Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mardi 3 août 2010

Ce que révèlent nos avatars

.
L'avatar, double virtuel, reflèterait le plus souvent la personnalité réelle de son créateur, selon une étude québécoise qui vient de paraître. Interpellée, notre chroniqueuse est allée y voir de plus près.

De quoi je me mêle? Moi qui ne dispose que d’une banale «First Life», je voudrais savoir quels genres d’avatars se créent les internautes qui évoluent sur «Second Life». Une curiosité que j’ai pu assouvir à deux occasions seulement. Sans devoir trop insister, avec Brigitte d’abord. Puis, après une démarche de plus longue haleine, avec Jérôme.

Fraîchement divorcée, Brigitte a délibérément choisi d’oublier chaque jour un moment les aspérités de sa vie réelle en rejoignant ce qu’elle nomme «ma bulle cool». Quel personnage s’y est-elle créé? Une jeune femme à la chevelure identique à la sienne (elle a une belle crinière auburn), à la silhouette allégée de nombreux kilos et juchée sur des talons dignes d’une équilibriste qu’elle n’est pas (elle vit en baskets). Au shop, elle s’est laissée aller; que d’accessoires tape à l’oeil elle y a dénichés! Dans la petite localité où elle vit, elle ne se risquerait pas à sortir avec un tel accoutrement. Plus classe mais aussi sympa et extravertie qu’en chair et en os, c’est ainsi que j’ai découvert la Brigitte virtuelle.

Avec Jérôme, c’est une autre histoire. Suite à un accident d’automobile, il a subi l’amputation d’une jambe et boite. La soif de vitesse ne l’a pas abandonné pour autant. Dans «Second Life», il a récupéré sa jambe, acquis un rutilant bolide et drague les filles avec un physique somme toute pas très différent du sien (qui n’est pas mal). «Ici tout est beaucoup plus facile, tout semble possible. Plus besoin d’un psy, c’est ma thérapie», analyse ce quadragénaire.

Pour ces deux internautes, dans des registres distincts, c’est l’impression de pouvoir accéder à des biens et des comportements inaccessibles ou impossibles dans le réel qui suscite leur engouement. Une impression que tente de renforcer pour tous les moyens les concepteurs du jeu en ligne. «Change de chaussure ou d’accessoire aussi souvent que tu changes d’idée. Ici le choix est aussi illimité que ton imagination», peut-on lire sur le texte de présentation du shop de Second Life.

Cet univers virtuel compte plus de 15 millions d’habitants. Autant de personnes réelles qui, en espèces sonnantes et trébuchantes, dotent leurs avatars de biens les plus divers. Un marché du fantasme difficile à cerner. «Comment évaluer les besoins fantasmés de ces avatars?», se demandent les experts en marketing. Leur curiosité — moins gratuite que la mienne — vient d’être partiellement satisfaite avec la publication d’un travail de recherche.

Depuis quelques années, le professeur Onur Bodur de l’Université Concordia à Montréal est titillé par les mondes parallèles présents sur la Toile: «80 % des internautes et des entreprises du classement Fortune 500 seront présents dans le monde virtuel d’ici 2011. Cependant, très peu de chercheurs se sont intéressés à ces environnements virtuels, et c’est pourquoi nous avons décidé d’étudier le comportement des consommateurs qui possèdent un avatar.»

Son équipe a enquêté auprès d’internautes présents dans «Second Life». Les résultats de leur enquête sont publiés dans la revue «Psychology and Marketing» de ce mois. Ils intéresseront à n’en pas douter les entreprises du monde réel qui souhaitent atteindre les marchés virtuels. «Ce monde virtuel se distingue des autres, car il possède sa propre économie qui incorpore des transactions en monnaie réelle», explique Jean-François Belisle, un des co-auteurs de l’étude.

Tout est possible lorsqu’on se crée un alter ego virtuel. Confrontés à un tel choix, les utilisateurs sont-ils portés à opté pour un modèle qui leur ressemble? Un questionnaire rempli par les créateurs d’avatars a permis aux chercheurs d’établir leur personnalité en comparant le profil créé à la perception que les autres citoyens virtuels avaient de l’avatar.

Premier constat, un avatar ne ressemble généralement pas physiquement à son propriétaire… Pourquoi se priver de corriger ses défauts? Normal, le double virtuel est une idéalisation de soi. En revanche, l’avatar a tendance à refléter la personnalité de son auteur. «Par exemple, un avatar séduisant, coiffé et vêtu avec style, donnait l’impression d’une personnalité extravertie, ce qui correspondait au profil établi par notre questionnaire», explique le professeur Bodur.

Brigitte et Jérôme, mon mini échantillon, m’avaient laissé ce même sentiment de proximité entre personnalité réelle et virtuelle!

«Ce lien entre avatar et créateur nous permet de mieux comprendre les consommateurs qui se cachent derrière un personnage virtuel et favorise l’émergence de stratégies de commercialisation virtuelle plus ciblées. Les entreprises pourront également se servir de notre étude comme guide lors de la conception de porte-parole virtuels», conclut le chercheur. Voilà les avatars avertis.

Geneviève Grimm-Gobat