Discrètement mais fermement, le Conseil fédéral est en train de changer les mentalités au sein du renseignement. Conséquence concrète : le port d’une arme de service ne sera plus autorisé.
Les agents secrets de la Confédération n’ont jamais eu de « permis de tuer ». Mais l’origine policière du service de renseignements intérieur fait que le port d’une arme de service a toujours été autorisé chez ses membres. Une tradition dont plus personne aujourd’hui n’arrive vraiment à défendre l’utilité.
A tel point que le Conseil fédéral s’est saisi lui-même de la question lors de sa séance du 27 novembre dernier. Officiellement, rien n’a encore été décidé et encore moins communiqué. Mais plusieurs sources proches du gouvernement ont confirmé au « Matin » que l’intention du Conseil fédéral est claire : le port d’arme ne doit plus être autorisé pour les agents du renseignement.
Symbole nostalgique
Il s’agit de bien montrer que le job d’espion doit se différencier de celui du policier. « La tâche du renseignement n’est pas d’arrêter des gens au petit matin, explique une source proche du dossier. Le port d’arme était devenu un symbole nostalgique pour ses détenteurs, mais il n’a jamais servi à rien ! »
Spécialiste de la sécurité à l’UDC et policier lui-même, le conseiller national Yvan Perrin confirme : « L’utilité de l’arme n’est pas défendable pour le métier du renseignement. En plus, sa suppression fera économiser les frais d’entraînement au tir qu’il fallait quand même assurer. »
La réforme prévue par le Conseil fédéral est dictée par la réunion sous un même toit des services intérieur et extérieur dès janvier prochain. Les agents du renseignement étranger n’ayant jamais eu d’arme, on se serait retrouvé avec deux catégories d’espions, alors que le but de la réforme est justement de faire cesser les guerres de clans.
Ils s’accrochent
Au sein des services concernés, on reste sur la réserve face au projet du Conseil fédéral. « Pour l’instant, rien ne change, assure Felix Endrich, porte-parole des services de renseignements. Mais le Conseil fédéral a effectivement demandé de préparer une nouvelle loi pour asseoir juridiquement le regroupement des services. C’est dans ce cadre que sera notamment discutée la question du port d’arme. »
En clair, les espions armés s’accrochent. « Le retrait de l’arme est toujours mal vécu », explique Yvan Perrin. Dans l’entourage du gouvernement, on est toutefois catégorique : le principe d’espions sans arme est déjà acquis, reste à le concrétiser dans la loi à venir.
Au-delà de l’encadrement juridique et du symbole du flingue, l’enjeu de la réforme du renseignement sera d’éviter que des agents de différents services cherchent les mêmes informations ou, pire, comme on l’a vu dans quelques affaires, se tirent dans les pattes en chassant le même gibier...
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Ludovic Rocchi