La vérité ne fait pas tant de bien en ce monde
que ses apparences n’y font de mal
(La Rochefoucauld)
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Imaginons un animal microscopique qui veut se faire une idée d’un trajet sur une longue distance : 80 km (ParisChartres), mais qui ne mesure que les trois premiers millimètres : un poil de moquette, une rainure de parquet, l’arête d’un caillou. L’animal, tout content de ses mesures, extrapole ensuite aux zones qu’il n’a pas visitées et estime qu’il connaît le trajet Paris?-Chartres.
Chacun, en pareille situation, s’exclamera : quelle sottise, quelle naïveté, quelle arrogance !
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C’est pourtant très exactement ce que fait l’espèce humaine en matière de climat. Cette planète existe depuis environ 5 milliards d’années, et cela fait moins de 200 ans que nous avons commencé à mesurer le climat : le ratio 200 / 5 milliards est le même que 3 mm / 80 km.
On pourrait être plus sévère : cela ne fait pas 200 ans que nous le mesurons correctement ; aujourd’hui même, la densité de capteurs et l’espacement des mesures sont encore très insuffisants pour permettre une évaluation correcte (voir à ce sujet la réactualisation de notre Note au SGDN, "La mystification du réchauffement climatique").
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Mais admettons, pour les besoins de la démonstration, que nos mesures soient suffisantes et parfaites sur 200 ans : elles ne couvrent cependant qu’une plage de temps absolument infime, de l’ordre de 4.1 E(-8) par rapport au temps écoulé.
Le climat est un processus extrêmement aléatoire ; si courte que soit la mémoire de l’homme, elle enregistre tout de même des variations significatives au cours des 2 000 dernières années : glaciations, réchauffements, variations brusques très violentes.
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Nous pourrions donc savoir, si nous le voulions, que se sont produits dans le passé des événements qui excèdent de beaucoup ce que montrent nos mesures actuelles. N’importe qui peut regarder la vallée d’un fleuve et constater que, pour faire pareille excavation, il a fallu qu’il soit beaucoup plus fort qu’aujourd’hui.
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Interrogez n’importe quel mathématicien : comment reconstituer la loi d’un processus très irrégulier, si on ne dispose que de 4 cent-millionièmes de l’échantillon complet ? La réponse est évidemment que cela n’a aucun sens, pas plus que de vouloir reconstituer les paysages entre Paris et Chartres à partir du premier poil de moquette que l’on rencontre.
Mais l’espèce humaine va plus loin que notre arrogant animal, dans l’épanouissement de l’arrogance : ayant reconstitué le trajet dans sa globalité, à partir de l’information ridicule et infime dont elle dispose, elle déclare que ce qu’elle voit ne lui convient pas, et qu’il faut le changer. En quelque sorte, elle voit le voyage trop poilu, puisqu’elle est tombée sur un poil au départ, et ce poil ne lui plaît pas : il faut le raser !
Et ce n’est pas fini ! l’espèce humaine va beaucoup plus loin que notre animal dans le ridicule, le mysticisme et l’autosatisfaction : elle déclare que le poil qui lui déplaît a été mis là par Dieu pour la punir de ses péchés. Un trajet "normal" ne saurait comporter de poil, et par conséquent quelque chose ne va pas : l’homme a offensé la nature, par ses industries, ses rejets, ses comportements.
Poussant dans ses extrêmes limites l’étude du poil de moquette et de ses extrapolations, l’espèce humaine bâtit, autour de ses délires mystiques, quantité d’élucubrations qu’elle appelle "sciences". L’espèce humaine a toujours appelé sciences ses délires mystiques. Il y a eu la numérologie, la théologie, l’astrologie ; il y a maintenant la climatologie.
Le rôle d’une science est normalement d’avoir une valeur prédictive ; ce n’est le cas pour aucune de ces quatre. Mais peu importe : il y a consensus ! Les "experts s’accordent" ’ tout comme ils se sont toujours accordés, dans chacune des phases de délire mystique que l’humanité a rencontrées. Le pauvre paysan qui prie à genoux pour faire venir la pluie, il n’a pas inventé ce remède tout seul. Tout un cortège d’experts, relayé par des journalistes, l’en a persuadé.
Et tout cela s’agite, se bouscule, geint et trépigne. On recherche des coupables, comme dans tout procès en sorcellerie ; ici des réunions grandioses évoquent la pureté de l’atmosphère originelle ; là on cherche à enfouir des gaz, comme les animaux enfouissent leurs immondices. On trafique les indulgences, comme on les a toujours trafiquées. On pontifie et on enseigne, bien sûr, car comment pontifier sans enseigner ? On élabore quantité de modèles mathématiques qui nous font bien rire. Rien de bien nouveau dans tout cela, ni de bien inquiétant. Cela coûte un peu d’argent, naturellement, mais certainement moins que tous ces organismes qui vivent aux crochets des entreprises.
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Bernard Beauzamy