Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mercredi 11 août 2010

De l’art de rater sa sortie

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Les manœuvres de basse-cour autour du double départ Merz-Leuenberger n’honorent pas la classe politique. Le peuple dispose d’un puissant moyen de le faire savoir.

«Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne». Personne n’a oublié le célèbre principe de Chevènement. Une sorte de fierté virile qu’on chercherait en vain du côté de la Berne fédérale, où lorsqu’on démissionne, c’est généralement pour des prunes. Par simple caprice, humeur morose ou sordide convenance personnelle.

L’annonce du départ de Hans-Rudolf Merz, après celui de Moritz Leuenberger, porte ainsi à quatre en une seule législature le nombre de fuites anticipées, pour ne pas dire de désertions, au sein du sacré collège. Quatre conseillers fédéraux qui descendent du train en marche, ça finit par faire désordre. On renifle là comme un très politicard mépris des règles démocratiques.

Le conseiller aux Etats Robert Cramer s’en est indigné, sans doute à raison. Ces départs n’importe quand et n’importe comment, paraissent avoir pour moteur principal de bien basses manœuvres, du genre «arranger les bidons des partis». Et peuvent être vécus comme une sorte de bras d’honneur à l’égard du parlement: «Nous avons passé, s’énerve Cramer, des heures à mettre au point le programme de législature avec les conseillers fédéraux et aujourd’hui seuls trois sur sept restent en place. Les quatre successeurs devront suivre des priorités qui ne sont pas les leurs».

Cette fois les déserteurs ont fait même plus fort et porté la confusion jusqu’au coeur de leurs états-majors respectifs. Certes le soldat Leuenberger a fini par céder, lui qui l’avait d’abord joué «un ministre ça perce le Gothard, ça s’en va à Cancun faire le beau, puis seulement après ça démissionne». Ce double caprice on le sait n’aura pas lieu et Leuenberger partira en même temps que Merz, le 22 septembre. Jour par coïncidence de la Saint-Maurice.

Martyr de la cause, Leuenberger s’est incliné devant les supplications de son parti. Repourvoir d’abord le siège radical, deux mois avant celui des socialistes, cela aurait donné trop d’avantage stratégique et de marge de manœuvres à Pelli et ses petits copains. N’empêche, les commentateurs se déchaînent et parlent de «scénario pitoyable».

C’est surtout Leuenberger l’arrogant, le dandy, le donneur de leçons, qui se voit vilipender. Merz, on a l’habitude, lui qui ne fut que gaffes, pataquès et contretemps. Quant à la déclaration du président du PS Christian Levrat, posant que cette misérable reculade conférait à Moritz Leuenberger une «stature d’homme d’état», mieux vaut en rire.

La ficelle est d’autant plus grosse que ce fameux 22 septembre, le critère d’ancienneté voudra qu’on élise d’abord le successeur socialiste. Un atout certain au jeu de la barbichette: tu votes pour mon candidat, je plébiscite le tien.

Il y a pire. Les socialistes pourront choisir avant les radicaux. Comme il semble probable qu’ils opteront pour une femme — plutôt la zurichoise Jacqueline Fehr que la bernoise Simonetta Sommaruga — ce cas de figure pourrait doublement nuire à la très sécuritaire Karin Keller-Sutter, que la gauche déteste, et faire le jeu du businessman Johan Schneider-Ammann, proche des milieux économiques. Bernois de surcroit et surtout homme.

Dans un monde idéal, les chambres pourraient sans problème envisager un Conseil fédéral à cinq femmes, puisque le sexe en politique ne joue comme chacun sait aucun rôle. Dans la pratique, c’est une toute autre affaire et on peut parier que les bons vieux réflexes néandertaliens seront au rendez-vous.

Ce petit tas d’embrouilles — qui aura peut-être pour conséquence d’éliminer la meilleure candidate — fera en tout cas, à coup sûr et par contraste, apparaître comme un modèle de vigueur démocratique l’initative UDC prônant l’élection du Conseil fédéral par le peuple. Après les sacres ou plutôt les massacres et marchandages du 22 septembre, la tentation pourrait être grande de préférer un peu de démagogie à tant de vilaines manœuvres.

Nicolas Martin