Il y a les faits que tout le monde connaît : une mauvaise histoire de mœurs vieille de 30 ans. Mais justice et raison ne font pas toujours bon ménage quand on éprouve une forme de commisération pour l’homme. Enfant du ghetto de Varsovie, rescapé d’Auschwitz, l’horreur l’aura encore accompagné lorsque sa compagne enceinte fut assassinée. En tant qu’individu, je dis : « Qu’on laisse en paix cet homme de 76 ans. Il a tellement traversé d’enfers qu’on pourrait lui épargner celui-ci. Laissons le se débrouiller avec ses fantômes et ses démons. »
Mais l’individu est aussi le citoyen qui veut croire que chacun doit devoir répondre de ses actes devant la justice. Le procès Clearstream a de nouveau démontré la fiction de cette égalité mais « l’affaire Polanski », elle, officialise de façon inédite l’inégalité des citoyens face à la justice.
Certes nous savions que la justice des riches n’était pas celle des pauvres comme celle d’Outreau qui mène les innocents au trou !
Mais voici que c’est le gouvernement français officiellement qui intervient auprès de la Suisse et des USA pour qu’on libère Polanski et qu’il ne soit déféré devant la justice. Et là on rêve !
Citoyen français, il est du devoir de la France, par le biais du consulat, d’assister Polanski mais le rôle de l’Etat s’arrête là.
Que Roman Polanski soit artiste, célèbre et qu’on veuille le soutenir c’est une chose. Que l’UMP se mobilise pour sa libération, pourquoi pas ? C’est encore une façon d’acheter à bon compte les pipoles et les bobos. Mais que le ministre des Affaires Etrangères et que le Ministre de la Culture de la République Française fassent pression sur d’autres Etats par courriers officiels, pour soustraire un citoyen français à la justice américaine, c'est scandaleux !
C’est dire qu’en France l’Etat ne reconnaît plus les mêmes droits à tous ses citoyens. Cette faute les rend non seulement indignes de leurs fonctions, mais résonne comme un affront à la République. Mais la vertu, la morale…
Ce Ministre de la Culture d’aujourd’hui écrivait en 2005 : « L’argent et le sexe, je suis au cœur de mon système ; celui qui fonctionne enfin car je sais qu’on ne me refusera pas. »
Alors…
Monsieur Kouchner et Monsieur Mitterrand avaient le droit de s’exprimer librement aussi longtemps qu’ils n’étaient pas ministres. Mais accepter une fonction c’est accepter la charge qui en résulte. Pourtant ils viennent de parler au nom du Peuple français pour dire que la justice devait s’appliquer aux uns mais pas aux autres… L’opposition trouvera-t-elle la force de protester quitte à s’aliéner quelques « bonnes consciences » ?
Sans doute, plutôt que de répondre, préférera-t-elle bêler avec le troupeau : « Libérez Polanski ! »
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Egger Ph.