la traite, Le « i » de lioba ne serait qu’un renforcement du souffle qui pousse la langue vers le palais.
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H. Chevalley, dans sa lettre au rédacteur de 24 heures, du 2 septembre 1985 se réfère également au mot lobe ou loba loba pour rassembler les vaches. S’agissant d’un appel des vaches, il oublie que le pluriel des mots en patois se termine par « è ; bala, balè, vatse, vatsè) Le pluriel de lobe est lobè, dont on ne parle pas. Il termine ses considérations en disant que l’armailli des Colombettes perpétue un mot très ancien, aujourd’hui si célèbre qu’il méritait bien sa longue mise au point. Ce qu’il évite aussi de contester, c’est ce fameux vers « jo vo triudzo » ou je sous presse les mamelles, cette action faite aux vaches qui n’a pas de concordance avec « yô i trintso » Fenimore Cooper a également traduit cette phrase par « je vais vous traire » « Yô i trintso » ne correspond pas à « yô vo triudzo » qui est vraisemblablement conforme au texte original.« yô i trintso »qui est un acte logique qui suit la traite aurait été adapté plus tard. Il peine a admettre qu’il s’agisse d’un dérivé de l’alba des latins.
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Ce « triudzo » que les auteurs anciens traduisent pas « presser les mamelles »» et « je vais vous traire » est troublant. Il est inconnu des patoisants. Il n’est pas cité par les textes anciens et consultés. On pourrait penser qu’il s’agisse de «triturer» soit de préparer les mamelles pour la traite.H. Chevalley signale que « lyôba serait employé pour désigner les cônes de sapins que les enfants utilisaient comme vaches-jouet. Il cite le voyageur Frobel qui nota que des bergers du val d’Hérens faisaient usage, comme ceux de la Suisse alémanique, du cri loba !loba ! pour appeler ou rassembler le bétail. Lioba signifierait originellement vache, tout en ne se prononçant pas au sujet de l’alba des latins. Dans sa conclusion, Mari Lafon écrit « Si l’on veut savoir combien il est facile à un romancier de génie de devenir un ridicule linguiste, qu’on lise la traduction que Fenimore Cooper a faite de ce chant helvétique « Bourreau de Berne »
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Les dissertations approfondies auxquelles le célèbre auteur du Dernier des Mohicans s’est livré sur ce mot liauba qui n’est que l’alba des latins sont vraiment amusantes. »Selon Mari Lafon l’iôba est dérivé de l’alba des latin.L’aube des patoisants du Valais est l’arba, celle des fribourgeois est l’ôba ou l’auba.Les historiens prétendant qu’il s’agit d’un mot germanique n’ont cité que des ranz des vaches d’origine plus récente que celle de frère Angélo, de 1527 et celle de Mari Lafon, de 1450. Malgré la différence orthographique du titre, l’iauba est le même.Jules Nidegger, dans une brochure intitulée « Ayôba por ariâ » Edition du Musée gruérien et publiée sous le patronage du Conseil d’Etat prétend , dans des dissertations aussi oiseuses que laborieuses, que notre le liôba n’est qu’un alyôbâ atrophié. Il écrit le 17 juillet 1985 dans 24 heures « On a aujourd’hui la preuve indubitable que liôba est le résultat d’une manigance. Il serait donc illogique de la vénérer.
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L’authenticité du Chant des Colombettes est une chose à respecter.En se référant à l’avis du Musée gruérien et au patronage de l’Etat, il a écrit « Aujourd’hui, Fribourg a voté pour aliôba, et l’a fait même officiellement. A la prochaine fête des vignerons, retentira l’aliôba vainqueur ».

Oscar Moret emboîta le pas. Dans son œuvre musicale dite opéra, il a imposé au chœur mixte de Treyvaux, un nouveau ranz des vaches avec Aliôba por ariâ.Heureusement qu’à la Fête des vignerons, le ranz des vaches a été chanté dans sa version originale, quoique le directeur ait cru devoir y ajouter une ou deux strophes sans rapport avec un hymne pastoral.

A croire qu’il y a des musiciens, imbus d’inspiration, qui n’hésiteraient pas à améliorer l’hymne à la joie de Beethoven.Il est bon de dire que liôba signifie l’aube tandis qu’aliôbâ est un appel dérivé de liôba pour appeler les vaches. Le patois connaît plusieurs mots semblables : gota, goutte et agotâ, tarir ; molyi, mouiller et amolyi, préparer les mamelles pour la traite ; dyuchto, juste et adyuchtâ, ajuster.
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Et notre ranz ?

Ce mot aussi a fait couler de l’encre. On a prétendu que ce serait un descendant de Riehen, au point qu’on se demande pourquoi certains historiens se réfèrent à des sources alémaniques, alors que le patois est une langue originale et indépendante du français et de l’allemand. Le patois du ranz des vaches est exempt de tous termes étrangers. Tant le Larousse que le Robert ont conservé ce mot « ranz » avec la notation : air de berger, chanson pastorale suisse, sans autre explication.Les historiens qui connaissent le patois savent qu’en Gruyère, rangée de dit « rintze » et dans la Glâne toute proche, elle se dit « rantze » Le mot dérivé « rang » en français se disait et s’écrivait « ranz » en patois. Aujourd’hui, les patoisants fribourgeois ont supprimé le « z » après la lettre « t » tandis qu’ils l’ont conservée après la lettre « d » : Andze ; rintse ou rantse sans le « z ».Le ranz des vaches dérivant de « rantze » pourrait très bien s’écrire le rang des vaches, selon l’évolution de l’orthographe. Il signifie un troupeau de vache qui défile en rang.
Autrefois, les chemins étaient étroits et presque toujours bordés de haies ou clôturés. Les vaches qui montaient à l’alpage devaient défiler l’une après l’autre, d’où le ranz des vaches qui a conservé son orthographe patoise.

Voilà, résumée et sans prétention, un avis tiré des nombreux documents écrits sur le ranz des vaches et sur notre fameux Lyôba, l’iôba ou l’iauba de la chanson des Colombettes.
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Francis Brodard