Une zone de haute pression sur la Russie et des pluies au Pakistan, dans des proportions exceptionnelles : la combinaison de deux phénomènes explique les deux catastrophes, selon la chercheuse Olivia Romppainen.
Les Russes suffoquent sous la fumée des incendies tandis que le Pakistan connaît des inondations « pires que le tsunami », selon Maurizio Giuliano, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).
Le Pakistan compte ses morts : 1 600 en deux semaines, 165 en Inde voisine, et 500 000 sans-abri dans la seule région du Pendjab. Plus de 10 millions de personnes sont touchées par la catastrophe.
En Russie, les températures descendent à peine en dessous de 40°C. Des villages entiers ont pris feu, tout comme des forêts et de vastes étendues de terres. Plus de 50 personnes ont déjà perdu la vie. Moscou, entre autres, étouffe sous un smog extrêmement malsain.
« Combinaison malheureuse de deux phénomènes »
Or il y a un lien « dynamique » entre ces deux catastrophes. C'est ce qu'explique Olivia Romppainen-Martius de l'Institut pour l'atmosphère et le climat de l'Ecole polytechnique fédérale (EPF) de Zurich.
Ce lien, c'est le « jet stream ». Ce courant se transforme en vents très forts au-dessus du Pakistan. Leur vitesse augmente en direction de l'Est et vont balayer l'Himalaya. Or la canicule russe, avec ses masses d'air chaud, renforce ce jet stream, explique Olivia Romppainen, interrogée par SwissInfo. Dans la région où le jet stream se forme, des masses d'air plus fortes sont tirées vers le haut.
A cet endroit-là, juste au-dessus du Pakistan, une nouvelle anomalie se produit :
« Cette année, les moussons avaient amené énormément d'humidité vers le Nord de l'Inde et du Pakistan. En montant, ces masses d'air humides ont provoqué les fortes pluies. »
De façon simplifiée, on peut dire que le Pakistan est à l'intersection, lourde de conséquences, entre un jet stream venu du Nord et la mousson exceptionnellement forte provenant du Sud. Olivia Romppainen parle d'une « combinaison malheureuse de ces deux phénomènes ».
Les experts ne peuvent en revanche pas se prononcer sur les raisons de cette « rencontre ». Est-ce le hasard ou la conséquence d'autres facteurs, tels que réchauffement climatique ? Olivia Romppainen ne se prononce pas. Pour connaître les futures évolutions du climat, il faut faire de nombreuses recherches modélisées, ajoute la chercheuse.
Toujours davantage d'événements extrêmes
Ces modèles permettent déjà aux chercheurs de prévoir que le nombre d'événements extrêmes va augmenter en raison du réchauffement climatique. Hasard ou non : aussi bien à Moscou, avec ses 40°C, qu'au Pakistan, où le thermomètre est monté jusqu'à 53,5°C en mai, ce sont des records qui ont été enregistrés.
Olivia Romppainen est également sûre que les fortes précipitations qui touchent actuellement le Nord-Ouest de la Chine, semant la mort et la désolation, ont été déclenchées par la rencontre entre le jet stream et la mousson. C'est aussi le cas des inondations qui viennent de provoquer huit morts en Allemagne, en Pologne et en Tchéquie.
Dans ce dernier cas, la climatologue parle d'une « situation météorologique typique 5b » qui peut conduire, en été particulièrement, à des fortes pluies en Europe. Elle rappelle les catastrophes de 2002 sur l'Oder et de 2005 en Suisse.
La dénomination « 5b » ou « Vb » est employée par les météorologues pour décrire une région de basse pression stationnaire qui permet l'accumulation de beaucoup d'humidité durant plusieurs jours, en provenance de la Méditerranée ou de mer Noire.
Si les chercheurs hésitent à attribuer les inondations au changement climatique, les réassureurs, eux, sont sûrs de leur diagnostic : selon les analystes de la société Münchener Rück, les phénomènes météorologiques actuels forment, dans l'ensemble, une chaîne d'indices suffisamment claire pour qu'on puisse les voir comme les manifestations du changement climatique.
Renat Künzi