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Pourquoi s'appeler Maître et se croire au-dessus
D'une foule grégaire qui nous a bien déçus ?
N'est-ce pas prétentieux de s'affubler d'un titre
Qui a comme fonction de rallonger l'épître
Et donner du volume à un critique imbu
Qui pense s'affranchir d'un troupeau de rebuts.
Et pourtant, un esprit joint son titre au mérite
Esseulé dans son art puisque nul ne l'imite.
De sa voix il pourfend le silence de l'air
Et son écho résonne aux tréfonds de nos chairs,
Remuant nos acquis et nos idées reçues
Pour offrir à nos voix une voie sans issue.
Il a le verbe haut et le mot adéquat
Lorsque d'une question il tue les reliquats,
Assénant à tout rompre un idéal de vie
Qui ne saurait subir les écueils de l'envie,
Car celle-ci n'est rien face à la vérité
D'une réplique claire et sans ambiguïté.
Point de limitation dans la vraie éloquence,
Les fards de l'à peu près tombent leur apparence.
Le timbre de la voix a la sonorité
Qui réjouit l'auditeur dans sa félicité.
Pour atteindre un tel but, il faut de la justesse,
Brider son émotion, la priver de faiblesse,
Et peut-être qu'alors surgira du néant,
Dans le fond de notre être, un seul verbe imposant
A l'arôme éphémère et dont l'unique trace
Se cramponne en vain telle une buée sur glace.
Mais pour Maître Bonnant, c'est sa respiration,
Un souffle régulier, profond dans sa passion.
Aucun rauque ne vient perturber son passage
Chez lui tout est symbiose et converge au voyage.
Il ne court pas les mots, les mots viennent à lui.
Du rempart de ses dents se dégagent les fruits :
Tantôt tout en douceur, ils caressent l'oreille,
Tantôt verts d'amertume, ils tancent à merveille.
Jamais de jugement, ni de dénigrement,
Les faits, toujours les faits, soupesés savamment.
Pour soulever le voile obscur de l'ignorance.
Laissant sur leur passage un souffle d'élégance
Son art a tout conquis et brisé les écueils
D'un chemin tortueux convoité par l'orgueil,
Et sa langue d'accueil d'où il a su renaître
Lui donne élégamment le doux titre de Maître.
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Egger Philippe